Communication présentée au Village Spa, dans le cadre du 48ème Congrès International d’Esthétique & Spa, par Jean-Louis POIROUX, Fondateur de Cinq Mondes, Jean-Charles CAPLIER, Directeur du Sensitive Wellness Spa, Manon GERMAIN, Praticienne spa, Sophrologue, Florence KOWALSKI, Fondatrice de Spa Boosting. Lorsque vous créez votre spa et que vous voulez asseoir son positionnement et apporter de la différence par rapport à la concurrence, il faut que vous introduisez une offre nouvelle et originale ! Florence Kowalski Je ne vais pas vous proposer une conférence trop théorique sur ce qui se trouve dans les spas à l’étranger, je préfère vous dire très concrètement comment mettre en place un certain nombre de choses dans un spa. J’ai la chance de recevoir trois personnes avec trois profils très différents : – Jean-Louis Poiroux est le fondateur de Cinq Mondes, la marque de cosmétique et exploitante de spas que vous connaissez. Il va vous apporter sa vision du métier parce qu’il a la chance de participer à beaucoup d’événements, de sentir les tendances en amont. C’est son job, sa valeur ajoutée extrême. Cela vous permettra de vous projeter sur ce qui va se passer. – Jean-Charles Caplier est directeur du Sensitive Wellness Spa en région parisienne. Vous verrez que dans l’offre de prestations qu’il propose, il est très en avance sur de nombreux spas, car il propose de la sophrologie, des prestations de bien-être aux entreprises. Ce sont pour moi des prestations d’avenir pour le spa. – Manon Germain est un troisième profil différent puisqu’elle est spa praticienne et sophrologue. Elle vous expliquera comment il lui est paru logique d’associer le massage, puisque c’est son métier de base, et la sophrologie. Pourquoi c’était si pertinent, et concrètement comment mettre en place cette prestation dans le spa, qui apporte tellement au client, mais aussi pour le bien-être des praticiennes. J’insiste sur ce point-là car on ne peut donner du bien-être si on n’est pas bien soi-même. LES TENDANCES DU SPA Qu’est-ce qu’on va voir arriver et qu’est-ce qu’il est légitime de faire entrer dans un spa ? Jean-Louis Poiroux Il existe un grand rendez-vous qui s’appelle le Global Wellness Summit. Il a lieu tous les ans dans une ville différence. L’année dernière, c’était à Miami, aux USA, cette année, c’était en Italie. Le thème principal, c’est les tendances : que va-t-il se passer dans les dix prochaines années ? Quelles sont les tendances en matière d’expérience client, de médecine traditionnelle ? Finalement, le spa, c’est le corps et l’esprit, mais aussi l’âme, la relaxation, la méditation, le yoga. Il y a 37 millions de pratiquants de yoga aux USA, donc, par rapport à une population de 300 millions d’individus, ça fait quasiment 12 %. 50 % des gens qui sont allés dans un spa aux USA en 2017 ont fait au moins une fois du yoga. Nous ne sommes pas aux États-Unis, mais il faut surveiller ce qu’il se passe aux USA. C’est là qu’a été inventé le spa dans les années 1960. En France, j’ai ouvert le premier Spa Cinq Mondes avec de la médecine traditionnelle il y a 18 ans. Donc, ce qu’il se passe aux USA va modifier des choses de manière structurelle en France. Quand on parle de nouvelles tendances, il faut parler des spas qui sont les plus en avance aux USA Les médecines traditionnelles Il y a une chose importante que je voulais partager avec vous, c’est la pertinence des médecines traditionnelles. Quand j’ai proposé les premiers massages ayurvédiques à Paris en 2000, les gens demandaient ce que c’était sans arriver à prononcer le nom. À l’âge de 21 ans, j’étais à Londres et j’allais toutes les semaines faire un massage ayurvédique. Ensuite, je me suis formé à ces massages. Mais il y a 18 ans, c’était vraiment le blanc total. Aujourd’hui, pas de magazine féminin qui ne parle pas de médecines douces. 40 % des Français ont recours aux médecines douces dites naturelles, à la beauté holistique, à la beauté globale… Ce sont des pratiques qui vont concerner de plus en plus le spa. Il ne s’agit pas simplement de faire des soins et de vendre des produits, il s’agit aussi d’accompagner les clients dans leur mode de vie globale, leur alimentation, leur sommeil, leur bien-être… Ainsi, la sophrologie aura aussi sa place dans le spa. La Journée Internationale du Bien-Être, tous les ans au mois de juin, fédérait assez peu d’établissements mais en 2017, il y a eu 6000 établissements dans le monde qui ont participé. Ainsi tous les Spas Cinq Mondes, à Marrakech, à l’Ile Maurice, à Monaco, à Bruxelles ou en Suisse… ont participé à ces Journées Internationales du Bien-Être avec des sessions géantes de yoga où 100 personnes ensemble faisaient du yoga, des sessions de méditation, etc. Aujourd’hui, 59 % des femmes de plus de 35 ans et 73 % des 18-35 ans déclarent qu’il est important de revoir leur manière de concevoir leur beauté vers plus d’engagement, au regard notamment des engagements environnementaux, des engagements de préservation de l’environnement, etc. Ces chiffres n’existaient pas il y a 10 ans et modifient considérablement les choses. Les clients s’endorment et pleurent aussi, il faut savoir s’adapter… L’ayurvéda Je vais faire un petit focus sur l’ayurvéda car c’est un phénomène extraordinairement important en Inde. Aux USA, c’est la même chose. Quand on parle de nouvelles tendances, il faut parler des spas qui sont les plus en avance aux USA : le Canyon Ranch, le Miraval, le Rancho La Puerta à San Diego… Le célèbre médecin Deepak Chopra a été invité par le Global Wellness Summit, il y a quelques années. C’est un peu le gourou du spa aux USA, il parle d’ayurvéda, de nutrition, de sommeil, de yoga, de méditation. Il a des centres de retraite holistique aux USA, ce qui est l’un des avenirs possibles du spa dans les années qui viennent. Savez-vous que les médecins ayurvédiques sont payés tant que les gens sont en bonne santé. Ils ne sont plus payés si les gens sont malades. C’est le contraire de notre médecine où l’on consulte quand on est vraiment malade. L’ayurvéda est l’art de la prévention santé. Il y a de la prévention pour le style de vie, le sport, l’alimentation. C’est très riche comme médecine. C’est avant tout une médecine mais aussi un art de vivre global et un art de la prévention santé. Au-delà du bien-être Pour le spa, dans les années qui viennent, on parlera plus de santé et moins de bien-être qui est devenu un cocon un peu fourre-tout pour lequel on parle de voyage sensoriel que l’on trouve partout. Une fois qu’on a voyagé sensoriellement, qu’est-ce qu’il se passe au fond ? On a envie d’avoir de la relaxation profonde pour se sentir mieux, on a envie d’avoir un métabolisme qui est plus actif. Ce sont toutes ces choses-là dont on a davantage envie aujourd’hui. Les Chinois, comme les Indiens, ont ignoré leur système de médecine traditionnelle pendant longtemps, mais depuis quelques années, la médecine traditionnelle chinoise regagne ses lettres de noblesse, la Chine retrouve ses racines avec une médecine qui a 3 000 ans d’existence et qui puise sa source dans le taoïsme, équilibre le yin et le yang, et surtout la fluidité de la circulation du qi. Le qi est l’énergie vitale qui se compose de cinq branches thérapeutiques, qui sont l’acupuncture, le massage, la diététique, la phytothérapie, et le qi qong qui est l’équivalent du yoga. Vous voyez que ça va au-delà des soins de bien-être. Nous avons beaucoup de soins qui sont inspirés de l’acupuncture sans aiguille, des acupressions. Je vous raconterai ce qu’on fait dans ce qu’on appelle les spas & wellness retreat qui sont mes nouveaux spas où l’on fait un accueil 360°, avec nutrition, sommeil, yoga, etc. Ils associent plusieurs techniques : – l’ayurvéda qui, plus qu’une médecine, est un art de vivre global, c’est important, – le kobido, une tradition japonaise qui a quasiment 2000 ans d’existence. C’est la voie traditionnelle de la beauté, – le shiatsu, qui est très important, et a 2000 ans d’existence aussi. Ce qui est aussi intéressant, au niveau de la connaissance de l’être humain, c’est que ces trois médecines : ayurvéda, médecine traditionnelle chinoise, et shiatsu ont été conçues par des scientifiques et des médecins à des époques différentes et sans communiquer entre eux. Pourtant, les points qui sont les marmas en ayurvéda, les points d’assentiment en médecine traditionnelle chinoise et les subos en médecine japonaise, sont rigoureusement les mêmes. Donc, c’est intéressant de voir qu’il y a une connexion entre les sens intimes de l’être humain. La composition des cosmétiques Une autre tendance concerne la composition et l’engagement, la traçabilité en matière de produits cosmétiques utilisés dans l’univers du spa. Il y a des questions sur la provenance des ingrédients, leurs bienfaits pour la peau, il y a de plus en plus d’applications sur vos smartphones qui permettent de détailler la composition afin de savoir s’il y a des substances qui sont des perturbateurs endocriniens, des substances controversées, etc. Il y a 18 ans, quand j’ai créé Cinq Mondes, comme je venais d’un environnement où on utilisait beaucoup de silicones et d’huiles minérales, etc., j’ai constaté qu’il y avait des irritations, des inflammations, qui provoquent des allergies. Donc, je me suis dit que j’allais enlever la pétrochimie des formules et j’ai commencé à faire des formules sans silicones, sans huiles minérales, sans parabènes, sans colorants artificiels car ils peuvent avoir tous des effets néfastes. Aujourd’hui, c’est devenu la norme. 41 % des clients sont inquiets sur la préservation de la santé de leur peau, le bio est consommé à 26 % pour des valeurs éthiques, donc la recherche de responsabilité est importante. Le plaisir arrive en seconde position. Il y a aussi la peur des produits chimiques et des pesticides. Le sur-mesure Il y a de nombreuses initiatives intéressantes que vous pouvez suivre sur les réseaux sociaux. Ainsi, vous avez la première machine Nespresso qui fait du soin visage et qui s’appelle Romy. Vous mettez une capsule, vous entrez les paramètres de votre peau et ça vous prépare une dose de produit sur-mesure le matin. Il y a deux inconvénients, le prix : 500 € la machine et 28 € la dosette, et de plus, le produit a une durée de vie extrêmement limitée. Donc, nous sommes aux balbutiements du sur-mesure. Il existe une marque qui s’appelle «La Beauté». Vous allez dans un laboratoire et on vous fabrique une formule sur-mesure devant vous. Chez Cinq Mondes, pour répondre à la demande du sur-mesure, nous avons des boosters, des huiles végétales que nous appelons élixirs précieux. Ils sont au nombre de cinq pour répondre aux conditions de peau, de la saison, etc. Nous avons huit crèmes avec quarante combinaisons possibles. Le healthy way of life Enfin dernière chose, le healthy way of life, dans la nutrition mais aussi dans les pratiques énergétiques. Donc, aujourd’hui, le spa, et demain le wellness devront intégrer la nutrition, le yoga, la méditation, le fitness, le sommeil, l’«athleisure» qui a été créé par les Américains qui combine athlétique, leisure. Chez Cinq Mondes, nous répondons à cette nouvelle quête du public en ouvrant trois spas wellness retreats qui s’appuient sur cinq piliers qui sont la nutrition, le sommeil, le yoga, le qi gong, mais également les soins aqua sensoriels avec des massages d’hydrothérapie. Nous proposons des cures détox, taoïstes ou ayurvédiques en trois ou cinq jours. Ça c’est l’avenir, le global integrated wellness, c’est l’avenir du métier du spa. Florence Kowalski C’est intéressant, parce que vous voyez vraiment des tendances très fortes. Vous voyez comment dans une grosse structure et de manière très intégrée, il est possible de proposer des choses différentes. Comme Jean-Louis Poiroux, je suis persuadée que nous allons venir vers les médecines traditionnelles. J’ai eu la chance de faire une tournée d’un mois pour une marque française en Chine, et j’ai constaté qui il y a pas mal de spas chinois avec une partie esthétique et, d’autre part, ce que j’appelle l’arbre de vie avec le corps humain, et toutes les herbes. Dans de petites alcôves, les médecins pratiquent la médecine chinoise traditionnelle. Il y a une vraie cohérence entre la partie esthétique et la médecine traditionnelle sur place. Ce sont des choses qui arriveront dans nos établissements. Le lâcher-prise Jean-Charles Caplier dirige le Sensitive Wellness Spa qui est très novateur. Son idée c’est de mettre en place de nouvelles prestations. Jean-Charles Caplier L’établissement que je dirige s’appelle «Sens». Nous sommes partis d’un principe simple : nous avons utilisé notre bon sens et nous nous sommes demandé ce qui faisait la différence entre un bon soin et un très bon soin. Il y a la main de la praticienne, certes, mais il y a autre chose. Notre responsabilité en tant que spa manager ou exploitant, c’est de réunir toutes les conditions pour que nos clients lâchent prise. Pour arriver à savoir si vous y arrivez, posez la question au client à l’issue de son soin. S’il a passé un bon moment, la réponse est oui à 140 %. Donc, je me suis demandé ce que nous pouvions faire pour vraiment favoriser ce lâcher-prise. Nous avons développé tout un concept autour de l’individualisation du parcours, de la privatisation des espaces. Le client vient pour lui-même parce qu’il en a besoin. Je me suis dit que beaucoup de clients allaient s’endormir pendant leurs soins mais ce que je ne soupçonnais pas, c’est le nombre d’entre eux qui allaient se mettre à pleurer. Et là, j’ai compris qu’il y avait un problème dans notre promesse. Ils nous livrent quelque chose en cabine et nous ne savons pas y répondre, nous n’avons pas été formés. Donc, de ce constat, est partie l’idée de continuer le parcours du client sur ces énergies, ces émotions qui nous ont été livrées en cabine. Des ateliers pour les clients Nous avons alors décidé d’organiser des ateliers pour venir partager –c’est une des valeurs qui nous animent beaucoup- mais surtout pour faire découvrir d’autres disciplines autour du bien-être. Donc, nous avons des ateliers de magnétisme, de sophrologie, de soins énergétiques… Ces ateliers sont intéressants car la présentation n’est pas académique et les gens en repartent avec un acquis. Ils disent que ça va leur faire du bien. Plus tard, nous avons eu la possibilité de nous agrandir avec des espaces pour des thérapeutes et des espaces de parcours de soin. Ainsi, nous avons créé des parcours de soins pour que nos clients puissent trouver chez nous les grands ensembles qui constituent notre métier : – le bien-être dans son corps, avec la beauté, le bien-être psychologique et spirituel, c’est le domaine des thérapeutes avec lesquels on travaille, – le bien-être dans le monde avec notamment des produits plus sains. C’est ce que nous proposons dans notre centre. Aujourd’hui, nous avons une vingtaine de thérapeutes qui s’efforcent de gommer les deux univers, celui du spa et de l’esthétique avec celui du bien-être et des thérapies, pour réussir à faire le lien. Chaque thérapeute présente sa discipline, ses outils à chacune de nos praticiennes. L’idée est de multiplier les disciplines et donc de faire des systèmes de location de courte durée des cabines Les incentiv Sur le plan économique, nous avons mis en place des systèmes d’incentiv pour les praticiennes et les thérapeutes qui ont la chance d’avoir des relations privilégiées avec nos clients dans l’intimité d’une cabine et peuvent se permettre à ce moment-là de les conseiller et les orienter vers un rendez-vous avec un autre membre de l’équipe. C’est comme ça que se fait le lien. Florence Kowalski C’est super intéressant de savoir comment des dirigeants de spas arrivent à créer ce lien. Est-ce qu’avec un tel système d’incentiv, au bout d’un certain nombre de clients, il se passe quelque chose ? Jean-Louis Poiroux L’incentiv peut être du numéraire pour les praticiennes qui ont le plus de rendez-vous ou alors, et c’est bien souvent ce qu’elles préfèrent, ce sont des soins. C’est une très belle réussite. Je pense à une collaboratrice que nous avons intégrée il y a quelque temps. Elle était très renfermée, très timide et se mettait une grosse pression. Elle a eu la chance de pouvoir bénéficier de soins spécifiques avec nos thérapeutes et, aujourd’hui, elle est en train d’éclore et d’exploser professionnellement. C’est une de nos plus belles réussites. Quand des personnes viennent nous voir pour nous dire qu’ils soignent les gens en chantant, pourquoi pas ? Le choix des thérapeutes Florence Kowalski Comment avez-vous trouvé vos thérapeutes ? Jean-Louis Poiroux D’abord, il faut avoir en tête le modèle économique que nous voulons adopter, c’est-à-dire que nous mettons à disposition des cabinets de consultation moyennant un prix de location. Nous avons plusieurs formules. L’idée est de multiplier les disciplines et donc de faire des systèmes de location de courte durée. Nos clients ont des demandes beaucoup plus spécifiques et beaucoup plus proches de la santé. Donc, nous avons une kinésiologue, une ostéopathe, un sophrologue, nous restons dans ce triptyque. Nous organisons environ une dizaine d’événements par mois autour d’ateliers découvertes, et où nous invitons nos clients à venir découvrir ces disciplines. Florence Kowalski Lorsque vous parlez de location de courte durée, ça veut dire qu’un sophrologue qui va venir travailler prend un forfait. Jean-Louis Poiroux Oui c’est un forfait à l’heure. Florence Kowalski Et au niveau de la gestion des plannings, comment cela se passe-t-il ? Jean-Louis Poiroux Ça ne peut pas se faire si on n’a pas une bonne gestion de l’espace, on utilise exactement la même que celle qui nous sert dans l’exploitation de notre spa. Florence Kowalski Donc, vous avez une cabine et vous l’attribuez au fur et à mesure. Le thérapeute donne ses disponibilités, il bloque sa cabine et il s’occupe de prendre ses rendez-vous ou bien est-ce le spa qui s’en charge ? Jean-Louis Poiroux Les deux puisque le planning est en interface avec notre service de réservation en ligne. – Si un client a envie de prendre un rendez-vous avec son ostéopathe après sa séance de sport, il va sur Internet et fait sa réservation. – Si un client a appris qu’il y avait un ostéopathe dans le centre, il appelle et c’est une praticienne qui prend son rendez-vous. Nicolas et moi considérons notre espace comme un laboratoire d’idées donc on partage. Nous considérons que nous n’avons pas le monopole des bonnes idées et nous impliquons beaucoup nos thérapeutes et nos praticiennes dans tout ce que nous mettons en place et tout ce que nous pourrions faire et mieux faire. La suite dans Spa de Beauté n°50 (Juin 2019).