Ne vendez plus des soins, racontez des histoires !

Storytelling spa : ne vendez plus des soins, racontez des histoires !Communication présentée au Village Spa dans le cadre du 49ème Congrès International Esthétique & Spa (avril 2019) par Harmonie PAPILLON, Responsable des soins au Ritz Club Paris, Dominique LOISEAU, Présidente du Groupe Bernard Loiseau, Nicolas COULPIN, Massothérapeute, Formateur en massages bien-être, Créateur de soins signatures, et Florence KOWALSKI, Directrice de Spaboosting, Accompagnement en performance globale pour les spas.

Pour se différencier et donner envie aux clients de franchir la porte de leur spa plutôt que celle du concurrent, les spas ont une arme : le storytelling, le fait de raconter une histoire et de vendre bien plus que des soins : une expérience, un moment unique ancré dans le lieu et qu’on ne peut vivre ailleurs qu’ici… Au sein du storytelling spa, il y a évidemment la création du massage signature qui raconte cette histoire mais aussi les soins lorsqu’ils sont vraiment uniques, les produits lorsqu’ils s’inspirent d’un savoir-faire particulier, les lieux… Découvrez les différents leviers pour mettre en place votre storytelling spa.

QU’EST-CE QUE LE STORYTELLING

Le storytelling veut dire raconter des histoires. Les marques s’en sont emparé depuis plusieurs années. Le storytelling, c’est Coca Cola qui ne vend pas de soda mais qui vend du bonheur entre amis, des moments d’amitié, il y a une promesse client qui va bien au-delà du service et du produit qu’on propose.
Le storytelling est arrivé en hôtellerie et aujourd’hui il arrive au niveau du spa. Vous allez voir qu’il présente un véritable intérêt. Si vous avez un storytelling dédié, ça veut dire que vous racontez une autre histoire à vos clients, vous leur donnez envie de venir chez vous plutôt que chez le concurrent. Le storytelling va être au cœur de l’expérience client, qui ressort avec une expérience vraiment différente.

Pour traiter ce sujet, j’ai sollicité trois vrais professionnels dans ce domaine.

– Dominique Loiseau est la Présidente du Groupe Bernard Loiseau. Elle va vous parler du Groupe Bernard Loiseau et surtout de la réalisation du Spa Loiseau des Sens, qui s’appuie sur un storytelling extrêmement fort.
Comment arriver à décliner le storytelling qu’on trouve dans l’assiette Bernard Loiseau au niveau du spa pour enrichir l’expérience du client de la Villa Loiseau des Sens ?
– Harmonie Papillon a travaillé longtemps pour Clarins, aujourd’hui elle est responsable des soins Chanel à l’Hôtel Ritz, le seul en France à avoir un Spa Chanel,
– Nicolas Coulpin est massothérapeute et formateur en massage bien-être, il a contribué à la création de certains massages signatures.

UN STORYTELLING COHÉRENT AVEC LA MARQUE

L’idée, c’est de montrer en quoi, par le biais de la marque, par l’approche de la marque, le storytelling peut être fortement enrichi sur une grosse marque mais aussi sur une marque de niche.
Si vous voulez raconter une histoire pour un spa, avant tout, il faut savoir quelle histoire vous voulez raconter avant de choisir la marque. Et la marque que vous avez choisie doit savoir raconter cette histoire. Si vous êtes en incohérence avec la marque, vous n’aurez pas de storytelling cohérent.
Je voudrais qu’Harmonie Papillon vous explique comment une marque avec une forte personnalité, telle que Chanel, peut contribuer à créer le storytelling d’un lieu.

Vous devez savoir quelle histoire raconter avant de choisir la marque

Harmonie Papillon
Des marques qui sont mondialement connues en cosmétique sont invitées dans les spas d’hôtels. La valeur ajoutée à ce partenariat entre les hôtels et les marques cosmétiques, c’est de créer un lien qui existe ou qui a existé entre l’histoire de l’hôtel et l’histoire de la marque. C’est ce qui invite le client à vivre véritablement une expérience en plus d’un soin.

L’exemple du Spa Chanel au Ritz

Au Spa Chanel du Ritz Paris, nous avons la chance de travailler avec la marque Chanel et nous offrons véritablement une expérience à nos clients. Dès l’entrée dans ce spa, la couleur iconique de Chanel, le beige, domine vraiment. Ensuite, tout au long du parcours client, des codes sont représentés, des codes emblématiques, des couleurs iconiques, des liens étroits avec Gabrielle Chanel, qui a vécu plus de 30 ans au Ritz, car elle travaillait juste à côté, 31 rue Cambon. Donc, il y a vraiment un lien intime entre l’hôtel et la marque qui s’est créé autrefois, et qui maintenant nous permet de continuer sur les traces de la créatrice en offrant des soins à son image.

Florence Kowalski
Vous voyez que quand on crée un storytelling spa, il faut avoir une cohérence. Là, la cohérence vient du fait qu’il y a une vraie légitimité dans l’hôtel.

Harmonie Papillon
Nous avons donc créé un parcours client qui permet d’emmener le client pour qu’il vive une expérience sur les traces de Gabrielle Chanel. Donc, pour commercer, nous l’invitons à se changer, à se préparer pour le soin, puis nous l’invitons à suivre son parcours client qui commence par la visite de notre écrin. L’écrin c’est le nom du lieu historique où sont représentés les codes emblématiques que l’on retrouve dans l’univers de la mode, de la beauté, des cosmétiques chez Chanel. Pourquoi avons-nous ces codes ? Le lien est là lorsqu’on raconte vraiment l’histoire de la marque. Donc, chaque alcôve a un lien avec la marque puisque chaque alcôve a un numéro qui est fétiche pour la marque. Nous invitons le client à sentir le parfum qui correspond au numéro de l’alcôve.
Ce qui nous fait un lien d’un point A à un point B, c’est l’histoire de la marque qui s’inscrit dans le lieu chez nous. Après lui avoir fait sentir cette touche olfactive, par exemple le « Numéro 5 », « Numéro 18 », « Numéro 22 », « Numéro 31 », chaque numéro ayant un lien très étroit avec Gabrielle Chanel et devenant une fragrance, nous invitons le client à sentir cette fragrance et ensuite nous l’invitons à se diriger avec nous vers l’alcôve. Après, il a vraiment une découverte de notre cabine qui est absolument somptueuse. Nos codes sont représentés dans la décoration avec un paravent de coromandel, et dans les couleurs emblématiques, le beige et le noir, aussi bien représentées en mode, en joaillerie qu’en cosmétique. Il y a vraiment un lien très juste.

Le soin signature doit partir de l’histoire du lieu

Et ce qui nous permet de donner beaucoup d’importance à cette marque, ce sont toutes les petites anecdotes qu’on peut apporter à ce storytelling : ainsi, Gabriel Chanel a adoré ce beige quand elle a été pour la première fois sur la plage de Deauville. C’est un or beige dont la marque a l’exclusivité. Nous pouvons aussi raconter la philosophie des soins de la marque car il y a vraiment une philosophie dans l’histoire de Gabrielle Chanel. En dehors des codes visuels, il y a les techniques auxquelles elle réfléchissait déjà à son époque.

Florence Kowalski
Les codes que l’on retrouve dans le storytelling de Chanel sont des codes que vous pouvez mettre en place dans n’importe quel spa, à partir du moment où vous voulez raconter une histoire. On a parlé de code couleur. Les cabines de soins du Spa Chanel s’appellent des alcôves de soin, elles portent les numéros chers à Chanel. L’histoire de Gabrielle Chanel est capitalisée énormément. Le premier soin Chanel au Ritz coûte 310 € pour 1h30 de soin. C’est un certain montant mais c’est le seul Spa Chanel en France.
Un storytelling doit avoir une vraie logique de positionnement marketing. Nous avons besoin d’attirer les clients et de faire en sorte qu’ils viennent chez nous plutôt qu’au Mandarin Oriental ou au Meurice. Donc, faire un storytelling pour inscrire un positionnement, créer de la différence et faire que les clients passent la porte de chez nous plutôt que la porte voisine est très important. L’exemple de Chanel est intéressant car il a été poussé à fond dans la logique.
Certes avec Chanel, il y a matière, mais dîtes-vous que vous pouvez travailler sur n’importe quelle marque, n’importe quelle idée de départ. Pour faire un storytelling, vous pouvez partir de votre histoire personnelle, celle qui vous a fait venir au soin par exemple. Le storytelling c’est aussi savoir identifier les valeurs que vous allez utiliser pour raconter votre histoire à vos clients.

L’exemple du Spa Loiseau des Sens

Voici la marque Bernard Loiseau dont la notoriété est extrêmement forte au niveau gastronomie, Dominique Loiseau a fait le pari d’enrichir cette expérience client gastronomique avec une expérience au niveau du spa.

Dominique Loiseau
J’ai créé mon premier spa en 2000, à une époque où il n’y avait pas beaucoup de spas dans un Relais & Château auquel nous adhérons. Étant donné que nous n’avons que 32 chambres, nous n’allions pas faire un énorme spa. Nous avons construit un joli bassin de nage, un hammam, un sauna, des cabines et nous avons placé des transats dans le jardin (chez nous, tout donne sur le jardin).
Des marques sont venues me voir mais il n’y a qu’une seule marque qui m’a fait essayer ses produits sur ma main, c’était Decléor, toutes les autres m’ont parlé, parlé, mais elles n’ont jamais sorti un produit, je n’ai rien senti, rien vu ! J’ai eu le coup de foudre pour ces huiles essentielles qui sentent vraiment. Souvent quand je fais un soin, il n’y a aucune odeur et ça me frustre énormément. Donc, depuis 2000, nous sommes restés fidèles à Decléor et nous le sommes toujours dans notre nouveau spa. De plus, nos praticiennes étaient déjà habituées à tous ces soins, et donc nous avons continué avec Decléor et Carita et nous sommes très satisfaits.

Les marques venaient me voir sans jamais me faire tester les produits

Nous sommes à Saulieu en Bourgogne, dans un endroit rustique où nous ne pouvons pas proposer des soins trop luxueux, qui seraient trop chers pour ma clientèle. Les clients dépensent beaucoup d’argent dans le restaurant et l’hôtel. Il faut que nous soyons raisonnables pour les soins. Vous voyez comme quoi il est important de s’adapter au lieu.
Nous venons de construire, il y a deux ans, un tout nouveau spa que j’ai imaginé avec l’architecte et ma directrice générale. Nous avons des bassins multi-sensoriels en mosaïque de Venise qui donnent sur le jardin avec un parcours phlébo, une cabine à air marin. Nous avons vraiment construit quelque chose de très beau, très fonctionnel de 1 800 m2 sur plusieurs étages. Au premier étage, il y a les dix cabines totalement au calme, ainsi qu’un petit restaurant Loiseau des Sens, bio et utilisant des produits régionaux. Au dernier étage de l’hôtel, nous avons un spa Suite VIP avec un vrai lit, une balnéo, une cabine de massage, un hammam, un sauna, avec une vue sur le jardin.

Florence Kowalski
C’est intéressant puisqu’une règle de marketing essentielle est la cohérence du storytelling. Vous ne pouvez pas créer quelque chose à partir de rien, il faut être logique et réaliste et ne pas se décider en un jour. C’est comme un soin signature, ce n’est pas quelque chose qui vient de nulle part. Concernant la marque il faut vous adapter à votre clientèle. Autrement, vous aurez un endroit vide qui ne vivra pas. Le storytelling est un outil de positionnement marketing qui doit correspondre à une réalité pour vous.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre propre marque de produits cosmétiques ?

LE STORYTELLING D’UNE MARQUE

Dominique Loiseau
J’ai une formation de biochimiste, donc je comprends certaines choses parfois mieux que les autres. J’avais eu l’occasion en 2000, ici au Congrès, de rencontrer Véronique Brégeon qui avait un spa à Rennes, et qui a créé des crèmes à base de pommes. J’ai trouvé cela génial parce que le pépin de la pomme renferme des anti-oxydants. Donc, étant donné que nous servons au petit-déjeuner du jus de cassis de Bourgogne très réputé, rouge foncé (plus c’est rouge foncé, plus il y a d’anti-oxydants), je suis allée à Meursault chez un producteur de jus de cassis, et je lui achète les marcs de pressage du cassis dans lesquels il y a énormément d’anti-oxydants. Mme Brégeon à Rennes m’a conseillé son fabricant de crème à la pomme, et j’ai créé une gamme qui s’appelle « Secret de Cassis », à base de cassis noir de Bourgogne, le meilleur !

Florence Kowalski
Bel exemple de cohérence ! Quand je pense cassis, je pense vin, bonnes choses, gastronomie. En termes de storytelling, l’histoire qui est racontée au niveau de l’assiette dans le restaurant étoilé Bernard Loiseau est renforcée. C’est très intéressant.

Dominique Loiseau
Nous avons des soins signatures avec la gamme « Secret de Cassis » et nous travaillons au maximum avec ces produits-là pour toujours avoir une cohérence, et de la gourmandise en plus !
Je voudrais ajouter que nous avons aussi une autre gamme de produits, Charme d’Orient, car nous avons une zone hammam/sauna très développée, avec un salon de gommage tout en mosaïque ainsi qu’une table également tout en mosaïque. C’est là que nous pratiquons notre rituel de gommage oriental.

Florence Kowalski
Pourquoi avez-vous introduit un rituel oriental au sein de votre offre ?

Dominique Loiseau
Ma directrice générale est marocaine, et c’est elle qui m’a convaincue.

Florence Kowalski
Ce qui est intéressant c’est que vous n’avez pas besoin d’avoir un énorme historique. Il suffit qu’une personne ait une envie et ait à cœur de le faire, ait l’intime conviction que c’est quelque chose de super. En l’occurrence pour vous, c’était votre directrice générale. Cela vous a permis de créer votre storytelling car c’est votre conviction profonde que vous allez décliner et que vous allez expliquer au niveau de votre offre. Là c’était très pertinent. Ça fonctionne très bien, pourquoi devrait-on s’en priver ? Et, en plus, qu’il y ait quelqu’un de local qui a poussé à la décision, ça donne une légitimité à ce que vous racontez.

QUELLE HISTOIRE RACONTER ?

Nous parlons de gastronomie, pas de luxe. Le storytelling n’est pas réservé au secteur du luxe, il existe quand vous avez une histoire à raconter. Si vous n’avez pas d’histoire à raconter, il ne faut pas vous lancer dans le business du spa, parce que c’est trop concurrentiel, trop compliqué. Si vous faites la même chose que le voisin, le seul domaine sur lequel vous allez vous battre, ce sera sur les prix et là ce sera catastrophique car les guerres sur les prix ne sont jamais des guerres dont on sort en bonne santé. Ce n’est jamais viable pour le système.
Pour votre storytelling, pour rester très concret, vous allez devoir faire un travail de positionnement, le fameux Swot, pour comprendre vos forces et faiblesses, les opportunités du marché et les menaces face à vous, notamment ce que fait la concurrence. Après, vous allez avoir besoin d’outils pour raconter cette histoire. Les outils, ça peut être un parcours client assez exceptionnel, une marque faite maison… Et puis, il y a aussi le background un peu plus scientifique qui permet de piloter un projet avec une création de gamme.

Quelle histoire raconter ? Le storytelling est un outil de positionnement marketing qui correspond à votre réalité

Dans les outils, vous avez la carte de soins, avec vos soins signatures, c’est-à-dire les soins que les clients ne peuvent faire que chez vous et pas ailleurs. Parfois, le soin signature semble sorti de nulle part car il n’a pas de cohérence avec la carte de soins. Parfois il a été créé par la marque de cosmétique, mais il n’est pas forcément approprié à la marque de l’hôtel et aux valeurs de marque de l’hôtel. Donc, c’est un peu déplacé. Il existe une démarche qui est de créer un soin signature en partant de l’histoire du lieu. En l’occurrence, quand vous avez un spa hôtelier, vous allez partir de l’histoire de l’hôtel et, à partir de cette histoire, vous allez créer le soin correspondant.

Le spa Loiseau des Sens

Le spa Loiseau des Sens

L’exemple de La Folie Douce

Je souhaite que Nicolas intervienne sur ce sujet. Nous avons travaillé ensemble sur le massage signature de l’Hôtel La Folie Douce à Chamonix, qui est une marque de bar sur le bord des pistes. Les gens y vont pour faire la fête et boire du champagne. L’environnement est hyper concurrentiel à Chamonix, il y a déjà énormément de spas existants. Donc, nous avons réfléchi et nous avons repris la démarche marketing de la Folie Douce. Les clients viennent à l’hôtel, pourquoi ? Pour faire la fête ! Pour transmettre l’énergie à travers la fête, l’idée a alors été de transmettre l’énergie à travers les soins. Nous avons donc créé des soins signatures spécifiques et porteurs de cette énergie. Dès la réception, les équipes peuvent conseiller aux clients d’aller au spa qui fait partie intégrante de leur expérience. Là, ils vont découvrir le soin signature du spa et, ensuite, ils seront prêts pour aller faire la fête. L’idée c’était d’avoir un soin signature qui soit vraiment détonant dans le monde du spa.

Nicolas Coulpin
Nous sommes partis d’une attente client bien spécifique tout ce que peut véhiculer La Folie Douce, qui est un lieu de fête et brasse beaucoup de monde de différents niveaux qui viennent pour skier, se détendre.
Nous sommes partis d’une idée pour essayer d’adapter le soin, et notamment le massage. Ce n’est pas toujours évident. Ce qui était intéressant dans ce projet, c’était de proposer un soin qui sorte un peu des massages traditionnels qu’on connaît, souvent issus d’anciens systèmes de santé comme le balinais et l’ayurvédique. L’idée, c’était de créer vraiment quelque chose d’unique qu’on ne trouverait que dans ce lieu et qui correspondrait bien à l’attente client. Dans le cas de La Folie Douce, nous avons travaillé sur un massage plutôt réchauffant.

Florence Kowalski
Première étape, nous avons regardé la clientèle, c’est une clientèle de skieurs. Deuxième aspect, c’est une clientèle plutôt rock and roll. Voila le brief de massage signature. C’est comme le brief d’un logo, si vous ne l’avez pas au départ, vous ne pourrez jamais créer un massage signature qui corresponde car vous ne saurez pas dans quelle direction aller. Comme à La Folie Douce, la musique est très importante, il était hors de question que nous n’ayons pas quelque chose de très fort en musique.

Nicolas Coulpin
À partir de ces éléments, il a fallu donner une direction plutôt dynamisante au massage, notamment pour des clients qui ont skié toute la journée. Donc il faut les détendre et qu’il y ait un travail musculaire, et aussi les préparer à faire la nuit, danser. Donc, ce massage ne doit pas shooter ni endormir. Donc, je suis parti sur ces bases-là en allant puiser dans diverses techniques, en travaillant sur différents niveaux : le temps du massage, les produits, et tout particulièrement la technique elle-même. Le format est extrêmement important, il faut rester sur un format court car, à partir d’un certain moment, quel que soit le massage, on finit par s’endormir, pour se détendre de trop, ce n’est pas le but.

Florence Kowalski
Il faut penser aussi à la rentabilité. Il n’était pas question de proposer un massage trop long et trop coûteux. La clientèle de La Folie Douce est plutôt jeune et va mettre son argent dans la boisson. Donc, si nous étions partis sur quelque chose de trop luxe, ça ne se serait pas vendu.

Nicolas Coulpin
Nous sommes partis sur un massage vraiment dynamisant. Pour cela, nous avons fait appel à différentes techniques assez variées : sèches, huilées, pincées, tirées avec des percussions et, en même temps, un travail musculaire car le skieur a passé toute sa journée sur les pistes. L’identité forte était d’amener quelque chose de plus, et là, en l’occurrence, c’était la musique, car La Folie Douce prône le concept de la fête, de l’ambiance, de la vitalité, du brassage de différentes cultures. Donc, nous avons choisi des playlists très spécifiques.

LA CRÉATION D’UN SOIN SIGNATURE

Florence Kowalski
N’oubliez jamais, quand vous créez un soin signature, qu’il doit y avoir un brief marketing au départ, et savoir à qui et pour qui vous le faites. Comment ? Sur quelle histoire ? Ça doit être cohérent en termes d’histoire. Il ne faut pas vous laisser embarquer par la partie technique du massage qui interdit de faire telle ou telle chose. Vous avez le droit d’être décalé, de créer des produits. Il ne faut pas avoir peur d’être innovant. Mettez en place une playlist pertinente qui corresponde à vos valeurs et sur laquelle vous pouvez faire un massage. C’est une énergie globale qu’il faut trouver.

N’ayez pas peur d’être innovant

Nicolas Coulpin
Je voudrais donner l’exemple de la cuisine. On cherche des textures, des goûts d’ailleurs, on change les cartes, on propose des choses nouvelles qui racontent l’échange entre différentes histoires. C’est un peu ce que nous essayons de faire sur le massage, nous essayons de sortir des techniques connues, usées, qui sont très bien et qui ont fait leurs preuves. Nous essayons de faire un peu ce qu’on fait en cuisine déjà depuis longtemps, c’est-à-dire marier des textures, faire voyager, faire découvrir de nouvelles expériences sensorielles.

Dominique Loiseau
Et faire vibrer tous les sens.

Florence Kowalski
À propos du soin signature, je pense que les gens qui viennent de la pratique diront la même chose : il y a une part de technique. Si on ne sait pas où est l’omoplate, la colonne vertébrale pour travailler autour, ça va être compliqué. Mais 95 % des praticiennes le savent. Par contre, là où vous allez pouvoir jouer et créer la différence, c’est sur le travail sur les sens : la musique, l’odeur, etc. Ce sont des choses qui viennent s’ajouter sur un soin signature. Ainsi, si vous êtes aromathérapeute, vous allez mettre un focus particulier sur la partie olfaction au niveau de votre soin.
Vous pouvez vraiment travailler sur ce côté sur-mesure et ça c’est important. Un massage signature est un véritable outil. Grâce à lui, vous allez pouvoir créer de la différence.
La Folie Douce avait choisi Phytomer comme marque. Phytomer a super bien joué le jeu. En général, c’est très compliqué de faire accepter votre storytelling par une grande marque. Forcément, vous faites passer votre spa en premier et vous poussez en avant vos propres valeurs. Donc, quand vous avez une grande marque, bien installée, elle ne veut pas en entendre parler, elle tient à ses codes et vous demande de vous adapter. Il y a aussi des grandes marques, telle Phytomer qui était au Feel Good Spa, et qui a eu l’intelligence d’accepter l’identité hyper forte au niveau de l’hôtel et du spa, et n’a pas imposé des noms de soin. Par exemple, nous avons créé un soin visage signature qui était axé sur l’éclat, car forcément si une cliente veut aller danser ou faire la fête, elle veut se faire belle. Ce soin s’appelle le Before The Party.
Travaillez sur le nom des soins, sur le nom des lieux. Chez Chanel ce sont les alcôves, au Feel Good Spa, ce sont les loges de soin. Toutes ces petites choses vous permettent de raconter votre histoire.

La Folie Douce

La Folie Douce

Nicolas Coulpin
Je crois que la qualité d’un soin, c’est d’éveiller tous les sens. On pense souvent à se nourrir par la bouche mais on oublie souvent ses autres sens qui, eux aussi doivent être nourris. Il faut essayer de créer des soins pour éveiller tous les sens par le son, par les textures, etc.

N’oubliez rien : travaillez sur les noms des lieux, les noms des soins

CRÉER LA DIFFÉRENCE

Florence Kowalski
Soyez vraiment au cœur de l’histoire que vous racontez quand vous éveillez les sens de façon complètement cohérente. L’intérêt aussi d’avoir un storytelling fort, avec un outil, un soin signature vraiment original, c’est que vous allez créer de la différence. Si vous faites venir des journalistes ou des influenceuses, des gens qui peuvent parler de vous, si vous n’avez rien de spécifique à leur proposer, ce sera compliqué d’avoir des articles et des retours parce qu’il n’y aura pas de différence. Par contre, si vous leur proposez un massage dynamisant, sur Muse ou Nina Simone, avant d’aller faire la fête, forcément ils seront intrigués et ils en parleront. C’est tellement logique de parler de quelque chose de nouveau ! Alors que c’est si difficile de faire parler de soi avec des choses classiques, là vous pouvez créer des choses différentes. Et les règles, c’est vous qui allez les donner. Les règles au niveau de la musique, c’est vous qui les donnez car c’est vous qui choisissez le rythme. C’est de la cohérence et du bon sens de base, mais c’est un outil intéressant, qui peut être à moindre coût si vous êtes une bonne praticienne. Si c’est un peu compliqué pour vous, faites appel à des formateurs, mais c’est important qu’ils suivent vos idées, que ça corresponde à votre réalité terrain et que ça vous permette d’avancer comme sur l’affirmation de quelque chose de spécifique.

Les soins du spa du Ritz

Harmonie Papillon
Nous avons les soins Chanel mais aussi les soins Ritz, derrière lesquels il y a une véritable identité. Nos soins signatures ont été créés en relation avec l’identité du Ritz par le masseur de notre propriétaire M. Al-Fayed. Il est australien et pratique des techniques aborigènes qu’il a développées. Autour de ces soins, nous proposons des cocktails de bienvenue, et de fin de soin qui sont préparés par notre barman Colin Field qui fait partie intégrante du Ritz depuis des années, et est très identitaire à cette maison. Nous avons aussi développé une marque Ritz, mais qui est seulement professionnelle, et n’est pas commercialisée. Ce sont des produits dont la fragrance rappelle celle qu’on sent partout dans le Ritz Club. Tout a été pensé autour de ce soin signature pour créer quelque chose d’identitaire au spa du Ritz. Donc, il y a vraiment deux identités, l’identité du Ritz et l’identité avec le partenariat Chanel. Je trouve que ça fait partie intégrante des expériences que l’on peut vivre dans un spa d’hôtel tout en alliant la marque partenaire et l’histoire de l’hôtel.

Florence Kowalski
Vous pouvez aussi associer une infusion spécifique à chaque soin. L’idée est de vous montrer que ces codes de création de storytelling sont vraiment utilisables à n’importe quel niveau. Bien sûr, ils sont magnifiés au Ritz ou au Spa Loiseau des Sens, car ce sont d’autres établissements mais ce sont des choses que vous pouvez utiliser.

L’IDENTITÉ D’UN SOIN SIGNATURE

Nicolas Coulpin
Nous constatons donc qu’au-delà du soin il y a un parcours du soin, c’est-à-dire que quand le client arrive, il a un cocktail de bienvenue. Ce qui fait l’identité d’un soin signature, ce n’est pas que le soin en lui-même, il y a tout ce qui va autour, et qui peut faire déborder l’imaginaire. Quand nous avons travaillé sur le projet de La Folie Douce, si nous nous étions écoutés, nous aurions fait des trucs complètement fous. Évidemment, nous nous sommes limités sur certaines choses mais ça a permis une créativité d’éveil des sens qui existe bien au-delà du soin. Et là nous pouvons nous permettre de raconter une histoire soit d’un lieu, soit d’une identité. Il est possible aussi de travailler avec les matériaux de la région, par exemple du bois. On peut vraiment aller chercher très loin. Et en allant au-delà du soin, il est possible d’avoir un parcours des sens.

Florence Kowalski
Quel que soit le niveau de l’établissement, si vous voulez créer votre soin signature, donnez-lui une vraie identité. C’est ce qui va donner de la valeur à votre soin. Le client paye mais ça en vaut la peine.

Harmonie Papillon
Au spa du Ritz, nous avons plusieurs soins signatures, ce qui nous permet vraiment de conseiller le plus adapté. Chaque soin commence par une rencontre d’environ 10 minutes au cours de laquelle les besoins et les attentes du client sont vraiment personnalisés. Libre au spa praticien d’effectuer les manœuvres qui lui semblent les plus justes et de transformer encore un peu plus ce soin signature en véritable soin sur-mesure tout en gardant son identité.
Nous arrivons à garder assez facilement un soin signature dans le temps et à travailler autour.

Dominique Loiseau
Certains clients de l’hôtel viennent en moyenne une fois par an. Quelques-uns viennent plus souvent et d’autres tous les 2/3 ans. Ils viennent pour fêter un anniversaire de mariage, c’est une fête pour eux, donc là, il n’y a pas de problème de renouvellement. Nous avons aussi une belle clientèle locale sur un périmètre de 50 km, vers Dijon, Auxerre, etc. Ces clients ont des abonnements et donc ils ont envie de trouver autre chose. Et puis, il faut penser également aux spa praticiennes, si elles font tout le temps les mêmes soins, ce n’est pas très motivant, elles aussi ont envie de renouvellement. Elles s’intéressent et sont forces de proposition.
Nous évoluons mais nous ne révolutionnons rien. Il ne faut pas heurter le client quand il est habitué. L’évolution se fait en douceur au fil des saisons.

Florence Kowalski
Ce point est intéressant car ça veut dire que vos équipes sont impliquées dans votre soin signature. Pour qu’il soit bien réalisé, il faut bien le transmettre. Il faut tenir compte des problèmes de formation mais il y a aussi l’envie des spa praticiennes. Quand on lance un nouveau soin signature, elles sont les premières à vouloir le faire. Elles sont heureuses. Donc, nous poussons les ventes dans ce sens. Si vous créez un soin signature dans un spa hôtelier, faites-le découvrir à la réception. Si vous êtes en spa urbain, faites-le découvrir à des personnes qui pourront en parler et donner envie d’aller plus loin sur ce sujet.

LES RETOURS CLIENTS

Harmonie Papillon
Parfois des clients, qui sont de grands connaisseurs de Chanel, réservent un séjour dans la suite qui porte le nom de Coco Chanel ! Le storytelling est très fort.
Ils vont descendre dans le spa pour aller encore plus loin sur les traces de Gabrielle Chanel car c’est véritablement ça, elle-même a eu l’occasion d’aller dans ces lieux. Il y a un lien qui est assez fort. Il y a aussi des clients qui vont descendre au spa du Ritz pour prolonger l’expérience Ritz dans les alcôves Vendôme ou Cambon, on est vraiment autour de la place Vendôme, un lien est créé avec le lieu, l’architecture, la décoration.

Florence Kowalski
Vous constatez la puissance du storytelling. Encore une fois, oubliez le fait qu’il s’agit du Ritz et dites-vous que ça peut s’appliquer à de très nombreux endroits. Vous pouvez créer un storytelling sur le moindre endroit, car le moindre endroit a une histoire de base.

Dominique Loiseau
Nos clients restent 24 h quand même, donc j’ai le temps de les rencontrer soit à l’apéritif, soit durant le repas, je vais les saluer, ou le lendemain matin au départ, et donc là, j’ai tous les retours. Et c’est vrai que les retours pour le spa sont excellents. Les clients ne se gênent pas pour me dire qu’ils ont ceci ou cela, en principe ce qui ne va pas, mais le lendemain matin ils sont détendus. Aujourd’hui, nos clients hôtel/restaurant ont besoin d’un spa. C’est la troisième dimension indispensable pour rendre un séjour complet et merveilleux !

CONCLUSION

Florence Kowalski
N’oubliez pas que vous devez partir de vous, de vos envies, de vos histoires. Et, après, à partir de cela, sélectionnez votre marque, une grande marque ou une marque de niche. L’important, c’est qu’elle s’inscrive dans votre histoire. Ne confiez pas à une marque la responsabilité de raconter votre histoire parce que cette marque racontera sa propre histoire si vous n’occupez pas le terrain. C’est important. N’oubliez jamais qu’un storytelling doit être cohérent. Si vous êtes dans un spa hôtelier, il doit être cohérent avec l’expérience que vous vendez au niveau de l’hôtel. Il faut que ce soit un global, qu’il y ait une vraie valeur ajoutée, pour que l’expérience de l’hôtel + l’expérience de la restauration + l’expérience du spa ne fassent pas 1 + 1 + 1 = 3 mais 1 + 1 + 1 = 4. Ça montrera que vous avez une très forte valeur ajoutée. La synergie de ces trois expériences permet de vivre quelque chose de supérieur. Pensez aussi, quand vous faites un storytelling à vos clients qu’ils ne seront pas concernés si vous n’êtes pas cohérent, si l’histoire que vous leur racontez ne les intéresse pas. Si votre client est un skieur, ne lui racontez pas une histoire qui n’a rien à voir. Si vous êtes en plein centre de Paris dans un lieu historique, ne parlez pas de la montagne, un spa de montagne sera beaucoup plus pertinent pour raconter cette histoire-là ! Et n’oubliez pas que pour que votre storytelling vive, il est important que vous le décliniez dans des soins signatures. Vous avez le savoir-faire pour les créer, ils peuvent être dans votre carte de soins. Et surtout, pensez cohérence et rattachez-vous à l’histoire du lieu et aux forces que vous avez.

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