Par Laure JEANDEMANGE.

À force de rigueur et de travail, Élodie Dargier a fait ses armes d’hôtel en hôtel, de la cabine à la réception. Elle dirige aujourd’hui le spa d’un palace parisien, l’Hôtel Shangri-La Paris. Voici son parcours et ses conseils.

Élodie Dargier

Élodie Dargier

POURQUOI L’ESTHÉTIQUE ?

J’ai suivi un parcours général avec un Bac littéraire. J’ai ensuite réfléchi à un métier avec «de l’humain», qui me permettrait d’avoir un contact privilégié avec les autres, de pouvoir les sublimer. Si au début, j’étais intéressée principalement pas l’esthétique et la beauté, je me suis vite rendu compte que le wellness, univers multi-facettes, me donnerait l’occasion de m’épanouir et de ne jamais m’ennuyer.

MES ÉTUDES

Si aujourd’hui mes parents sont fiers de moi, au début, je me souviens qu’ils n’étaient pas très enthousiastes à l’idée que je me lance dans l’esthétique. Ce qui ne m’a pas dissuadée de passer un BTS Esthétique à l’ETPEC de Limoges.

Ces études m’ont énormément plu, même si c’était un challenge car je venais d’une filière littéraire.

MES PREMIERS PAS EN HÔTELLERIE

Mon premier emploi a été en tant que saisonnière à Lacanau dans un complexe hôtelier. C’est ainsi que je suis entrée dans l’hôtellerie.
J’ai vraiment apprécié découvrir tous les métiers au sein d’un hôtel, c’était très enrichissant et plus ouvert sur l’extérieur que pouvait l’être un institut de beauté. J’ai été saisonnière dans différents lieux quatre et cinq étoiles pendant quatre ans.

MON PREMIER POSTE EN RÉCEPTION

Puis j’ai été contactée à 22 ans par le complexe hôtelier thermal Calicéo de Dax qui ouvrait un spa. J’étais très impressionnée d’intégrer une telle structure, pour de nouvelles missions. J’ai vite compris à quel point la réception était un poste clé. Cela m’a plu instantanément. Être le point de contact entre la clientèle et les spa praticiennes convenait beaucoup plus à mon caractère que l’environnement plus confiné de la cabine. Je devais organiser toute l’expérience client en amont. Un vrai challenge que d’être un «chef d’orchestre» pour faire vivre un moment formidable à nos clients et leur conseiller le soin le plus adapté en fonction de leur personnalité et de leurs envies !
Le fait d’avoir été en cabine avant était un plus, car je connaissais parfaitement les contraintes des spa praticiennes en termes de temps, de fatigue, d’expérience, et savais exactement quel type de soins attribuer à chacune.
Au bout de deux ans, mon manager a compris que j’avais besoin de vivre autre chose, d’aller encore plus loin dans la prise en charge des clients, dans le service. Un jour, il m’a dit que j’étais prête pour travailler dans un palace… Je repense souvent à cette phrase, il a été très clairvoyant !

L’ILE DE RÉ, L’AUSTRALIE, PARIS

À l’époque, je n’avais pas encore le projet de devenir spa manager. Je voulais simplement progresser, et vivre de belles expériences professionnelles. Pour acquérir de nouvelles notions de service, je suis retournée en cabine au Richelieu, un Relais & Château cinq étoiles à la Flotte en Ré.
À la fin de la saison, riche de nouveaux enseignements et de rencontres, je savais ce que je voulais faire et ce que je ne voulais plus faire. Et surtout, j’ai pris conscience que le service en hôtel cinq étoiles me plaisait beaucoup. Mais il me manquait l’anglais, que je ne parlais pas à l’époque. J’ai alors décidé de partir quelques mois en Australie, puis à mon retour en France, de rejoindre Paris pour découvrir le marché des hôtels parisiens…

L’ÉVOLUTION DU MÉTIER, DU SPA

Tout au long de mon parcours, j’ai vu l’image de l’esthéticienne évoluer de manière positive, être mieux considérée et reconnue pour ses compétences. Il y a encore beaucoup de chemin à accomplir mais c’est à nous de prouver les choses. C’est pour cela que mon cheval de bataille, c’est la rentabilité parce que si le spa est rentable, notre crédibilité sera plus importante au sein de la structure hôtelière. Ce n’est pas parce que nous incarnons un lieu dédié à la détente que nous n’avons aucune pression !

L’ARRIVÉE AU BRISTOL

Quelque temps après mon arrivée, j’ai répondu à une annonce pour être réceptionniste au spa du Bristol. Je savais que c’était un des plus beaux hôtels parisiens, un palace, mais je n’y étais encore jamais allée. Heureusement, car je pense que j’aurais eu beaucoup plus de pression ! Mon attitude sereine à l’entretien m’a valu de décrocher le poste de réceptionniste.
C’était un poste que je pensais maîtriser, mais j’ai découvert qu’il me restait encore beaucoup à apprendre ! Le spa du Bristol travaillait avec la prestigieuse marque La Prairie, et je suis arrivée au sein d’une équipe de Parisiennes qui connaissaient tous les codes du luxe. Les trois premiers mois ont été vraiment très durs.
Le Bristol est une maison rigoureuse, j’ai dû travailler énormément pour acquérir ses codes moi aussi, et pour être capable de les retranscrire en termes d’émotion, d’expérience, savoir comment me comporter et m’adresser à une clientèle internationale de palace, exigeante. J’étais très motivée mais aussi très stressée.
L’hôtellerie de luxe est un univers intransigeant, mais c’est ainsi que l’on atteint l’excellence.
Petit à petit, je me suis sentie plus à l’aise, l’équipe était formidable et j’adorais le contact avec les clients. C’est au Bristol que j’ai appris tous ces détails qui font la différence.
Après un an, j’ai été élue meilleure employée de l’année parmi les 400 employés, c’était une grande fierté. C’est à ce moment-là que je me suis sentie prête pour aller encore plus loin.

LE SECRET D’UNE BONNE RÉCEPTIONNISTE

C’est une personne qui sait gérer et optimiser son planning, et qui est capable d’anticiper ce qui va se passer durant la journée. Qui sait exactement, pour chaque rendez-vous, le contexte de la visite. Il faut recevoir nos clients comme des invités, avoir une écoute attentive et particulière pour chacun, donner des recommandations adaptées. Anticiper au maximum permet de ne pas se retrouver prise au dépourvu et rester en maîtrise, tout cela dans l’objectif d’apporter la prestation la plus parfaite à la clientèle.

Parcours Spa : Élodie Dargier

DU BRISTOL AU ROYAL MONCEAU

Après deux ans, j’ai quitté le Bristol pour prendre le poste de chef de réception au spa du Royal Monceau. C’était un gros spa de sept cabines, avec une équipe d’une quarantaine de personnes au total. Le Royal Monceau est un club parisien avec 90 % de clients extérieurs, ce qui n’était pas le cas au Bristol. J’ai découvert un autre univers, celui du «vrai spa parisien» avec d’autres règles et d’autres problématiques.
Comme d’habitude, j’étais très motivée par tant de défis à relever ! Et notamment faire en sorte que les équipes me suivent, acceptent de changer leurs habitudes pour être encore plus efficaces et rigoureuses.
Après un an et demi, j’ai été promue adjointe de direction. Je gérais les praticiennes du spa mais aussi les coachs et la réception, ce qui représentait beaucoup de monde. Là, j’ai appris les ressources humaines, l’administratif pur et dur.
Avec mon équipe, nous avons su mettre en place des process pour accroître la rentabilité, développer le Club tout en maintenant la qualité.

ÇA Y EST, JE SUIS SPA DIRECTOR !

Depuis deux ans, je suis la Directrice du Chi, le Spa du Shangri-La Hôtel, Paris.
Au quotidien, je suis moins dans l’opérationnel qu’auparavant. Je travaille en collaboration avec les équipes de la communication et du marketing, je mets en place des partenariats, je rencontre des responsables de marques et je m’occupe du développement commercial du spa, notamment avec le développement des memberships.
Je suis arrivée au sein d’une équipe de six praticiennes, très accueillantes et bienveillantes. Junior pour la majorité d’entre elles, je les ai formées. Avoir de bonnes praticiennes est primordial pour un spa, car ce sont elles qui vont faire vivre l’expérience aux clients, retranscrire la philosophie du spa et l’esprit de la marque. Ce sont de vraies ambassadrices. Il est donc très important qu’elles comprennent la démarche et qu’elles s’approprient les protocoles de soins et les produits.

TROIS OUTILS ESSENTIELS AU SPA

• Pour améliorer la communication au sein de l’équipe, et notamment pour faire remonter toutes les remarques des clients ou actions à appliquer, j’ai pris l’habitude d’instaurer une liste de consignes que l’on consulte chaque jour. C’est la première chose à faire en arrivant au spa. Chacun sait ainsi exactement ce qu’il a à faire et à quel moment, les éléments importants de la journée… ça fonctionne très bien.
• Chaque rendez-vous est associé à une note avec des commentaires, les plus complets possible pour que la réceptionniste puisse savoir précisément ce qu’il va se passer et anticiper : comment le client a-t-il réservé ? Avec qui ? A-t-il des demandes particulières ? S’il vient pour l’anniversaire de sa femme par exemple, il faut préparer une attention particulière. C’est cela, le service…
• La prise en charge du client doit être personnalisée et réfléchie. Nous travaillons sur de multiples détails qui vont faire la différence.

Par exemple, en cabine, avant le soin, la praticienne s’assoit avec le client pour comprendre ses attentes précises. Il faut s’approprier ce qu’il souhaite, le reformuler et le retranscrire dans ce qu’on va faire. Ça ne prend que quelques minutes et cela fait toute la différence. Et même si le client est un habitué, cela nous permet de créer un lien avec lui et d’avoir une écoute particulière. De même, quand on prend une réservation à la réception, je questionne toujours le client sur ce qu’il souhaite précisément. S’attend-il à un massage énergisant avec une pression douce ? Ou à quelque chose de plus tonique ? A-t-il des problèmes de dos ? Il faut toujours questionner pour obtenir de bons résultats dans la satisfaction du client. C’est très frustrant de sortir d’un soin et d’avoir l’impression de ne pas avoir reçu l’expérience qu’on était venu chercher…

RENTABILISER LE SPA, ABSOLUMENT !

Dès le début de ma carrière, j’ai compris qu’il fallait vendre pour être rentable et pouvoir maintenir un niveau élevé de qualité et de service. J’ai adoré le faire au Bristol avec la marque La Prairie, une marque très haut de gamme, gros challenge ! C’est là que j’ai compris qu’un spa devait impérativement être un centre de profits.
Au Royal Monceau, les objectifs du spa étaient difficiles à atteindre au début, il a fallu trouver des leviers et notamment remotiver l’équipe ! Aujourd’hui, rentabiliser le spa est devenu mon cheval de bataille.
J’aime le développement commercial, trouver un juste équilibre entre le maintien de la rentabilité et le niveau de service. Les deux aspects sont très liés. Pas de rentabilité sans excellence et pas d’excellence sans rentabilité ! Aujourd’hui, le spa du Shangri-La est devenu rentable et c’est une belle victoire pour mon équipe et pour moi.

Comment développer la rentabilité du spa ?

Il existe beaucoup de leviers pour augmenter le chiffre d’affaires d’un spa, sans tout faire reposer sur les épaules des spa praticiennes et leur mettre la pression sur les ventes de soins et de produits. Je fais en sorte qu’elles comprennent l’importance des ventes pour maintenir l’équilibre du spa, mais aussi de les sensibiliser aux différents budgets auxquels nous sommes soumis. L’optimisation du planning est également très importante.

LES CHIFFRES

J’ai suivi des études de lettres et donc je n’étais pas d’emblée à l’aise avec les chiffres ! Mais je m’y suis mise au fur et à mesure. Pour s’investir, il faut sortir de sa zone de confort. Le chiffre que je surveille en particulier est l’occupation des cabines, les chiffres du Club et les ventes. L’activité du Club nous assure une certaine sécurité mais il faut toujours le développer, faire progresser les offres et activités, communiquer et faire un suivi avec les membres.

LA DIFFÉRENCE ENTRE DEUX BEAUX SPAS

C’est l’âme qui fait toute la différence, mais il y a aussi la structure du spa. Au Shangri-La Hôtel, Paris, ce qui fait son identité, c’est la lumière du jour, la piscine ouverte sur la terrasse. La marque joue également un rôle ainsi que le style et l’ambiance de l’hôtel. C’est l’association de tout cela qui fait la différence, avec le savoir-faire des praticiennes. J’ai connu des endroits où les clients continuaient à venir se faire masser, même s’ils avaient pu trouver un service de meilleure qualité ailleurs, mais ils voulaient suivre leur praticienne ! Il est donc très important d’avoir les bonnes personnes.

L’AVENIR

Je n’ai pas du tout l’impression d’être arrivée au sommet de ma carrière. Le spa et le wellness se développent dans de nombreux domaines et de mille manières différentes. J’ai toujours travaillé dans l’hôtellerie. C’est quelque chose que je connais et que je sais faire. Et cela me permet d’être plus confortable sur le côté opérationnel, pour pouvoir me concentrer sur la formation, développer les aspects commerciaux et les partenariats… Pour l’instant, ça me convient !