Steve Desobeau, le Directeur Spa et Fitness du Royal Hainaut Spa & Resort Hôtel, a une étonnante expérience du spa non seulement en France, mais aussi à l’étranger, Île Maurice, Singapour, Maroc… Son parcours est inspirant et ses conseils sont infiniment précieux. Steve Desobeau UN PARCOURS ATYPIQUE À la base, j’étais dans le football. J’ai intégré une école de football professionnel à 12 ans à Rennes. Je suis devenu joueur de football et j’ai eu une très grave blessure au niveau du dos à 18 ans. C’est ce qui m’a rapproché, dans un premier temps, du milieu médical/paramédical. J’ai eu la chance de faire la rencontre d’un podologue qui a réussi à soigner mon problème de dos en soignant mes pieds. Il a compris qu’il y avait un gros problème d’équilibre, de posture. Et donc, en me rééquilibrant, il a réussi à tout remettre d’aplomb et à me remettre debout, alors que j’avais passé plusieurs semaines dans un fauteuil roulant. Donc, ça a été vraiment un premier changement dans ma vie. Après ça, je suis retourné à la compétition mais je n’avais plus la même passion, la même envie, et quand vous n’avez plus la passion, vous n’êtes plus aussi bon, vous êtes sur le banc de touche. Et moi, à 19 ans, je n’avais pas envie d’être sur le banc de touche. J’ai donc décidé de rentrer à Paris pour faire une école de podologie, l’Institut National de Podologie de Paris, et je suis devenu podologue en 3 ans. DES SOINS DES PIEDS DE LUXE POUR LES SPAS À la suite de ce diplôme, je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de demandes pour les soins des pieds dans les hôtels de luxe et que c’était complètement délaissé dans les spas. J’ai alors eu l’opportunité d’aller travailler à l’île Maurice, puis aux Maldives, et ça a été un grand succès. Nous avons vraiment créé la surprise avec un soin des pieds de luxe. Un an plus tard, je me suis retrouvé au Saint-Régis à Singapour, et nous avons lancé le concept de soin des pieds de luxe là-bas. Ça a été quelque chose de vraiment incroyable. En quelques mois, je me suis retrouvé à la télévision, dans les magazines, tout le monde voulait faire des soins, il fallait attendre deux mois pour avoir un rendez-vous. Je me suis alors mis à former des gens pour travailler avec moi. J’avais trois assistantes et nous nous sommes retrouvés à faire presque 50 % du CA du spa juste en faisant des pédicuries de luxe ! DE SUCCÈS EN SUCCÈS Après ça, je suis devenu podologue pour la WTA (association sportive de joueurs et joueuses de tennis). Et puis, cinq ans plus tard les propriétaires du Ritz Carlton de Singapour m’ont contacté pour reprendre complètement leur projet de bien-être et de spa. Ils voulaient vraiment essayer de créer des soins holistiques, mais pas seulement des massages relaxants comme on peut en trouver dans la plupart des spas. Nous avons donc mis en place une carte de soins, nous avons recruté des équipes, et les avons formées, en étant sûrs qu’ils avaient à la fois les connaissances du spa, du luxe, de l’hôtellerie, mais aussi du paramédical, du corps humain, et pour pouvoir sentir ce dont les clients avaient besoin pendant les soins. Cet hôtel de 608 chambres tournait à 80 % d’occupation toute l’année, avec un spa de 15 cabines, donc c’était quelque chose d’exceptionnel. J’étais le directeur du spa et du fitness et j’avais une équipe de 50 personnes à 34 ans ! LA SATISFACTION DES CLIENTS ET DE L’ÉQUIPE Ce qui m’a toujours fasciné, c’est de pouvoir évoluer dans des endroits avec des cultures différentes. On se rend compte que le milieu du luxe est un milieu très petit. Par exemple, je me souviens avoir retrouvé à Singapour et à Paris des clients que j’avais rencontrés aux Maldives. Le monde est immense et, en même temps, c’est un milieu très fermé où tout le monde se connaît plus ou moins, au bout de quelques années. Ces expériences m’ont énormément apporté. Si jamais j’étais resté uniquement dans le milieu médical/paramédical, je n’aurais pas du tout vu la notion de service, de personnalisation ou de bien-être. On traite un patient, on voit les choses différemment, ce n’est pas un client, la satisfaction n’est pas quelque chose de primordial. En arrivant dans l’hôtellerie, ce qui m’a plu énormément, c’est d’essayer de toujours chercher des solutions pour améliorer la satisfaction du client, et chercher le détail, le sens du détail. Tous ces détails font au final la différence entre un service de luxe ou un service moyen/standard/classique. Il faut essayer de comprendre tout ça, de le faire partager, et de le transmettre aux équipes, et après de les voir évoluer. C’est ça qui donne une grande satisfaction : de voir évoluer les gens avec lesquels on travaille, que l’on coache, et que l’on manage. OBJECTIF : DEVENIR LE MEILLEUR ! Je voulais devenir le meilleur podologue du monde ! Donc, quand j’ai commencé à travailler au Festival de Cannes, avec les joueuses de tennis, les célébrités, c’était vraiment incroyable, le rêve ultime. Et puis après, j’ai encadré 50 personnes comme aujourd’hui au Royal Hainaut, ou 80 personnes lors de mon dernier poste au Maroc. Là c’était encore quelque chose que je n’aurais jamais pu imaginer car je n’avais jamais fait d’école de management. Le fait de pouvoir se rendre compte qu’on est capable de tenir deux spas dans un pays étranger où on parle trois langues différentes est une grande satisfaction personnelle. Ainsi, j’ai appris le Darija au Maroc, c’est le marocain, et je parle l’anglais, le français, l’espagnol. Le choc des cultures La plus grande difficulté pour moi, c’est de travailler dans une région que je ne connais pas. Depuis 10 ans, j’étais à l’étranger, j’ai quitté la France car j’aime beaucoup apprendre de nouvelles cultures, rencontrer des gens différents. À l’étranger, j’étais tout le temps en train d’apprendre une langue nouvelle, à faire de nouvelles rencontres. J’étais dans une espèce de remise en question permanente. Quand vous managez des gens avec des cultures différentes, avec des manières de penser différentes, c’est à vous de vous adapter en permanence. Une gestion humaine et administrative primordiale Savoir gérer les plannings est très important. Il faut toujours pouvoir répondre aux besoins des clients, pouvoir les analyser, semaine après semaine, mois après mois, surtout dans les circonstances dans lesquelles nous sommes. Ça peut changer très rapidement en fonction des mesures gouvernementales qui sont prises. Donc, il faut être très très à l’écoute et ne pas oublier que nous avons des gens avec nous, nous travaillons avec des praticiennes, dont il faut prendre soin parce qu’on a besoin d’elles. Il faut aussi faire beaucoup de prévention au quotidien et faire en sorte qu’elles se sentent bien car si elles ne se sentent pas bien, elles ne seront pas en mesure de délivrer des soins de qualité pour les clients. C’est beaucoup de choses à gérer au quotidien, auxquelles il faut faire attention. Quand on voit que tous les jours nous avons de la demande et que nous n’arrivons même pas à répondre à cette demande, c’est bon signe et c’est encourageant de continuer dans ce sens-là. C’est positif. Le succès, c’est de pouvoir arriver à un taux d’occupation de 80 % de spa praticiennes. C’est pour ça qu’il faut en permanence analyser la demande client. Par exemple, nous nous rendons compte qu’il y a énormément de demandes entre 11h et 19h. Si je mets une spa praticienne à 9h le matin, je perds 2h tous les jours, et ça va être très difficile pour moi de lui demander de rester jusqu’à 21h. Donc, il faut vraiment adapter le planning en fonction de la demande des clients pour pouvoir avoir un taux d’occupation des spa praticiennes qui soit au maximum. Aussi il faut respecter les conditions sanitaires et faire très attention à la circulation à l’intérieur du spa, à la désinfection des locaux, au port des masques, c’est beaucoup de choses en même temps. C’est beaucoup de paramètres à considérer, mais le plus important reste le taux d’occupation. Vendre des produits ou des soins La vente de produits n’était pas une priorité pour nous à la base. Nous étions vraiment concentrés sur la qualité des soins et sur l’expérience du client. Il faut réfléchir. Il y a deux manières de réfléchir. Sur le court terme, on ouvre un spa pour vendre des produits et du coup les soins sont secondaires, ou alors on se concentre sur les soins, on bâtit une clientèle solide, on construit la loyauté. Et une fois qu’on a cette clientèle, une fois qu’on a réussi à installer la confiance avec les clients, quoique la praticienne leur conseille, ils vont acheter car elle se sera parfaitement occupée d’eux pendant six mois. Ils n’iront nulle part ailleurs faire un massage, et préféreront attendre deux semaines pour avoir cette spa praticienne plutôt que d’aller ailleurs, mais ça met du temps à se mettre en place. Être un directeur de spa épanoui Il faut aimer ce qu’on fait, aimer les gens déjà ! Si vous n’aimez pas les gens, ça va être compliqué. J’aime bien dire que 80 % de notre travail de manager ne se fait pas avec les clients mais avec les équipes : gérer les problèmes des équipes, essayer de trouver des solutions, et les 20 % restants sont consacrés aux clients, les rencontrer, pouvoir partager des moments aussi de plaisir, il n’y a pas que des problèmes, il y a aussi des bons moments. Mais il faut aimer les gens et être prêt à donner de notre temps. Les 35 heures, je ne connais pas, je n’ai jamais vu ça, ça m’a toujours fait halluciner en France le système des 35 heures ! Pour avoir une équipe fidèle, il faut de la transparence et de la confiance. Les équipes ont besoin de savoir qu’elles peuvent avoir confiance en nous, elles doivent sentir que nous sommes disponibles quand elles ont besoin. Très souvent, je discute avec des gens, on me dit « Que faites-vous dans la vie ? », « Je suis manager de spa ». « Oh, la chance ça doit être génial ! » On a tout de suite cette image « Ah vous devez être dans un bureau, tranquillement, c’est super ! » Alors que c’est faux. Ces dix dernières années, j’ai travaillé entre 14 et 16 heures/jour ! On n’arrête pas, surtout quand on travaille dans des gros groupes comme le Marriott, nous avons des standards à respecter. On n’en finit plus, et nous sommes mesurés à la minute avec des niveaux de satisfaction client, des niveaux de rentabilité, des niveaux de revenu en permanence ! On apprend énormément, mais c’est très prenant, il y a beaucoup de pression. C’est un choix de vie, mais, encore une fois, c’est un métier qu’on fait par passion. Si on n’est pas passionné, on ne dure pas ! Ces dix dernières années, j’ai travaillé entre 14 et 16 heures par jour Conseils aux directeurs d’hôtel Il faut travailler avec des gens passionnés, arrêter de regarder la profitabilité immédiatement et réfléchir sur le moyen/long terme. Trop souvent, les investisseurs créent des spas et je les comprends tout à fait, ils veulent des retours sur investissement le plus rapidement possible. Mais très souvent, ils font beaucoup d’erreurs aux ouvertures et après, au bout de six mois, il faut bouleverser complètement les concepts, les équipes car ils se rendent compte que ça n’a pas marché, qu’ils sont allés trop vite et qu’ils se sont brûlé les ailes. C’est dommage. Il faut travailler avec des gens passionnés qui travaillent pour la qualité, qui font vraiment les choses avec le cœur. On vend du bien-être et si on n’est pas passionné, comment voulez-vous que ça marche ? Si vous avez une spa praticienne qui n’est pas passionnée et qui fait un soin à un client, comment voulez-vous qu’il se sente bien ? Ce n’est pas possible. C’est comme un chef de cuisine qui ne se sent pas bien, vous pouvez lui donner la recette, ça ne marchera pas. Tout est dans le cœur, dans l’émotion. C’est quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on ne touche pas mais que l’on sent. C’est ça qui manque dans beaucoup de spas malheureusement aujourd’hui. Faire attention à ses équipes Tout part de là, si vos équipes ne vont pas bien, vous n’arriverez jamais à avoir une satisfaction client au top. Souvent, on l’oublie et on se focalise sur le client, alors que tout part de l’équipe, c’est encore plus important dans un spa. Beaucoup de groupes l’ont très bien compris : Apple, tous les groupes américains, le Ritz Carlton… Il y a énormément de choses qui sont faites pour suivre et analyser la satisfaction des employés en permanence parce qu’ils se sont rendu compte que c’était lié à la satisfaction des clients. Donc, si vous arrivez à maintenir vos employés satisfaits, même si tout n’est pas parfait, vous avez un pourcentage de chance beaucoup plus élevé d’avoir une satisfaction client qui va être élevée également. Un manager ne peut pas tout faire tout seul, il ne peut pas être partout, surtout s’il y a 50 clients/jour. Si vous n’avez pas une équipe qui est bien dans ses baskets et qui délivre des expériences car, ce n’est pas juste un soin, c’est toute une expérience de qualité, ça ne peut pas marcher. Donc, oui, focalisez-vous vraiment sur vos équipes. L’avenir du spa Je pense que dans le spa, on a étudié à peu près toutes les parties du corps et qu’on s’y est concentré, sauf une, qui est la plus importante car sans elle on ne serait rien, c’est la tête, le cerveau ! Je pense à la méditation, à la psychologie, à l’hypnose. Je pense à beaucoup de choses telles que celles-ci, à des choses qui, en France ou en Europe ne sont pas encore très développées. Je suis convaincu que cela va prendre de plus en plus de place au niveau des spas. Je me suis rendu compte, en Asie, que j’avais beaucoup de clients qui venaient faire des pédicuries toutes les semaines, et pourtant ils n’en avaient pas besoin. Une pédicurie médicale dure 2-3 mois, voire plus. Ils venaient parce que nous avions établi une relation de confiance, ils se sentaient confortables, pouvaient partager des choses avec moi, m’écoutaient, ils ressentaient un vrai bien-être. Dans ce cas, on passe le cap, on va au-delà du soin, au-delà de la touche physique, on est dans un échange. Je suis convaincu que dans le futur du spa, il y aura des soins où l’on donnera au client la possibilité de se sentir bien sans forcément avoir une touche physique. Je pense qu’il y a énormément de travail à faire de ce côté-là. Je suis convaincu qu’il y aura de la demande. C’est comme ça que je vois, dans le futur, l’évolution du spa, par le corps et l’esprit.