Par Colette AUDEBERT, Consulting Pilates & Wellness 2.0. Colette Audebert Quand j’ai accepté mon premier poste de spa manager, il y a plusieurs années, j’étais persuadée de tout connaître (ou presque tout). J’avais une formation solide, quelques années d’expérience et une passion pour l’univers du bien-être. Ce que je ne savais pas, c’est qu’entre la théorie et la réalité du terrain, il y a un gouffre que personne ne m’avait vraiment décrit. Aujourd’hui, après avoir traversé épreuves, succès, échecs et moments de doute, je voulais partager avec vous ces dix choses que j’aurais aimé connaître avant de me lancer dans cette aventure passionnante et surtout très exigeante. 1. Vous ne gérez pas un spa, vous vous occupez de l’équipe La plus grande erreur que j’ai commise durant mes premiers mois fut de croire que je dirigeais un établissement de bien-être. En réalité, je m’occupais des êtres humains avec leurs émotions, leurs ambitions, leurs peurs et leurs problèmes personnels. Cette prise de conscience a été brutale le jour où une esthéticienne a fondu en larmes dans mon bureau, non pas à cause du travail, mais parce qu’elle traversait une période difficile avec son enfant. La prise de conscience J’ai alors compris que derrière chaque collaboratrice se cache une personne avec sa vie, ses préoccupations et ses besoins. Avant Ma formation m’avait appris à gérer les plannings, les stocks et performer sur les ventes, mais personne ne m’avait préparée à avoir une écoute active et parfois même être une confidente pour l’équipe. Aujourd’hui Il est évident que consacrer du temps à écouter les membres de mon équipe, à comprendre leurs motivations et à les accompagner dans leurs difficultés (personnelles) représente l’investissement le plus solide que je puisse faire. Pourquoi est-ce important ? Cette dimension humaine du management se révèle particulièrement cruciale dans notre secteur où le contact physique avec les clients exige une sérénité intérieure. Une spa praticienne préoccupée ne peut pas transmettre la détente qu’elle est censée procurer. Apprendre à déceler les signaux de détresse, à organiser des entretiens individuels réguliers et à créer un climat de confiance devient alors plus important que toutes les techniques de gestion apprises sur les bancs de l’école. 2. Votre première mission n’est pas de vendre, mais de ne pas perdre d’argent Pendant des mois, je me suis attelée à développer le chiffre d’affaires, multipliant les offres promotionnelles et les nouveaux services. Résultat : des recettes en hausse mais une rentabilité en chute libre. Il m’a fallu du temps pour comprendre qu’avant de chercher à gagner plus, il faut d’abord éviter de perdre ce qu’on a. Plutôt que de chercher à optimiser chaque minute, j’ai appris à prévoir des créneaux tampons La prise de conscience Cette leçon m’est venue quand j’ai découvert que mes coûts dépassaient de plus de la moitié le chiffre d’affaires, seuil critique au-delà duquel la rentabilité devient quasi impossible. Pourquoi est-ce important ? L’analyse de votre budget et de vos objectifs est la clé de votre plan d’actions en tant que spa manager. Les budgets peuvent tout vous dire sur les décisions prises dans le spa. – Y a-t-il des dépenses excessives sur les produits ? – Qu’en est-il de la gestion du linge ? – Qu’en est-il de l’utilisation des produits pro en cabine ? Aujourd’hui J’ai appris à disséquer chaque poste de dépense. Les gaspillages de produits cosmétiques, les heures supplémentaires non maîtrisées, les équipements sous-utilisés, tous ces petits ruisseaux forment rapidement des rivières qui emportent la rentabilité. Aujourd’hui, je passe autant de temps à analyser mes coûts qu’à développer mes recettes. 3. Vous ne recruterez jamais la personne parfaite, mais vous pouvez former celle qu’il vous faut Au début, je cherchais la spa praticienne idéale : expérimentée, commerciale, ponctuelle, souriante, disponible et qui parle anglais, voire une troisième langue ! Avant Cette quête du Graal m’a fait passer à côté de talents extraordinaires parce qu’ils ne cochaient pas toutes les cases de mon profil fantasmé. Depuis quelques années, les métiers du spa sont bousculés : on peine à recruter dans un contexte de plus en plus complexe. La prise de conscience Le déclic s’est produit quand j’ai embauché une toute jeune diplômée sans expérience mais débordante d’enthousiasme. En six mois, elle est devenue ma collaboratrice la plus performante, simplement parce que j’ai investi du temps dans sa formation et son accompagnement. J’ai compris que les compétences techniques s’apprennent, mais que l’attitude, la curiosité et l’envie d’apprendre sont des qualités qui ne se transmettent pas. Aujourd’hui Désormais, je privilégie le potentiel à l’expérience. Je recherche des personnalités alignées avec les valeurs de l’établissement, capables d’évoluer et d’apprendre. Cette approche m’a permis de constituer une équipe homogène et motivée, où chacune a grandi à son rythme selon ses aspirations personnelles. De simples questions après le soin ont révélé des insatisfactions que je n’avais pas soupçonnées 4. Votre planning ne sera jamais parfait, mais il peut devenir prévisible J’ai longtemps vécu l’enfer des plannings faits au dernier moment, des remplacements impossibles à organiser et des clients mécontents parce qu’il fallait reporter leur rendez-vous. Je croyais que cette improvisation perpétuelle était inhérente au métier, jusqu’à ce qu’une consultante m’explique les principes de base de la planification prévisionnelle. Aujourd’hui Idéalement, le secret réside dans l’anticipation et la création de marges de sécurité. Plutôt que de chercher à optimiser chaque minute de chaque journée, j’ai appris à prévoir des créneaux tampons pour absorber les imprévus, à identifier les périodes de forte affluence selon les données (en regardant les années précédentes), et surtout, à communiquer suffisamment en amont avec mes équipes pour qu’elles puissent organiser leur vie personnelle. 5. Vos clients ne vous diront jamais directement ce qui ne va pas Au début, j’interprétais l’absence de réclamations comme la preuve que tout fonctionnait parfaitement. Grosse erreur. Les clients mécontents ne protestent généralement pas, ils partent en silence et ne reviennent jamais. La prise de conscience Un jour, j’ai découvert que notre taux de fidélisation avait chuté de 10 % en huit mois, sans qu’une seule plainte directe ne soit remontée jusqu’à moi. Aujourd’hui J’ai alors mis en place un système d’enquête de satisfaction systématique, non pas par questionnaire formel que personne ne remplit, mais par des conversations informelles en fin de prestation : – «Comment vous sentez-vous ?» – «Est-ce que le soin était conforme à vos attentes ?» – «Qu’est-ce qui vous ferait plaisir pour la prochaine fois ?» Ces questions simples m’ont révélé des insatisfactions que je n’avais pas soupçonnées. Pourquoi c’est important ? Le plus surprenant fut de découvrir que les reproches concernaient rarement les soins eux-mêmes, mais plutôt l’organisation : attente trop longue, vestiaires mal rangés, température inconfortable, ou simplement l’impression de déranger quand on arrive. Ces détails peuvent ruiner l’expérience client et justifier le choix d’un concurrent. 6. Le service comptabilité est un allié Pendant mes études, je n’aimais pas trop les chiffres. Je voulais me consacrer exclusivement au bien-être et à l’humain. La prise de conscience La réalité m’a vite rattrapée : une spa manager qui ne maîtrise pas ses indicateurs financiers pilote un avion les yeux fermés. Le service comptabilité que je voyais initialement comme un mal nécessaire, est devenu un conseiller précieux. Pourquoi c’est important ? J’ai appris à lire un bilan, à anticiper les problèmes de trésorerie avant qu’ils ne surviennent, et surtout à prendre des décisions basées sur des données objectives plutôt que sur des intuitions. Ces compétences, que personne ne m’avait présentées comme essentielles, se sont révélées déterminantes pour la pérennité de l’établissement. Aujourd’hui Aujourd’hui, je consacre une demi-journée chaque semaine à analyser mes tableaux de bord financiers. Cette discipline me donne une vision claire de la santé de l’entreprise et me permet d’ajuster ma stratégie en temps réel. Les chiffres ne mentent jamais et constituent le seul moyen fiable d’évaluer l’efficacité de mes décisions managériales. 7. Vous passerez plus de temps à gérer les conflits qu’à faire du bien-être Cette réalité fut l’une des plus difficiles à accepter. Je m’imaginais évoluant dans un havre de paix où régneraient harmonie et bienveillance. La vérité est tout autre : comme dans toute organisation humaine, les tensions surgissent régulièrement. Rivalités entre collègues, désaccords sur les méthodes de travail, incompatibilités de caractère, tous ces conflits latents remontent jusqu’au manager. Aujourd’hui Ma formation ne m’avait pas préparée à être une médiatrice. J’ai dû apprendre sur le tas les techniques de communication non violente, la gestion des personnalités, et l’art délicat de trancher sans créer de ressentiment. Dans ce métier, l’obsolescence guette tous ceux qui cessent d’apprendre 8. Votre formation n’est jamais terminée Je pensais pouvoir me reposer sur mes diplômes et mes premières expériences. J’ai donc négligé pendant trop longtemps ma formation continue. Erreur dans un secteur qui évolue constamment, avec de nouvelles techniques, de nouveaux équipements, et des réglementations qui se durcissent régulièrement. La prise de conscience Assez rapidement, j’ai compris qu’avoir des bases solides et qualitatives étaient une chose, et que proposer des nouveautés en était une autre. Et que les deux sont indispensables ! J’ai alors entrepris un rattrapage dans des formations techniques, séminaires de management et veille technologique. Aujourd’hui Cette remise à niveau permanente représente aujourd’hui un poste budgétaire incompressible, et elle me permet de rester crédible face aux équipes et à la clientèle. Dans notre métier, l’obsolescence guette tous ceux qui cessent d’apprendre. 9. L’art de la e-réputation L’ère des réseaux sociaux a transformé la gestion de la réputation. Un simple malentendu avec un client peut se transformer en catastrophe publique si il décide de partager son mécontentement sur Google, Facebook ou Instagram. Aujourd’hui J’ai appris qu’il faut surveiller quotidiennement sa réputation en ligne, répondre rapidement et professionnellement à tous les avis, même positifs, et surtout anticiper les risques de mécontentement avant qu’ils ne se transforment en crise publique. Cette vigilance permanente fait désormais partie intégrante de mes tâches quotidiennes. 10. Les prises de décision RH Il s’agit ici, d’avertissement, de fin de période d’essai et parfois aller jusqu’au licenciement. Ces moments constituent les épreuves les plus difficiles du métier de manager. Certaines spa managers réussissent mais après de nombreuses épreuves et d’autres arrêtent à bout de forces. La pression psychologique peut être intense quand il faut concilier empathie personnelle et responsabilité économique. Aujourd’hui J’ai appris à me préparer mentalement à ces décisions en me rappelant que mon rôle premier est de garantir la pérennité de l’établissement et donc de préserver l’emploi de toute l’équipe. Cette vision globale m’aide à relativiser les difficultés individuelles et à prendre les décisions nécessaires, même quand elles sont émotionnellement éprouvantes. Ce que j’aurais voulu savoir avant tout Si je devais résumer en quelques mots ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant de devenir spa manager, ce serait ceci : «Préparez-vous à exercer dix métiers différents dans un seul poste». Comptable, psychologue, commerciale, formatrice, médiatrice, stratège, communicante, contrôleuse de gestion, et aussi ambassadrice de marque. Cette polyvalence peut effrayer, mais elle constitue aussi la richesse extraordinaire de ce métier. Chaque jour apporte son lot de défis différents, d’apprentissages nouveaux et de satisfactions variées. Quand une cliente ressort rayonnante après un soin, quand une collaboratrice vous remercie de l’avoir accompagnée dans sa progression professionnelle, ou quand les chiffres du mois confirment que votre stratégie porte ses fruits, toutes les difficultés s’effacent. À retenir Le métier de spa manager demande une résistance psychologique importante, une curiosité permanente et, surtout, une vraie passion pour l’humain. Car au final, malgré tous les défis techniques, financiers et organisationnels, notre mission reste inchangée : créer du bien-être authentique pour nos clients tout en épanouissant nos équipes (et tout en satisfaisant les objectifs financiers). Si vous êtes sur le point de devenir spa manager, préparez-vous à vivre une aventure exigeante et extraordinairement enrichissante. Et surtout, n’hésitez jamais à demander conseil : toutes les managers expérimentées sont passées par les mêmes doutes et seront ravies de partager leurs expériences. Colette Audebert Après des études en commerce et marketing réalisées dans le cadre d’une Licence professionnelle hôtellerie et tourisme, Colette a eu l’opportunité de travailler en spa au Sofitel à Marseille puis à l’Hôtel Le Lana***** à Courchevel. Consciente de son manque de connaissances dans cet univers, elle reprend un cursus scolaire en passant un CAP Esthétique par alternance. Elle est ensuite embauchée comme réceptionniste spa à l’Hôtel Four Seasons Georges V*****, puis comme assistante spa manager pour l’ouverture de The Peninsula Paris*****. Elle a dirigé le spa de l’Hôtel Shangri-la***** à Paris de juin 2016 jusqu’en 2018 et depuis elle est consultante à son compte dans l’univers du wellness et Pilates.