Par Florence Kowalski, Spa Boosting.

Le 14 mars 2020 à minuit, sur décision politique exceptionnelle motivée par les conditions que nous connaissons, tous les commerces non essentiels parmi lesquels tous les spas, hôteliers ou non, du territoire français, ont été fermés sans préavis. La nuit où le spa a basculé dans l' »après »…

À l’heure où j’écris ces lignes, nous sommes à la veille du déconfinement après 55 jours d’une économie complètement à l’arrêt pour l’ensemble du monde du spa et de l’hôtellerie. Si le 16 mars, nous avions encore, pour beaucoup d’entre nous, l’espoir d’une parenthèse que nous refermerions rapidement pour reprendre nos activités « comme avant », nous savons désormais qu’il n’en sera plus ainsi. L’arrêt brutal de la saison de ski a plongé les hôteliers ne vivant que sur cette saison hiver dans une situation très compliquée.

Les hôtels ouverts à l’année auront eux la perspective de ré-ouvrir plus rapidement mais le re-démarrage sera lent. À condition bien sûr, comme me le signalait l’un d’entre eux, que le reste de l’activité reprenne, que les clients puissent se déplacer, que les attractions touristiques ré-ouvrent, que les restaurants puissent reprendre un semblant d’activité… Quant aux établissements ouverts uniquement sur l’été, nous ne connaissons pas à ce jour les décisions gouvernementales concernant les ouvertures des plages et les possibilités de déplacement pour cet été mais, dans tous les cas, nous savons que cette saison sera difficile et forcément « plombée » en termes de prix moyen et de pouvoir d’achat car la clientèle étrangère hors Espace Schengen, essentielle dans le mix clients de ces établissements, ne sera pas au rendez-vous…

COVID-19 ET SPA : LA DOUBLE PEINE ?

Et le spa dans tout ça ? Sans pessimisme aucun car je ne veux pas voir la bouteille à moitié vide, force est de constater que notre secteur subit la « double peine ». Double peine car, compte tenu de la faiblesse des ratios financiers du spa versus ceux de l’hébergement et de la restauration d’une part, et compte tenu de la difficulté à implémenter les gestes barrières en spa et dans les soins d’autre part, il y a fort à parier que de nombreux hôtels ne ré-ouvriront pas cet été ou alors avec une offre extrêmement réduite comme une spa manager unique ou une spa praticienne autonome qui assureront les soins à la demande si demande il y a.

Leur priorité sera en effet de vendre de l’hébergement et de « remettre en route » la restauration car dormir et manger sont indispensables pour un client en vacances. Se faire masser ne l’est pas encore… Si on ajoute à cela que la ré-ouverture des espaces humides n’est pas prévue à ce jour, il apparaît évident que l’activité des spas sera fortement réduite cet été.

POURQUOI CET « APRÈS » EST INÉLUCTABLE… ?

Allons un peu plus loin : au-delà de ces « non-ouvertures », certains lieux ré-ouvrent mais certains soins ne se feront plus.
• Plusieurs fédérations du secteur du bien-être et de la beauté s’accordent pour dire que le modelage durant les soins visage ne peut plus se faire. L’utilisation du Vapozone et de tout autre soin vapeur, à l’instar du sauna et du hammam, est menacée, le virus se transmettant via des gouttelettes.
• La franchise d’instituts de beauté Yves Rocher a annoncé ainsi ré-ouvrir ses magasins le 11 mai mais uniquement pour la partie ventes (cabines fermées) et a d’ores et déjà supprimé les soins visage de sa carte des soins.
• Les cabinets de massage ne pratiquant que cette activité assurent en toute bonne foi et avec tout le sérieux caractérisant la grande majorité d’entre eux, que toutes les mesures vont être prises pour respecter ces gestes barrières et bloquer la propagation du virus.

Néanmoins, certaines précautions pourtant stratégiques semblent compliquées à appliquer, notamment celle selon laquelle « ne sera acceptée en rendez-vous aucune personne ayant présenté un signe ou symptôme de la maladie 21 jours avant le massage ».
Objectivement, quel client est capable de se souvenir qu’il a éternué la semaine dernière, qu’il a ressenti un coup de chaud il y a deux semaines en se levant ou des courbatures après un cours de yoga confiné un peu trop téméraire en pensant que c’est lié à ça ?
Si on ajoute à cela que certains malades sont asymptomatiques, que le massage avec des gants en vinyl ou nitrile n’est pas encore entré dans les mœurs et que quand on vient se faire masser, c’est pour se détendre, ce qui est compliqué quand on a peur d’attraper un virus… je pense que nous serons nombreux à reconnaître que le tableau n’est pas encourageant pour les prochaines semaines.

En France, nous avons peut-être tendance à sous-estimer cette désaffection pour le spa pour les prochains mois mais de nombreux professionnels du bien-être se sont récemment exprimés en ce sens, notamment au sein du Global Wellness Institute. Ainsi la très respectée Sue Harmsworth, Fondatrice et Présidente de ESPA International, a annoncé que le massage dans sa version enveloppante à base d’effleurages et autres mouvements glissés de lomi-lomi ne pourrait plus être proposé et pratiqué en toute sécurité tant que le vaccin ne serait pas disponible. Elle n’est évidemment pas la seule à prendre cette position.

ALORS DOUBLE PEINE… OU OPPORTUNITÉ ?

Je suis moi-même une grande amoureuse du massage, à la fois comme receveuse/cliente, mais également comme praticienne, et faire ce genre de constat est inquiétant car ces éléments rendent la perspective d’une reprise du secteur du spa très fragile.

Et pourtant, même si le spa n’est pas le premier secteur dans lequel les hôteliers auront envie d’investir du temps et de l’énergie ces prochaines semaines, je pense sincèrement que cette épreuve peut être une véritable opportunité pour les professionnels de l’hôtellerie :
• qui conçoivent que le bien-être ou plutôt le « mieux-être » sera une préoccupation majeure des populations CSP + et CSP ++ des prochaines années (nombreuses études à l’appui), toutes nationalités confondues,
• qui pensent que le bien-être a un rôle à jouer aux côtés de l’hébergement et de la restauration au sein de l’expérience client globale,
• et qui peuvent rechercher un positionnement différenciant (la fameuse USP, Unique Selling Position) via le bien-être (notion de wellness destination clé sur les marchés américains et asiatiques à ce jour, en phase de développement dans certains pays européens mais encore hésitante en France…).

Les enjeux à court, moyen et long termes pour le spa hôtelier sont stratégiques. Si sur le court terme, le redémarrage semble périlleux, le moyen terme permet d’entrevoir une refonte de l’offre qui pourrait se révéler salvatrice, et sur le long terme, force est de constater que cette crise pourrait être une véritable opportunité de renaissance pour le spa. Donc, certes l’avenir proche n’est pas simple mais le spa mérite qu’on se batte pour parvenir à ce résultat.

Le Mahatma Gandhi écrivait « Si vous vivez un moment difficile, ne blâmez pas la vie, vous êtes juste en train de devenir plus forts ». Dans notre milieu, nous sommes nombreux à avoir adopté cette pensée après l’arrêt brutal de nos activités parce que nous n’avons pas le choix (je pense notamment aux structures de petite taille dont je fais partie). Alors à nous de jouer pour rendre le spa plus fort.

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« À court terme : préserver sa rentabilité en intégrant les contraintes opérationnelles »

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