Par Florence KOWALSKI, Spa Boosting, Yog’n Vibes.

Voici comment réussir la coopération free-lance/spa : bonnes pratiques pour permettre aux praticiennes de vivre de cette activité en autonomie financière et en continuant à prendre du plaisir ; bonnes pratiques pour les spa managers et directeurs d’hôtels pour que le recours aux free-lances soit efficace et enrichissant en termes d’expérience client. Et nous savons tous qu’une coopération réussie est une coopération « gagnant-gagnant » !

DU CÔTÉ DE LA FREE-LANCE

La principale cause d' »échec » (cette notion est vraiment relative car je fais partie des personnes qui considèrent que l’échec est souvent une fantastique opportunité d’évolution personnelle…) des spa praticiennes qui passent du salariat au statut d’indépendant est généralement liée au manque de structure. Au manque de structure juridique d’une part, au manque de structure personnelle d’autre part. Alors, arrêtez l’amateurisme et structurez-vous !

BONNE PRATIQUE N° 1
DÉFINISSEZ LE NOMBRE DE MASSAGES QUE VOUS DEVEZ FAIRE POUR VIVRE DE VOTRE MÉTIER

Beaucoup de spa praticiennes choisissent de s’orienter vers un statut free-lance après avoir été salariée pour ne plus avoir à travailler le week-end, ne plus enchaîner les massages, ne plus terminer le travail à 21h00 et, Graal absolu, pour être « libre » ! C’est en tout cas ce qu’on entend dans la bouche de beaucoup d’entre elles quand on les interroge sur leur reconversion… Alors démystifions immédiatement tout ça : non la free-lance n’est pas une personne sans aucune contrainte !

La free-lance travaille uniquement lorsqu’on a besoin d’elle

D’abord parce que pour avoir des clients, il faut justement accepter de travailler quand les clients ont besoin de vous. Et ces clients, ce sont à la fois les spas hôteliers et, indirectement, les clients finaux, ceux que vous masserez. Or les premiers feront appel à vous généralement quand leurs équipes fixes seront en surcharge et elles seront en surcharge quand les seconds leur feront des demandes. Donc une free-lance qui génère du chiffre d’affaires est une free-lance qui se rend disponible quand on a besoin d’elle.
En d’autres termes, si vous souhaitez devenir spa thérapeute indépendante pour ne plus travailler les week-ends et fins de journée, lisez avec attention le paragraphe suivant avant de décider de vous lancer ou pas.

Combien voulez-vous gagner ?

Au-delà du rythme des demandes clients et donc des besoins du marché en général pour vos services, ce qui va vous aider à définir votre nombre d’heures de travail est la réponse à la question : « Quel salaire je veux recevoir ? ». En effet, en termes de rentrées d’argent mensuelles, ce ne sera pas la même chose si vous cherchez un petit complément de revenu proche d’un mi-temps parce que votre compagnon subvient à la majeure partie des dépenses du foyer ou si vous êtes mère célibataire avec un enfant à charge ? Bien sûr, les deux exemples sont un peu extrêmes mais vous comprenez la situation : vous devez vous structurer en identifiant les dépenses que vous devez couvrir chaque mois (en incluant bien sur votre salaire, sauf si vous considérez que vous ne travaillez que pour payer vos charges, ce qui n’est pas une posture d’entrepreneuse vertueuse), en mettant en face les revenus que vous souhaitez et en les divisant par le prix auquel vous vendez vos soins à votre client.

De la part d’un spa hôtelier

N’oubliez pas que si vous vendez vos services à un spa hôtelier, il ne vous reversera pas la totalité du prix que lui paie, pour ce soin, son client final. Le spa hôtelier prélèvera une somme fixe, ou un pourcentage, qui correspondra au matériel et aux produits mis à votre disposition et au fait qu’il vous apporte les clients sans que vous ayez à aller les démarcher avec un site web, un flyer, une page facebook…

De la part d’un client individuel

À des clients individuels, vous vendrez généralement vos massages plus chers mais vous intégrerez les frais de commercialisation et démarchage évoqués juste avant, ainsi que du temps supplémentaire passé à installer votre matériel sur place et à vous déplacer peut-être plus loin.

Définissez votre client idéal

Il est donc important que vous chiffriez bien tout ça avant de décider qui va être votre « client idéal », c’est-à-dire qui vous allez cibler et rechercher en priorité.
Vous êtes dans une région très touristique avec plusieurs hôtels à 30/45 minutes de chez vous, capables de vous proposer des plages de massages de 5/6 heures d’affilée ? Dans ce cas, le spa hôtelier sera peut-être votre client idéal même si vous gagnez un peu moins à l’heure de soin.
Au contraire, vous êtes dans un endroit un peu résidentiel avec une offre d’instituts ou de spas insuffisante pour répondre à la demande locale, un statut de free-lance autonome est peut-être jouable à condition de bien calculer tous vos coûts.

Les clés d'une coopération free-lance réussie en spa

Quelle est votre vision de votre activité ?

Réussir à structurer la vision de votre activité (quelle vie visez-vous en vous mettant à votre compte ?), mettre en face les revenus dont vous avez besoin, ramener ces revenus en nombre de soins à réaliser chaque mois (divisez le CA attendu par le prix de votre soin pour obtenir ce nombre de soins), puis chaque semaine : c’est la première étape de structuration incontournable au risque de faire un choix professionnel qui finalement ne vous conviendra pas. Toute expérience est bonne à prendre quand on est un entrepreneur un peu expérimenté qui rebondit facilement mais une première expérience d’entrepreneuriat de cette nature peut rapidement refroidir…

BONNE PRATIQUE N° 2
CHOISISSEZ BIEN VOTRE STRUCTURE JURIDIQUE

Vous savez désormais quel chiffre d’affaires vous devez réaliser pour atteindre votre objectif d’autonomie financière. Vous devez désormais passer à une phase pratique. Pour proposer vos services de soins à des clients qui, en retour, paieront pour vos services, vous avez besoin d’une structure juridique qui va encaisser les soins.

Attention, vous devez respecter la loi !

Il est évident (mais c’est toujours utile de le rappeler) que vous ne pouvez pas percevoir de l’argent à titre personnel, sans que cela ne passe par votre structure juridique. Très concrètement, c’est du « black », c’est illégal, et normalement, aucun spa hôtelier ne vous proposera de vous payer de cette façon, il serait passible d’une condamnation pour travail dissimulé. Idem pour vous, puisqu’il y a travail dissimulé dès « que vous n’avez pas volontairement réalisé votre immatriculation, légalement obligatoire, au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés » (source : www.urrsaf.fr).
Vous immatriculer, c’est donner vie à votre structure juridique, et c’est donc ce qui vous permettra de proposer vos services de professionnelle du massage, d’émettre des factures et d’être payée en retour. Le droit français vous donne le choix entre plusieurs possibilités : soit l’entreprise individuelle (dont fait partie la micro-entreprise), soit la société. L’idée n’est pas ici de vous faire un cours détaillé sur chacune des structures possibles mais plutôt de vous inciter à vous faire conseiller sur votre choix de structure.

Posez-vous les bonnes questions

En effet, beaucoup de free-lances se lancent en se disant « Je ne veux pas dépenser d’argent, donc je crée la structure la moins coûteuse possible et je m’adapterai… ». Or il est important de prendre du recul et de vous poser plusieurs questions pour déterminer quel est votre objectif en créant cette structure :
– À qui allez-vous vendre : entreprises ou particuliers ?
– Qu’allez-vous vendre ? Uniquement des massages ou également des produits cosmétiques de la marque avec qui vous pourriez vouloir collaborer si vous intervenez dans un spa hôtelier qui a des cabines de soin mais pas de spa à proprement parler et donc pas de marques de cosmétiques.
– Souhaitez vous faire travailler d’autres free-lances sur les prestations pour lesquelles vous percevrez une commission ?
Il est essentiel de vous poser ces questions et surtout d’y répondre avant de choisir votre structure juridique. N’hésitez pas à vous faire aider par un spécialiste. Chaque structure a ses particularités en termes de responsabilités du dirigeant, de capital social ou de régime fiscal. Ces points doivent être connus pour choisir votre statut. Et une fois ce dernier choisi, gardez bien en tête ces spécificités et suivez l’actualité juridique liée aux évolutions de ce statut car il conditionnera la légalité ou l’illégalité de ce que vous ferez. N’oubliez pas que, selon l’adage, « nul n’est censé ignorer la loi », donc soyez vigilante sur ce point !

Pour ne pas dépenser, je crée la structure la moins coûteuse : mauvaise idée !

Les Chambres de commerce et d’Industrie organisent souvent des ateliers gratuits sur ce sujet de la création d’entreprise. Allez-y et n’hésitez pas à vous nourrir de toutes les informations que vous y prendrez. Et surtout, ne vous censurez pas dans vos projets, rêvez, imaginez et ensuite vous pourrez construire les différentes étapes pour atteindre vos objectifs.
Au-delà des démarches juridiques, vous structurer, c’est prendre le temps de poser votre projet par écrit, d’essayer de vous projeter et d’imaginer où et comment vous vous voyez dans trois ans.

Imaginez où et comment vous vous voyez dans trois ans

BONNE PRATIQUE N° 3
INCONTOURNABLE : L’ASSURANCE EN RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE

Certains spas hôteliers vous la demanderont avant d’entreprendre toute collaboration avec vous, d’autres pas. Les clients particuliers, eux, ne vous la demanderont jamais. Par contre, elle est indispensable à partir du moment où vous commencerez à pratiquer.
En droit français, la responsabilité civile est l’obligation légale de réparer les dommages causés à autrui. Elle concerne tant les particuliers que les professionnels. Dans ce dernier contexte, on parle de Responsabilité Civile Professionnelle ou RCP. Concrètement, votre entreprise peut causer, dans le cadre de son activité, un préjudice à un tiers. Ce dernier relève de la Responsabilité Civile Professionnelle de votre entreprise. L’assurance RC Pro couvre alors votre entreprise en dédommageant la victime concernée de tout ou partie des dommages occasionnés dans le cadre de votre activité professionnelle. Comme par exemple, dans le cas d’un client qui vous reprocherait de l’avoir « blessé » en le massant un peu trop profondément ou dont la peau ferait une réaction à votre huile de massage et qui porterait plainte contre vous…

N’hésitez pas à demander un devis à plusieurs assureurs, idéalement situés pas trop loin de chez vous car le relationnel est souvent très utile en cas de problème nécessitant de faire jouer votre assurance !
Avec un prévisionnel de chiffre d’affaires clair, une structure créée et bien assurée, vous êtes désormais opérationnelle pour proposer vos services au rythme de travail que vous avez défini.

DU CÔTÉ DU SPA HÔTELIER

Côté spa hôtelier, les difficultés de recrutements (à l’heure où j’écris ces lignes, de nombreux spas saisonniers n’ont pas encore bouclé leurs équipes de spa praticiens) rendent la ressource « free-lance » de plus en plus stratégique. Le manque de professionnalisme et, disons-le, de considération pour ce statut dont ont fait preuve certains hôteliers ces dernières années ont rendu leur collaboration avec les free-lances peu transparente et, de fait, freiné les candidatures. Voici quelques bonnes pratiques « spas hôteliers » simples à mettre en œuvre et terriblement efficaces.

BONNE PRATIQUE N°1
UNE RÉMUNÉRATION CLAIRE ET JUSTE

Cet été, un client hôtelier de Tarentaise m’a dit qu’il n’avait pas réussi à recruter son équipe et qu’il faisait monter de Bourg Saint-Maurice (soit 40 km aller-retour de déplacement) une free-lance qu’il payait très bien : 30€ TTC de l’heure, frais de déplacement inclus ! Selon lui, la personne enchaîne jusqu’à sept heures de soin, et donc elle gagne très bien sa vie…. Alors faut-il vraiment expliquer à un hôtelier qu’un indépendant que nous imaginerons non assujetti à la TVA qui gagne 210 € par jour gagne en fait environ 130 € ? Il devra en déduire ses frais de déplacement, ce qui fait un gain horaire de 15 € ! En extra, une spa praticienne touche autour de 10 € nets de l’heure ! Hôteliers, si c’est la valeur que vous accordez au travail d’une spa thérapeute, je pense qu’il vaut mieux ne pas exploiter de spa ! Sauf si bien sûr vous vendez des soins à 60 € TTC et, dans ce cas, il paraît compliqué de donner plus. Mais je n’ai pas encore vu de spas hôteliers proposant des soins de ce montant…

Mon conseil : optez pour un pourcentage

La bonne idée est de proposer un pourcentage du prix du soin vendu (en général à partir de 45/50 % du prix de vente TTC mais pouvant monter plus haut) afin que votre free-lance comprenne que son revenu est lié au revenu du soin de façon logique. Si les free-lances sont peu nombreuses sur votre zone ou si votre établissement est dans un lieu de rêve pour vos clients mais difficilement accessible pour vos prestataires, augmentez un peu ce pourcentage.

L’objectif premier est de satisfaire votre client

N’oubliez pas qu’en ayant recours à une free-lance, votre objectif premier n’est pas de générer des revenus mais de ne pas dire non à un client et éviter soit qu’il soit frustré, soit qu’il aille chez votre concurrent. La rémunération que vous proposerez à vos free-lances sera vraiment fonction de votre position par rapport à ce point.

BONNE PRATIQUE N°2
FIXEZ DES PLAGES RÉGULIÈRES ET DES DÉLAIS DE RÉTROCESSION CLAIRS

Il peut être très intéressant de « fidéliser » des free-lances en négociant avec elles des plages hebdomadaires de disponibilité sur une période donnée afin que vous puissiez prendre des rendez-vous clients sans avoir à appeler votre free-lance pour connaître sa disponibilité. Par contre si vous procédez ainsi, il est essentiel que vous prévoyiez ensemble le moment où vous direz à votre free-lance si vous avez finalement besoin d’elle et pour combien d’heures. Ce délai peut être de 24 ou 48 heures selon votre mode de fonctionnement et doit être clairement fixé dans votre contrat de prestation. Et surtout, respectez ce délai pour montrer à votre free-lance que vous la respectez comme une partenaire à part entière.

Il est intéressant de fidéliser des free-lances

BONNE PRATIQUE N°3
INTÉGREZ VOS FREE-LANCES DANS VOS FORMATIONS ET ÉVÉNEMENTS D’ÉQUIPES

Quand vous avez recours à des ressources en free-lance, il est indispensable que pour le client ce soit transparent. Ce n’est un secret pour personne, actuellement, de grands palaces parisiens et de grandes marques font appel de façon massive à des free-lances par manque de personnel. En soi, ce n’est pas un souci car, dans la plupart des cas, les free-lances sont des praticiennes confirmées, aptes à délivrer les niveaux de prestation attendus. Par contre, si ces praticiennes ne sont pas formées par vous à la prise en charge client telle que vous la proposez, à vos produits ou à vos soins, si elles ne portent pas vos tenues et si elles ne maîtrisent pas vos valeurs d’entreprise, vous pouvez être certain que votre client ne vivra pas la même expérience avec cette praticienne qu’avec un membre de votre équipe à temps plein qui, lui, aura reçu toutes les formations internes adéquates. Ne faîtes donc pas cette économie de temps et d’argent.
Ces trois bonnes pratiques à formaliser dans un contrat de prestation free-lance, même succinct, devraient vous permettre de mettre en place les bases d’une coopération saine avec vos free-lances dans un véritable esprit de partenariat dont le premier gagnant sera incontestablement votre client !

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