Par Florence KOWASLKI, Social Media Manager et Ghostwriter spécialisée en hôtellerie et bien-être. En arrivant, il y a neuf mois à Vancouver, sur la côte Pacifique du Canada, je ne m’attendais pas à trouver un tel engouement autour du bien-être. J’y ai notamment découvert les wellness clinics (littéralement «cliniques bien-être»), des établissements qui associent médecine préventive et bien-être holistique. Alors, y a-t-il des bonnes pratiques à emprunter aux Canadiens pour améliorer la rentabilité des spas français ? Le «choc culturel bien-être» canadien Pour bien appréhender les enjeux des wellness clinics au Canada, il faut comprendre la place du massage au Canada, comparé à ce que nous trouvons en France. Pour les professionnels du massage, le Canada est un choc. Si en France, on reste essentiellement dans une approche «bien-être» avec des formations spa peu valorisées et des salaires peu élevés, le Canada est à l’opposé. Le massage y est un véritable acte thérapeutique et certaines prestations sont même prises en charge par les benefits de clients, équivalent des mutuelles françaises, à condition que le thérapeute soit RMT (Registered Massage Therapist). Un titre qui s’obtient après deux années d’études à temps plein, des stages en clinique, l’acquisition de connaissances en anatomie pointues et un certain nombre d’heures de massages. Ce dernier est réglementé au niveau provincial : 1800 h au Québec, 3000 h en Colombie Britannique… Avec à la clé des profils de thérapeutes en massages très demandés, qui travaillent essentiellement en free-lance dans le cadre des wellness clinics. Et qui gagnent très bien leur vie ! Qu’est-ce qu’une wellness clinic au Canada ? Une spécificité nord-américaine Une wellness clinic ou «clinique de bien-être» est un espace multidisciplinaire dédié à la santé globale, où les clients bénéficient d’un accompagnement personnalisé pour améliorer leur qualité de vie. Le terme clinic ne désigne pas un établissement aussi grand que les établissements du même nom en France. Le seul point commun pourrait être les locaux froids et souvent neutres. En effet, dans ces établissements, on est très loin du «glamour» et de l’esthétique des spas hôteliers, tels qu’on les connaît en France, que ce soit en réception ou en cabine. Les cabines sont plus petites, les tables de soin moins confortables, l’ameublement assez sommaire… mais l’important n’est pas dans le matériel. À noter également : ces établissements n’offrent pas d’équipements humides type sauna, hammam ou piscine en usage de «loisir». Vous l’aurez compris, les clinic wellness se caractérisent par une approche intégrée, mélangeant des services médicaux, paramédicaux et des soins de bien-être. Leur philosophie repose sur la prévention et la promotion du mode de vie équilibré inscrits dans le lifestyle canadien (cf. : encadré ci-contre). La France n’en est pas à ce niveau de «maturité bien-être» mais la tendance actuelle, qui se confirme un peu plus chaque année, va clairement en ce sens. D’où l’intérêt de surveiller ce qui se fait dans ce type d’établissement. Des prestations médicales, paramédicales et bien-être pour une offre vraiment holistique. Les wellness clinics rassemblent une variété de professionnels de la santé et du bien-être : – médecins généralistes et spécialistes, souvent axés sur la médecine fonctionnelle telle que nous la connaissons, – médecins naturopathes qui proposent des approches naturelles pour soutenir la santé et doivent justifier de quatre années d’études, – physiothérapeutes (équivalents des kinésithérapeutes en France) et ostéopathes, qui interviennent sur des problématiques musculo-squelettiques. À la différence du système français, le recours au kinésithérapeute se fait en direct, sans passer par une prescription de la part du médecin généraliste, – nutritionnistes et diététiciens, pour des conseils alimentaires personnalisés, – thérapeutes en massages et en soins holistiques : massothérapeutes, réflexologues, praticiens en reiki…, – psychologues et coachs en santé mentale, axés sur le bien-être émotionnel. En général, le premier rendez-vous se fait sur une problématique précise (ex : réserver un massage pour soulager son mal de dos). Ensuite, l’échange avec la thérapeute ou la réceptionniste, qui maîtrise parfaitement l’offre de soins globale (et ça, ça change tout…), peut entraîner la prise de rendez-vous avec un autre professionnel de la clinic. L’établissement a vraiment «gagné son pari» quand le client comprend que, quel que soit son problème de santé (physique, mental ou émotionnel), il peut chercher une solution sur place avant d’aller solliciter un autre professionnel. Pourquoi la culture du wellness est si importante au Canada ? Il suffit de se promener dans les rues de Vancouver et de compter le nombre de wellness clinics au km² pour se rendre compte que le bien-être est profondément ancré dans les habitudes des Canadiens comparé à ce qu’on voit en France. Plusieurs raisons expliquent cela : Une mentalité axée sur la prévention : les Canadiens sont très sensibles aux bienfaits de la prévention pour éviter les problèmes de santé. Ainsi, trouver et consulter un praticien en médecine chinoise traditionnelle est beaucoup plus répandu au Canada qu’en Europe, où ça reste une façon très «exotique» (entendez «utilisée par de vrais connaisseurs») de se soigner. C’est d’ailleurs une prestation prise en charge par de nombreux benefits (équivalents de nos mutuelles françaises). Un cadre naturel inspirant : avec ses grands espaces, le Canada favorise les activités extérieures et la connexion à la nature. Aller se promener dehors, pratiquer la marche active entre amis, promener son chien en bord de mer à six heures du matin l’été… L’outdoor est une vraie religion au Canada car la nature n’est jamais très loin. Ainsi, à Vancouver, les loyers des appartements ont littéralement explosé ces dernières années car c’est LA ville par excellence où en marchant vingt minutes, vous passerez du bord de mer au quartier des affaires de Downtown où aux 4km² de Stanley Park, le poumon vert de la ville, qui donne l’impression d’être en pleine nature. Une société multiculturelle qui a amené avec elle ses traditions bien-être : le Canada est un peuple d’immigrants qui a accueilli des forces vives venues du monde entier. Ainsi, l’appartenance de l’Inde et du Canada au Commonwealth a facilité l’arrivée d’immigrants indiens qui ont amené avec eux les pratiques liées à l’ayurvéda. À Vancouver, la venue en masse de Chinois a permis de développer une offre en acupuncture et médecine chinoise traditionnelle de haut niveau. Pour des personnes qui s’intéressent à la prévention pour rester en bonne santé, ce sont de véritables invitations à découvrir de nouvelles pratiques. Des investissements publics et privés : les piscines municipales extérieures ou intérieures, les parcours d’obstacles en forêt, les appareils de fitness urbains… Les installations gratuites sont légion. À Vancouver, ce sont des dizaines de cours de tennis extérieurs qui sont accessibles gratuitement et sans réservation. Seule règle : si pendant que vous jouez deux personnes arrivent pour jouer à leur tour, vous avez trente minutes pour finir votre partie et éviter de les faire attendre plus longtemps. L’autodiscipline et le respect des Canadiens pour les installations publiques font le reste ! Egalement, des associations gratuites et 100 % en ligne permettent aux personnes plus âgées de faire des activités sportives et culturelles quels que soient leurs moyens et leur mobilité, depuis leur domicile. Un mode de vie à l’écoute du corps : les Canadiens intègrent plus facilement le bien-être dans leur quotidien. Les horaires de travail sont bien définis et partir à 17 heures est une pratique courante, même pour la plupart des cadres et managers. Cela laisse à chacun le temps d’aller courir ou de pratiquer des activités sportives dans la salle de musculation qu’on trouve dans les parties communes de la plupart des immeubles. L’accès et l’entretien des appareils sont inclus dans le loyer de l’appartement et permettent à chaque locataire de pratiquer sans excuse de météo ou d’horaires d’ouverture. Enfin, la pratique encore généralisée du travail 100 % à distance, sur la base des résultats à produire plutôt que sur la présence obligatoire derrière son écran, donne plus de latitude horaire aux Canadiens pour aller faire du sport. Et le spa français dans tout ça ? Une approche scientifique et préventive au Canada impossible en France. L’approche globale, médicale et holistique, des wellness clinics canadiennes, ainsi que la variété des prestations proposées, est LA différence clé entre les deux pays. En effet, les spas hôteliers français se concentrent principalement sur les soins du visage et les massages et, pour les plus innovants d’entre eux, des ateliers ou prestations sur demande en reiki, hypnose, Fleurs de Bach… Si ces derniers restent rares (sauf établissements vraiment spécialisés), les consultations médicales restent complètement exclues. Les wellness clinics canadiennes adoptent ainsi une approche plus scientifique et préventive. Mais ce n’est pas leur seul avantage concurrentiel. Un business model beaucoup plus dynamique À l’orientation médicale canadienne versus la relaxation et la force de la multidisciplinarité évoquée plus haut, s’ajoute un modèle économique plus dynamique. En effet, grâce à la prise en charge de certaines de leurs prestations par les benefits des salariés (souvent en facturation directe, donc sans avance de frais pour les clients) et en proposant de nombreux systèmes d’abonnement, les wellness clinics génèrent des revenus ponctuels ainsi que des revenus mensuels récurrents. Le panier moyen fait également un bond, comparé à la vente d’une prestation seule. Des charges fixes allégées En France, le spa, notamment hôtelier, dépend encore souvent de prestations ponctuelles, plus aléatoires et sans garantie de revenus réguliers. Cela impacte l’ensemble du fonctionnement de l’établissement, à la fois en termes de résultat financier disponible et de moyens pour ré-investir. Mais il a également à sa charge les salaires de l’équipe spa (réceptionnistes et thérapeutes), alors que la wellness clinic ne travaille en général qu’avec des free-lances. Ces derniers peuvent choisir soit de louer leur cabine le nombre de jours souhaités par semaine, soit de ne pas avoir de loyer fixe mais de reverser un pourcentage au propriétaire pour chaque soin. Dans les deux cas, il n’y a pas de charges fixes pour la clinic qui échappe ainsi aux charges fixes les plus lourdes (celles des salaires) que supportent les spas français. La wellness clinic canadienne : un modèle difficile à appliquer à l’identique au spa en France à ce jour… Par son approche globale, médicale et bien-être, la wellness clinic canadienne s’inscrit dans la vision holistique du spa que les professionnels et investisseurs du bien-être essaient de faire émerger en France depuis plusieurs années. Néanmoins certains facteurs freinent l’adaptation du modèle au niveau national : – le cadre législatif : la réglementation française limite la collaboration entre professions médicales et non médicales au sein d’un même espace, – le manque de sensibilisation à la prévention : la prévention santé n’est pas encore aussi ancrée en France qu’au Canada. On attend d’être malade pour prendre soin de soi, – les coûts de lancement plus élevés : si le système est rentable en raison de charges de fonctionnement (notamment salariales) moins élevées, les investissements requis pour créer un centre multidisciplinaire sont plus élevés, – des mentalités différentes : en France, le bien-être est souvent perçu comme un luxe, tandis qu’au Canada, il est considéré comme une nécessité (cf. encadré). Côté marketing et commercial, également beaucoup de bonnes idées à récupérer ! La concurrence est rude entre les wellness clinics et elles rivalisent d’idées pour faire venir les clients. Certaines d’entre elles pourraient utilement être réutilisées en spa en France. Leur parcours client est le suivant : En amont de la prise de rendez-vous : – Création d’un blog sur leur site avec des articles expliquant comment chaque pratique proposée peut résoudre leurs problèmes. Ex : «Comment la chiropractie peut vous aider à soigner le mal de dos» ou «5 bienfaits de l’acupuncture que vous ignorez peut-être»… – Présence systématique sur Instagram avec des publications quotidiennes partagées entre la praticienne et le compte Instagram de la clinique. – Communications régulières, dès le 1er novembre, pour rappeler à leurs clients et prospects de ne pas oublier d’utiliser leurs benefits (équivalent de la mutuelle en France) avant le 31 décembre (ils seront perdus au-delà de cette date car les droits sont «remis à 0» chaque 1er janvier). Une prise de rendez-vous simplifiée : Possibilité de réserver son rendez-vous en choisissant sa praticienne. Une carte de crédit est demandée en garantie (indispensable pour confirmer le rendez-vous) et reste en permanence dans le dossier électronique. Impossible d’avoir des no-shows sans activer de garantie financière (ce qu’on voit encore trop souvent en France). Les informations liées à la société auprès de laquelle votre employeur a souscrit vos benefits, notamment numéro de contrat et numéro d’adhérent, sont demandées dès cette étape afin de permettre à la clinic de facturer directement votre organisme et ne vous faire payer que ce qui reste à votre charge. C’est également en ligne que sont remplis les questionnaires de santé et les éventuelles décharges pour les différentes disciplines. Ainsi, à chaque fois que le client revient, ses informations sont disponibles pour son thérapeute. Ce dernier se connecte directement aux informations contenues dans le dossier informatisé au moment du soin. Il n’y a donc pas de déperdition d’informations dans le parcours client (à noter : ces décharges incluent également des dispositions très claires quant aux éventuels comportements indélicats des clients envers les thérapeutes. En cas de «dérapage» envers ces derniers, l’exclusion du client est automatique). …Mais des bonnes pratiques à adopter sans modération pour booster l’expérience client et le chiffre d’affaires spa. Malgré ces obstacles, certaines bonnes pratiques des wellness clinics peuvent inspirer les spas managers français(es) : Proposez des diagnostics personnalisés : intégrer des bilans bien-être pour mieux comprendre les besoins complets de vos clients. Même si vous ne proposez pas toutes les prestations permettant de répondre à ces demandes, vos équipes peuvent au moins donner des conseils, orienter vers d’autres professionnels du bien-être et de la santé et ainsi montrer leur expertise bien-être. Or expertise = qualité = possibilité de proposer des prix premiums. Favorisez la collaboration entre experts et créez des synergies au sein de votre établissement pour être identifié comme un véritable spa holistique : vous ne pouvez pas intégrer de médecins mais vous pouvez créer des partenariats avec des professionnels externes (naturopathes, ostéopathes, acupuncteurs…). Misez sur les abonnements : n’ayez pas peur de proposer des formules mensuelles incluant plusieurs soins pour encourager la fidélisation. Aujourd’hui, la pratique est peu développée en France, excepté pour les cures amincissantes, mais en mettant en valeur le bénéfice final d’un programme associant plusieurs prestations (ex : massage, soin visage et sophrologie, deux fois par semaine en cure d’un mois pour se détendre et lutter contre le stress), vous pouvez générer ce type de vente… et fidéliser. Bien sûr, sans fausse promesse médicale strictement interdite. Digitalisez l’expérience client : les wellness clinics utilisent le digital pour fluidifier et, de fait, fidéliser leurs clients (cf. encadré). Vous pouvez commencer en faisant remplir en ligne le questionnaire bien-être. Soit en l’envoyant en amont par e-mail, soit lors de l’arrivée sur place. Vous pourrez ainsi centraliser les adresses email de vos clients, en profiter pour leur demander s’ils consentent à recevoir des informations commerciales de votre part (incluant donc votre newsletter) et ainsi créer un début de communauté avec eux, que vous continuerez à développer ensuite. Sensibilisez vos clients à la prévention : vous n’avez pas de prérogatives médicales, mais vous pouvez tout à fait contribuer à créer une prise de conscience sur les enjeux de la prévention en matière de santé auprès de vos clients. Ateliers ayurvéda, médecine chinoise, Fleurs de Bach offerts… La découverte de ces sujets et, si vous le pouvez, la création de contenus dessus, vous permettront ensuite de proposer des prestations payantes avec du «repeat business» dessus. Développez la formation continue de vos équipes : abonnement collectif à la presse spécialisée (Spa de Beauté, Les Nouvelles Esthétiques…), participation au Congrès International Esthétique & Spa, sollicitation d’une marque pour qu’elle vienne vous présenter l’une de ses nouveautés (soin, appareil…). Donnez les moyens à vos collaborateurs de se former sur les innovations en matière de bien-être préventif. Vous leur donnerez envie de continuer à se former à titre personnel sur les sujets qui attireront leur attention et les contributions seront plus nombreuses quand vous réfléchirez aux prochaines animations ou communications clients à mettre en place. Le modèle canadien des wellness clinics offre une vision inspirante et novatrice du bien-être en mettant l’accent sur la prévention et la multidisciplinarité. Nous l’avons vu, il est difficilement transposable en France dans sa globalité, notamment en raison de la séparation juridique encore stricte entre le médical et le bien-être. Mais il peut inspirer les exploitants de spa désireux d’aller plus loin dans leur mission bien-être. En adoptant certaines pratiques et en les adaptant au système français, c’est l’opportunité de renforcer votre attractivité et surtout votre rentabilité. Tout en répondant aux attentes croissantes des consommateurs en quête d’un bien-être global ! Clinic et thérapeutes : deux fois plus d’opportunités de communication En règle générale, les wellness clinics n’ont pas de salariés. Il y a un propriétaire de clinique qui est généralement un thérapeute expérimenté désireux de développer son chiffre d’affaires. Il sera forcément limité dans son nombre d’heures de soins. Par contre, il peut créer une clinic, louer un local composé de plusieurs cabines, puis proposer à des thérapeutes de louer ces cabines un nombre fixe de jours par semaine. C’est le fonctionnement dans la plupart des cas (en France, on assiste à l’apparition de structures de ce genre mais le concept manque encore souvent de chaleur). Dans la plupart des contrats, les thérapeutes ont l’obligation d’avoir leurs propres réseaux sociaux professionnels (Instagram et LinkedIn en priorité) pour faire la promotion de leur activité. À ces communications individuelles, s’ajoutent celles réalisées sur les réseaux sociaux au nom de la clinic. Soit une multiplication d’opportunités de communication dans l’esprit «employee advocacy», telle qu’on peut la voir dans des entreprises françaises, quand plusieurs salariés prennent la parole sur un réseau social unique (souvent LinkedIn) pour porter un même message au nom de l’entreprise.