Parcours de spa manager à l’étranger 2 mars 2025 Spa Experts Aurore Delahaye-Brechet, Responsable massothérapie à Québec Par Florence KOWALSKI, Social Media Manager et Ghostwriter spécialisée en hôtellerie et bien-être. Aller explorer ce qui se fait ailleurs dans l’univers du spa peut être un excellent moyen de prendre du recul pour se rendre compte qu’on a envie de s’installer durablement dans un autre environnement… ou au contraire constater qu’on est finalement plutôt bien dans son pays d’origine. Mais il y a, à chaque fois, des enseignements uniques… Pour les spa thérapeutes, réceptionnistes spa, équipières, coach fitness en spa…, faire une expérience à l’étranger est l’opportunité d’acquérir de nouveaux savoirs, de découvrir d’autres lieux, d’apprendre une autre langue, de s’adapter à de nouveaux besoins clients… Pour les employeurs, directeurs(trices) d’hôtels, de spas, c’est l’opportunité d’intégrer des profils différents, souvent débrouillards et porteurs d’expériences et de connaissances enrichissantes pour le reste de l’équipe. Ce mois-ci, nous avons interrogé Aurore Delahaye-Brechet, responsable massothérapie au Strøm Spa Nordique, dans le Vieux Québec au Canada. Direction le Québec À la suite de l’obtention de mon Bac Pro, et après la réforme du BTS MECP, j’ai passé ce diplôme en alternance : à l’école en basse saison et dans les stations de ski des Alpes pendant la saison hiver. J’ai passé deux merveilleuses années. Professionnellement, cela m’a appris la rigueur et l’adaptabilité, qui sont pour moi deux points essentiels pour devenir une bonne thérapeute. Et j’y ai aussi rencontré mon mari. Je me suis ensuite installée en région Poitou-Charente où j’ai travaillé trois ans dans un spa urbain. L’impossibilité d’évoluer et le salaire vraiment bas qui, pour moi, ne reflétait pas mon expertise, n’ont fait qu’augmenter mon envie d’aller voir ailleurs. C’est ainsi que le 1er décembre 2021, nous sommes partis pour le Québec, direction la ville de Québec et non pas Montréal, comme font beaucoup de Français, car nous recherchions une ville familiale à taille humaine. Devenir massothérapeute agréée J’ai passé ma première année dans un salon de beauté comme esthéticienne avec la possibilité de pratiquer le massage sans la mention « massothérapeute agréé ». Les clients devaient être informés que je ne pouvais pas produire de reçu d’assurance et qu’ils ne pourraient donc pas être remboursés. Il faut savoir qu’au Canada, l’équivalent des mutuelles françaises (qu’on appelle les Bénéfices) prennent en charge le massage s’il est pratiqué par un(e) massothérapeute agréé(e), c’est-à-dire ayant suivi une formation officielle canadienne. Je voulais vraiment avoir ce statut. Donc, en parallèle de mon travail, j’ai suivi les 400 heures de formation de massothérapeute afin d’obtenir mon diplôme pour ensuite être membre d’une association et pouvoir à mon tour délivrer ces reçus d’assurance. Fin 2022, j’avais besoin d’un nouveau défi. J’avais vraiment envie de responsabilités. J’ai pris un poste de responsable massothérapeute au Strøm Spa Nordique où mon rôle est d’assister les deux cheffes du département massothérapie dans leurs tâches. Ainsi j’organise et je veille au bon déroulement des journées pour les massothérapeutes et les clients. Pourquoi le Québec ? Depuis un certain temps, avec mon mari, nous ne trouvions plus d’épanouissement professionnel en France. Le Québec offrait la facilité de la langue, même si ce n’est pas un bout de France en Amérique. Il s’agit bien d’un pays d’Amérique du Nord qui parle Français avec toute la culture nord-américaine qui va avec… Autre avantage : dans nos recherches nous avions vu un grand nombre d’offres d’emplois dans nos métiers respectifs et dans des lieux magnifiques. C’était vraiment inspirant. Nous n’avions jamais visité le pays avant, ce qui a surpris nos proches, mais pour nous c’était vraiment une expérience immersive à la découverte de l’inconnu. Nous avions tous deux travaillé plusieurs années en station de ski et avions envie de paysages enneigés. C’était pour nous deux une première expérience internationale mais les saisons dans les Alpes nous avaient déjà habitués à l’éloignement des familles. Mon mari a trouvé un emploi comme cuisinier, ce qui nous a permis d’obtenir un visa pour tous les deux. Avec le mien, j’avais un permis de travail « ouvert », qui me permettait de travailler où je voulais, voire de cumuler plusieurs emplois, ou même être sous statut « travailleuse indépendante » (plus ou moins l’équivalent de free-lance en France). Depuis mon arrivée, j’ai travaillé dans deux structures bien différentes trouvées via Indeed avec à chaque fois envoi d’un CV, un premier contact par téléphone ou une téléconférence, puis une rencontre physique avec un test pratique. La valeur des diplômes français au Canada Le Québec regorge d’offres d’emplois dans beaucoup de corps de métiers. Il n’est pas difficile de trouver un emploi une fois sur place. Il faut bien comprendre que dans un spa, il y a deux départements bien distincts : – l’esthétique avec la proposition de soins similaire à la France, – le département de massothérapie. Pour travailler dans ce dernier, il est souvent obligatoire d’être membre d’une association de professionnels et d’avoir une assurance car se sont souvent des contrats de prestation de services (« travailleur autonome ») alors que dans l’esthétique, ce sont pour la plupart des salariés traditionnels. J’ai fait une tentative de reconnaissance de mes diplômes mais c’était compliqué, j’étais déjà au Canada et je n’avais pas accès aux justificatifs demandés. J’ai donc pris la décision de m’inscrire dans une école canadienne afin de passer mon diplôme de massothérapeute pour continuer à faire du massage sans restriction réglementaire. Je conseille d’ailleurs à toutes les spa praticiennes qui veulent venir au Canada d’essayer de faire valoir leurs diplômes depuis la France et de justifier d’un certain nombre d’heures de formation avant de venir ici. Cela peut permettre d’avoir une équivalence pour être reconnue « massothérapeute agréée » et ne pas devoir retourner à l’école. La formation de massothérapeute Différentes écoles proposent la formation initiale de 400 heures pour un tarif compris entre 4 000 et 4 500$ environ (soit un peu moins de 3 000€). La formation en massage ici est très différente de ce que nous avons en France : 400 heures permettent de devenir un(e) massothérapeute de base ; avec 1000 heures on atteint un niveau avancé type kiné, tandis qu’avec 1200 heures, on valide un niveau expert pour devenir orthothérapeute (qui est un mélange de massothérapie et de kinésithérapie.) Personnellement, j’ai fait toute la partie théorique à la maison et seulement la pratique en présentiel. J’ai commencé en janvier, j’ai assisté à quatre semaines en présentiel en deux fois deux semaines, avant de terminer par la partie examen final début avril. C’était intense mais ça en valait la peine. L’enseignement du massage en France VS au Canada Le massage enseigné en niveau 1 est uniquement le suédois, une approche relaxante et thérapeutique avec une connaissance approfondie des muscles, de leur localisation, leur rôle et comment les masser. C’est surprenant pour nous car, en France, nous apprenons un massage en trois jours… Ici, il faut s’inscrire au niveau 2 pour plus de pratique de massages (lomi-lomi, pierres chaudes, femme enceinte) et un travail thérapeutique plus approfondi car l’approche du niveau 1 peut ne pas être suffisante dans la pratique quotidienne du massage en spa ou clinique. À mon sens, les 400 heures de formation ne sont pas suffisantes pour faire un « bon » thérapeute mais ça permet de commencer à exercer et de prendre le temps de tester différents lieux (spa, clinique…) ou différentes spécialités : détente, thérapeutique ou sportif. Ici, on a le droit d’associer sans aucune crainte les termes « massage » et « thérapeutique » sans risquer d’avoir des problèmes avec l’Ordre des Médecins ou des Kinésithérapeutes. La prise de poste au Canada Au sein du spa, les départements massothérapie et esthétique sont séparés. Grâce à mon expérience, j’ai eu la chance d’avoir une connaissance approfondie dans les deux, avec une vue globale des différents postes. En revanche, mon point faible réside dans mon approche du massage, avec des lacunes dans l’aspect thérapeutique car ce n’est pas quelque chose qu’on apprend en France. Mais j’y travaille ! Je n’ai pas rencontré de réelles difficultés à la prise d’un poste à responsabilité en tant que Française, peut-être un peu d’appréhension. Mais si on aborde ça avec humilité, ça fonctionne. Notre pratique et notre approche sont différentes, il n’y en a pas une qui soit meilleure que l’autre. Ce que j’aime, c’est que chaque employé est considéré en tant que personne, avec ses forces et ses faiblesses et c’est ce qui limite ici le turn-over. J’ai également l’impression qu’on donne plus leur chance aux débutants (ce qui devient obligatoire par le manque de mains d’œuvre, comme en France ). Travailler au Canada Le Québec est la seule province à parler français en Amérique du Nord, ce qui n’en fait pas pour autant un bout de France en Amérique du Nord. Il ne faut pas l’oublier. En tant qu’expatrié, il est important de ne pas arriver avec des certitudes, il faut prendre le temps de comprendre la réalité des choses puis de se faire un avis. C’est important de ne pas vouloir imposer notre manière de vivre ou de vouloir changer celle de nos hôtes. C’est à nous de nous intégrer et de découvrir les différences culturelles. En ce qui concerne le mode de vie, j’ai eu le plaisir de découvrir qu’ici, le travail n’était pas au centre de la vie. Au Québec, on adapte le travail à son mode de vie plutôt que l’inverse. Il est très courant de ne pas travailler 35 heures ou plus dans le secteur de la massothérapie. Et de respecter ses capacités et non de se les faire imposer par son employeur. En France, j’ai trop souvent exercé dans des spas où pratiquer plus de 6 heures de massages par jour 4 à 5 jours par semaine était normal et ça commençait vraiment à me lasser… Au Québec, on adapte le travail à son mode de vie, pas l’inverse Si pour la partie esthétique, les employés sont presque tous des salariés, en massothérapie, ce sont surtout des travailleurs autonomes, installés à leur compte et qui paient un loyer ou des commissions au spa où ils interviennent. Les salaires sont plus intéressants et un temps plein en massage est estimé à environ 20 heures de massages semaine. Un retour en France ? La considération des collaborateurs est pour moi un énorme point positif ici ! Trop souvent, les réunions d’équipes que j’ai connues en France étaient focalisées vers le négatif, avec très peu de partage sur les réussites, très peu de remerciements. Travailler sous cette pression et avec cette mentalité ne me convenait plus et je suis heureuse d’avoir cette expérience au Québec. Sur le plan personnel, le fait d’avoir immigré nous a permis de rencontrer des personnes formidables car nous nous sommes tout de suite ouverts aux Québécois, sans rester entre Français. Néanmoins, nous envisageons à terme un retour en Europe (pas forcément en France) car l’éloignement des familles est parfois difficile, surtout avec le décalage horaire. Je suis certaine que si je reviens en France, l’expérience acquise ici me sera utile. Un management humain, le respect de chaque personne, une pratique plus thérapeutique, le respect des capacités de chacun, savoir écouter les retours clients comme ceux des employés… Ce sont des détails qui font la différence humainement et j’aimerais ramener ces bonnes pratiques avec moi, en France. Ici, on peut associer sans aucune crainte les termes « massage » et « thérapeutique »