Par Florence KOWALSKI, spécialiste en stratégie de contenus et consulting spa pour les hôteliers. Ce témoignage d’un parcours spa à l’étranger est une nouvelle preuve qu’avec beaucoup de motivation, de la persévérance, une bonne dose d’humilité et en n’ayant pas peur de saisir les opportunités, on peut vraiment déplacer des montagnes. Après le Québec, notre série sur ces spa-managers qui ont choisi d’aller vivre leur aventure à l’étranger nous mène en Irlande, dans la petite ville de Killarney où Ornella Saib est aujourd’hui… Autre aventure, autres enseignements… mais toujours autant d’inspiration. Ornella Saib Mes études Originaire de Lyon, j’ai suivi une formation en hôtellerie pendant quatre ans, avant de travailler un an dans un restaurant pour économiser et financer ma formation en esthétique. Grâce à mon Bac, j’ai pu faire mon CAP Esthétique et Cosmétique en un an. J’ai ensuite poursuivi ma formation avec un CQP Spa Praticienne en alternance au Club Med. L’expérience a été très formatrice, même si le rythme était extrêmement soutenu, comme une «usine à massages», mais cela m’a appris énormément et m’a permis de rendre mes expériences professionnelles suivantes plus faciles. Mes premiers postes Après avoir obtenu mon CQP, j’ai choisi de m’installer sur la presqu’île de Giens, à Hyères, où j’ai trouvé mon premier CDI en tant que spa praticienne dans un spa tout neuf situé en sous-sol, dans un camping. Les propriétaires n’avaient pas d’expérience dans le domaine du spa, ce qui a généré de nombreux défis. Cependant, cela m’a permis de développer des compétences en gestion, car j’ai souvent dû gérer le spa seule. Quelques mois plus tard, alors que nous cherchions toujours une spa manager stable, on m’a proposé le poste. J’étais jeune et un peu effrayée, mais j’ai su m’entourer d’une équipe très professionnelle et sympathique, ce qui m’a beaucoup aidée à grandir. Au bout de deux ans, j’ai décidé de revenir à la montagne pour la saison hivernale. Je voulais travailler au palace K2 à Courchevel, mais mon anglais n’était pas assez bon. J’ai donc opté pour un nouveau spa à Serre Chevalier, où le spa manager est parti rapidement. Comme j’ai toujours eu un côté «leader», le directeur de l’hôtel m’a proposé de prendre en charge la gestion du spa avec une équipe de quatre praticiennes. Puis, je suis partie dans le Luberon en tant qu’assistante dans un spa cinq étoiles pendant deux saisons, avant de rejoindre un Relais & Château cinq étoiles voisin en tant que spa manager. Cette expérience a été formidable, mais après deux saisons, j’ai réalisé que je ne serais jamais pleinement satisfaite si je ne travaillais pas sur mon anglais. Je me sentais un peu illégitime en tant que manager, ne pouvant pas communiquer avec certains clients. C’est pourquoi j’ai décidé de partir à l’étranger. Départ pour l’Irlande J’ai accepté un poste de spa praticienne à Killarney car sans un bon niveau d’anglais, je ne me sentais pas prête à manager. Les entretiens étaient détendus et j’ai bien senti que le fait d’être française était un plus. J’ai donc commencé en tant que praticienne, puis, un mois après, le premier confinement est arrivé. J’ai décidé de rester, sans savoir combien de temps cela allait durer. Quelques semaines plus tard, j’ai remplacé la spa manager pendant son congé maternité, elle a démissionné à son retour. J’ai officiellement pris sa place pendant deux ans. Lorsque l’hôtel a été racheté, j’ai décidé de partir. Ainsi, depuis septembre dernier, je travaille en tant que commerciale pour une entreprise irlandaise qui distribue des marques exclusives en Irlande comme Payot, Filorga, Lierac, Phyto, Uriage, etc. La découverte du spa en Irlande J’ai fait une grosse erreur au départ : j’ai fait appel à une entreprise pour traduire mon CV (que j’ai relu deux ans plus tard et que j’ai trouvé catastrophique). Petit conseil, si vous voulez traduire votre CV en anglais, vérifiez vraiment les sources et faites attention aux recommandations car il y a pas mal d’arnaques dans ce domaine. J’ai postulé moi-même en envoyant des candidatures spontanées, car je voulais arriver avec un travail en poche. Ma grosse erreur a été de faire appel à une société pour produire mon CV Le logement L’hôtel m’a trouvé un logement et, depuis, je suis très proche de mes propriétaires. Avant d’arriver ici, je ne connaissais personne, ce soutien a été vraiment précieux. D’autre part, je vous conseille vivement de chercher un appartement à l’avance, car il y a une réelle crise du logement ici. La reconnaissance des diplômes Lors de mon entretien, on m’a simplement demandé une copie de mes diplômes, c’est tout. Nous n’avons jamais demandé à quiconque de refaire ses études en Irlande. Le défi de la langue La langue a été bien sûr un défi, mais honnêtement, tous, que ce soit les collègues ou les clients, ont toujours été bienveillants. À partir du moment où l’on y met du sien et on montre que l’on fait des efforts, cela se passe bien. Les relations avec les clients En ce qui concerne les relations avec les collègues, cela s’est très bien passé également. Pour ce qui est de la compréhension des besoins des clients, je n’ai jamais eu de soucis. Si j’avais un doute, j’étais honnête et demandais de l’aide ou simplement au client de répéter. Il ne faut surtout pas hésiter à dire que l’on n’a pas compris. C’est ainsi que l’on apprend. Et dans notre cas, en cabine, cela peut conduire à un malentendu sur la prestation souhaitée, par exemple. Les irlandais en spa La pudeur : les Irlandais sont extrêmement pudiques. Par exemple, on ne touche jamais le ventre lors d’un massage, c’est surprenant, car je crois énormément aux bienfaits des massages du ventre. – Une certaine proximité : une autre différence notable est que dans tous les spas où j’ai travaillé ou même où j’ai été massée, les clients sont appelés par leur prénom, ce qui crée une atmosphère plus personnelle. En France, nous avons des codes vraiment différents qu’on croit gravés dans le marbre mais finalement, là ça fonctionnait très bien aussi. Le management en Irlande Un management «cool» En tant que manager, l’aspect le plus challengeant pour moi a été d’apprendre à prendre du recul et à être beaucoup plus «cool» dans ma gestion. Même si je me considérais comme une personne ferme mais proche de mon équipe, soucieuse du détail, ma fermeté était parfois perçue comme trop stricte. À plusieurs reprises, j’ai été convoquée par les ressources humaines, qui m’ont expliqué que, de manière générale, les Français avec qui ils avaient travaillé étaient perçus comme trop directs. J’ai trouvé cela difficile à comprendre, car j’avais l’impression de tourner en rond chaque fois que je voulais communiquer quelque chose. En revanche, avec les Français que j’ai eus en stage ou en saison, la communication était beaucoup plus fluide, donc je pense que c’est vraiment culturel. La gestion des plaintes Une autre différence que j’ai trouvée assez surprenante concerne la facilité avec laquelle quelqu’un peut poursuivre en justice en Irlande, un peu comme aux États-Unis. Je n’avais jamais eu autant de plaintes de ma vie ! Il fallait remplir des rapports d’incidents très souvent, parfois pour des broutilles ! Les gens pouvaient être très menaçants si on n’assurait pas le suivi de leurs demandes. Tout cela peut paraître très négatif, mais mon expérience a été extrêmement enrichissante. La place du bien-être en Irlande En termes de bien-être, l’Irlande est encore derrière la France. De plus en plus de gens veillent à consommer local, et bien que le marché du bien-être en France soit beaucoup plus développé avec un panel de marques énorme, l’Irlande commence petit à petit à créer ses propres marques. Voya est la plus connue, suivie de Ground, Seabody… Il y en a encore peu pour le moment, mais elles sont très bien implantées. Il y a de plus en plus de beaux spas. Il y a aussi ce qu’on appelle ici l’ISA (Irish Spa Association). C’est une association qui invite tous les professionnels du bien-être à se réunir deux fois par an pour échanger sur les défis que l’industrie du bien-être peut rencontrer. J’ai participé à l’une des réunions et c’était très instructif. Cela permet de faire du networking, de se tenir au courant des nouveautés, de rencontrer des spa managers, et encore une fois, comme l’Irlande est un très petit pays, c’est très précieux ! Les rapports d’incidents sont très courant, parfois pour des broutilles