Par Florence KOWALSKI, Spa Boosting.

Comme expliqué précédemment, l’apparition du Covid-19 oblige aujourd’hui les lieux de bien-être à mettre en place des gestes barrières relativement contraignants.

Ainsi, si théoriquement les gants ne sont pas obligatoires pour les praticiens bien-être et si, pour ceux qui en porteront, des gants en nitrile permettent de faire des massages californiens enveloppants, dans les faits, il y a fort à parier que tant qu’il n’y aura pas de vaccin, la situation sera la suivante :
– d’une part, les clients seront plus frileux pour ce type de prestations,
– d’autre part, les praticiennes seront beaucoup moins à l’aise en raison des risques pour leur santé,
– pour ces raisons, l’expérience spa risque de s’avérer décevante.
Pour les soins visage, comme évoqué plus haut, les réserves quant au fait de masser le visage pourraient dénaturer la prestation.

LE RISQUE ? SE METTRE EN POSITION D’ATTENTE… ET RISQUER DE VIDER DE SON SENS L’EXPÉRIENCE SPA

Alors que faire ?

1 – Conserver la carte de soins sans tout proposer

Conserver la carte de soins en l’état et expliquer au client que certains soins ne se font plus temporairement ? Ce serait un peu comme aller déjeuner dans un restaurant du bord de mer en fin de saison d’été, se faire remettre par le serveur un menu rempli de belles promesses de plats tous plus délicieux les uns que les autres, pour que finalement, lors de la prise de commande, on nous explique qu’il n’y a que 2 ou 3 plats disponibles parce que c’est la fin de la saison mais que d’habitude on a tout… L’expérience a un petit côté « pétard mouillé » et sera forcément déceptive…

2 – Modifier les soins de la carte

Conserver sa carte de soins en l’état et modifier le déroulement des soins pour les faire « coller » aux gestes barrières ? Là encore, on risque fort de dénaturer l’esprit des soins, d’en diminuer l’efficacité et d’appauvrir l’expérience proposée initialement. Sans compter le temps et l’expertise nécessaires pour réaliser ces modifications et faire en sorte qu’ils restent attractifs à la vente a minima…

3 – Supprimer des soins de la carte

Dernière alternative, la plus radicale : supprimer de la carte les soins qui ne sont plus proposés, comme l’ont fait certaines marques ? Le plus simple pour protéger les équipes et ne pas les exposer outre mesure au travers des soins pour lesquels le respect des gestes barrières est compliqué mais la carte va se trouver fortement réduite et l’expérience spa encore plus appauvrie…

Le problème

L’inconvénient de ces trois options est qu’elles consistent en une réaction défensive par rapport à la crise actuelle : on temporise, on l’affronte « le temps que ça aille mieux et que la vie reprenne son cours… ». Pourtant entre les avis de la communauté médicale sur l’évolution du virus au niveau mondial, les prévisions économiques du monde de l’hôtellerie et les études prospectives des professionnels du wellness, tout indique que cette période est loin d’être terminée et que les gestes barrières et les masques feront partie de nos vies pendant encore un long moment, voire ne nous quitteront plus parce que nous savons désormais qu’une telle situation peut se représenter.
Adopter une de ces options, c’est donc installer le spa dans une position d’attente et risquer de vider chaque jour un peu plus de son contenu « l’expérience spa » sur lequel de nombreux hôteliers ont déjà bien investi…

À moyen terme : refondre sa carte de soins pour répondre aux nouvelles demandes clients

PROPOSER DE NOUVELLES PRESTATIONS

L’idée : ne pas se demander quelles prestations sont autorisées mais plutôt de quelles prestations a désormais besoin le marché.

Contourner plutôt qu’affronter

Dans l’enseignement du yoga, en début de formation, on nous apprend que chaque posture doit être réalisée dans le respect d’un certain nombre de règles. Par exemple, quand on rentre dans Virbhadrasana 1 (Guerrier 1), les pieds sont ancrés, écartés largeur de bassin, le genou avant est plié en angle droit au-dessus de la cheville de la même jambe, en alignement parfait, les hanches sont alignées, le pied arrière est ouvert dans un angle de 45 degrés…
Mais en formation de perfectionnement à l’enseignement, au cours de laquelle nous expliquons tous que cette posture est finalement assez difficile à mettre en place et à tenir dans un alignement correct pour beaucoup d’élèves, on nous explique que quand on « bloque » dans une posture, il suffit d’en changer l’angle et de la réaliser couché plutôt que debout, sur le dos plutôt qu’assis, etc. Et force est de constater que ça peut tout changer et qu’on peut enfin expérimenter des sensations inconnues jusque-là, et ainsi sortir de ses frontières habituelles… Au niveau managérial, c’est la fameuse « Stratégie de la libellule » prônée par Thierry Marx dans le livre éponyme qui propose, à l’instar de la libellule, de vaincre un obstacle en l’abordant sous un angle différent pour mieux le contourner…
Concernant le spa, appliquer cette stratégie reviendrait à remplacer la question « Quelles prestations peut-on conserver dans le respect des gestes barrières ? » par la suivante : « Si on considère que nous sommes désormais dans « l’Après », quels nouveaux besoins font émerger cette crise et comment le spa peut y répondre ? ».
L’analyse des contraintes liées au virus, et la prise en compte de ce qui se passe dans les pays qui nous ont précédés dans cette crise, permet d’identifier des pistes d’évolution des offres de soins en spa. Ce ne sont que quelques exemples mais l’idée est vraiment de montrer qu’il y a de réelles pistes à explorer.

Demandez-vous quelles sont les prestations désormais attendues

Les prestations regard : beauté, anti-âge, bien-être des clientes… et des équipes !

Le port du masque fera désormais partie des premiers gestes que nous ferons en sortant de chez nous et ce pour de longues semaines, voire de longs mois. Les yeux et le regard dans son ensemble seront donc la seule partie visible et les femmes auront envie de la mettre encore plus en valeur que d’habitude. Ce point est intéressant pour différentes raisons.

Laetitita Meslati, Directrice d’Hypnotik Academy, un établissement de formation sur Lyon, le confirme : « Au vu de ce que nous avons pu expérimenter depuis plusieurs années au sein de notre institut, le pôle Regard est devenu l’un des cœurs de notre activité, je peux donc vous confirmer que c’est un secteur extrêmement porteur et rentable. Les prestations les plus demandées et démocratisées sont l’extension de cils, en plusieurs techniques (cil à cil ou en bouquets), le rehaussement et la teinture de cils. Ces différentes techniques sont complémentaires et demandées autant les unes que les autres, car correspondant chacune à une clientèle différente. Bien que minutieuses et demandant concentration et soin dans la réalisation des process, nous avons pu constater que les formations relatives au regard sont très accessibles, les protocoles aisément acquis, et l’investissement rapidement amorti au sein d’un établissement. »

Pour Céline Blundo, Directrice de Color Vintage Formation, à Montpellier, à ces prestations s’ajoutent également « la restructuration du sourcil, l’épilation au fil, la coloration au henné végétal pour un effet maquillage poudré ». Ajoutons que les coûts des consommables sont faibles, que les conditions de pratique sont parfaitement en règle avec les gestes barrières (et ce dès avant l’apparition de la pandémie) et que ces prestations sont très « fidélisantes » et peuvent ainsi créer du repeat business pour les spas ouverts à l’année.
L’idée n’est pas ici de faire un dossier complet sur les soins dédiés au regard mais plutôt de souligner toute la pertinence d’une telle offre dans une carte de soins spa et pas uniquement à la carte d’un institut de beauté où elles sont traditionnellement réalisées.
Les prestations autour du regard ont un réel effet « bien-être » au-delà du seul aspect esthétique : elles apportent de la lumière à un visage terne, de la gaieté à un regard triste, elles agrandissent les yeux, donnent bonne mine à un visage un peu fatigué… On est donc bien au-delà du seul effet « esthétique ». De plus, elles liftent visuellement le contour des yeux en structurant le sourcil, font « remonter » l’œil en allongeant la courbe des cils… Enfin, le maquillage des yeux est également une prestation qui va retrouver un véritable intérêt. Toutes ces prestations peuvent être associées entre elles ou à des soins visage au sein desquels elles pourraient remplacer un modelage « allégé » pour cause de gestes barrières.

À moyen terme : refondre sa carte de soins pour répondre aux nouvelles demandes clients

Autre avantage de ces prestations : le bien-être des praticiennes car ces prestations sont minutieuses et demandent une vraie technicité (comme pour la vente de produits, il n’y a pas de mystère : il faut se former, étudier ses fondamentaux puis pratiquer, pratiquer, pratiquer…) mais elles sont beaucoup moins exigeantes physiquement que les massages. Or les arrêts de travail pour cause de blessures (tendinites, canal carpien…) sont de plus en plus nombreux en spa, même sur des personnes ne pratiquant que depuis quelques années. Donc ce type de prestation présente un intérêt réel à terme.

Des soins mixtes associant corps et esprit

Le massage tel que nous le connaissons devra, de l’avis de beaucoup de spécialistes du spa, évoluer. Comme évoqué plus haut, les massages enchaînant des manœuvres type effleurages, pétrissages… réalisés avec des gants n’offriront pas la même sensation et, surtout, tant que nous serons tenus de masser avec des gants, a priori jusqu’à la découverte d’un vaccin, pour la sécurité des clients et des praticiennes, « l’expérience massage » en spa sera forcément perçue comme une expérience dégradée par rapport à l’avant Covid-19. Encore une fois, cela donnerait l’impression que le spa adapte des prestations existantes en attendant des jours meilleurs. Or, ce message n’est pas vecteur d’envie pour le client. Alors qu’il serait si simple de créer de l’innovation…

Le mieux-être mental

La recherche de mieux-être mental et émotionnel est en plein développement en France et à l’étranger, notamment au sein des clientèles des spas et centres de bien-être. Certains d’entre eux ont d’ailleurs commencé à mettre en place des cours de yoga, pilates, qi-gong, voire des ateliers « yoga & spa » comme au Spa de La Maison Rouge*** à Chambéry. Mais il est possible d’aller beaucoup plus loin en développant des soins signatures qui associeraient :
– des massages adaptés à l’utilisation de gants, qui pourraient être à base d’acupressions (shiatsu, réflexologie plantaire, palmaire, crânienne), d’étirements passifs et/ou actifs, d’instruments faciles à désinfecter comme des pierres chaudes, des pierres précieuses…,
– à des rituels de yoga, de respiration, de méditation, de qi-gong… créés sur mesure en fonction de l’objectif du soin, lui-même défini selon le storytelling de l’hôtel, pour que l’histoire racontée au spa soit la même que celle racontée en chambre.
Ces soins mixtes seraient réalisés en cabine et permettraient de proposer aux clients des soins ultra-personnalisés, intégrant vraiment leur état émotionnel et mental du jour.

Proposez au client des soins ultra-personnalisés intégrant leur état émotionnel

Les avantages de ces prestations

Pour les clients, l’offre est innovante, porteuse de sens et dans le respect des gestes barrières, ce qui leur permettra d’entrer dans une vraie détente.
Pour les praticiennes, au-delà de leur santé, également préservée, ce type de prestation est l’occasion de découvrir un autre aspect de leur pratique bien-être. Elles ne pourront certes pas proposer quelque chose de différent de leur propre initiative pour chaque client (sauf expérience probante dans l’activité ciblée) mais si le soin est bien conçu, ces différentes alternatives seront prévues dans le protocole de soin et l’ajout de 2/3 questions clés dans le questionnaire bien-être permettra à la praticienne de décider quel « scénario » de soin réaliser à son client.
Ces deux types de prestations ne sont que des exemples d’offres susceptibles de venir enrichir une carte de soins. On pourrait également, toujours en exemple, ajouter des soins contour des lèvres pour pallier les effets sur la peau du masque porté trop longtemps (dessèchement pour certains, acné pour d’autres…).

Comme vous pouvez le voir, les possibilités sont très nombreuses. Dans tous les cas, l’essentiel est que cette évolution de votre offre de soins s’inscrive dans la stratégie « bien-être » que l’hôtel souhaitera mettre en place à long terme, en cohérence avec son ADN et son positionnement.

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« À long terme : repenser l’expérience spa en expérience bien-être »

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