Par Galya ORTEGA.

À l’orée d’une nouvelle étape professionnelle qui se présente comme l’aboutissement d’un parcours gagnant depuis 20 ans dans la beauté et le bien-être, Ghislain Waeyaert nous livre le détail de cette quête faite de passion, de respect et d’excellence.

UNE ENFANCE MARQUÉE PAR LA COSMÉTIQUE !

Ghislain Waeyaert

Ghislain Waeyaert

Lorsqu’on parle de destin, on ne peut que chercher les graines qui dans l’enfance ont fait germer l’arbre présent. Dans le cas de Ghislain Waeyaert, nous constatons que la route était tracée, encore fallait-il la prendre et se l’approprier. Il passe son enfance en Bourgogne, son père a travaillé 35 ans en tant que directeur régional pour la marque Bourjois. Si bien que Ghislain a baigné dans les vernis à ongles, les crèmes Barbara Gould et les parfums. Avec son petit frère, il récupérait les petites billes métalliques dans les flacons de vernis pour jouer avec. Sa sœur aînée qui faisait des études d’esthétique avait besoin de modèles pour s’entraîner. C’est donc sur ses frères qu’elle fera des essais d’épilation et de soin visage alors qu’ils n’avaient que 7 et 8 ans !

Il se souvient de l’odeur de la cire et de cette ambiance d’institut, des marques comme Pier Augé ou Yonka dans lesquelles il a baigné et qui lui faisaient penser à son futur métier. Ghislain rêvait de cette carrière marquée par son enfance et surtout il se voyait voyager beaucoup à l’international.

DES ÉTUDES ET DES DÉBUTS PROFESSIONNELS

Ghislain passe un Bac Économie à Chalons sur Saône, puis une école de commerce à Lyon. Pour financer ses études, il travaille dans un hôtel de luxe, La Cour des Loges. Il portait les bagages, travaillait la nuit et ainsi a payé ses études. Donc, tout petit, il a découvert la cosmétique, plus tard les règles de l’hôtellerie de luxe et la notion de service. Il parlait anglais, ce qui lui ouvrait les portes de l’international.
Qui dit école de commerce dit stage en entreprise pour valider les diplômes. Premier stage : poussé par son père, il est représentant chez Bourjois où il vend du maquillage, des crèmes, du parfum. Deuxième stage, chez Bernard Marionnaud lui-même, une référence à l’époque, c’est lui qui a inventé ce qu’on a appelé la néo parfumerie où l’on trouvait toutes les marques. Ghislain part en Espagne afin d’implanter des magasins. Pour son troisième stage, il part aux États Unis à New York pour Sanofi Beauté avec les marques Yves Saint Laurent, Roger & Gallet, Oscar de la Renta, etc.
De retour en France, il est embauché par le groupe Guinot Mary Cohr en tant que responsable export. Pendant deux ans, il participe au développement international du groupe et peaufine son rêve : être directeur export cosmétique.

Des jalons professionnels qui plantent les racines

Ghislain Waeyaert dit de lui-même : « J’ai avancé comme ça au feeling sans véritable plan de carrière. Je suis un développeur affectif. Tout s’est fait en fonction de mes rencontres ».
Alors qu’il était chez Guinot, il avait 25 ans, il est contacté par un cabinet de recrutement qui le convainc d’entrer dans le groupe Bogart (les parfums Balenciaga, Chevignon, les marques Piaubert et Stendhal). Il passe un entretien avec Didier Hesse, le directeur international de Bogart, qui lui offre la direction Europe de Stendhal. Il y reste 5 ans, en s’occupant de Stendhal pendant 3 ans, puis en créant la filiale du groupe en Angleterre. Il était le plus jeune et sans doute le moins cher. Cela lui a servi. Il est parti tout seul pour ouvrir le marché. Deux ans après, il avait des bureaux à Londres avec une équipe soudée. Il avait implanté la marque dans 200 grands magasins et relancé Balenciaga.
Bref, un vrai succès !
Un chasseur de têtes le contacte pour lui proposer un poste de responsable export pour Carita, groupe Shiseido. Son identité professionnelle s’affirmait de plus en plus : le monde du soin, des protocoles, de la formation, des esthéticiennes et un travail pour des marques professionnelles. Voilà un début de carrière solide. De surcroît, il dit lui-même : « Ce que j’ai apprécié, c’est que dans ce monde-là, il y a des gens qui ont de belles valeurs. Il n’y a pas que l’argent dans une carrière. L’argent m’a influencé comme tout le monde mais cela n’a jamais été ce qui a fait mon choix. Si j’étais parti chez L‘Oréal, j’aurais gagné vraiment beaucoup plus d’argent. Mais j’ai fait d’autres choix et j’en suis heureux ».

Virage vers l’univers du spa

Au moment où Ghislain rejoint son nouveau poste, le groupe Shiseido décide d’associer Carita à Decléor et tout est repris par Hervé Lesieur. Ghislain était heureux : les voyages, les distributeurs, la cosmétique, le soin, la formation, les protocoles. « C’était ma crème à moi ! » dit-il.

Ghislain Waeyaert

Direction Comfort Zone

Après 5 ans chez Carita, un cabinet conseil le contacte pour lui proposer de travailler pour un groupe italien : Davines et Comfort Zone. David Bollati, le patron, le contacte pour le faire venir en Italie où était la société. Ce fut quatre années extraordinaires. La marque était très belle. Ghislain la prend à zéro et la porte à plusieurs millions en quelques années. Le groupe s’est fortement développé depuis avec David Bollati qui est un vrai génie avec de belles valeurs humaines. Les deux hommes sont restés proches. On l’a compris, pour Ghislain, cela compte beaucoup.
Pendant son expatriation italienne, Ghislain est parti avec femme et enfant pendant six mois à New York pour superviser la filiale implantée dans l’hôtellerie de luxe. C’est à cette époque-là que le changement s’est vraiment affirmé en France et qu’on est passé de la cosmétique classique au spa vers l’hôtellerie de luxe. Ghislain est devenu naturellement le spécialiste de l’hôtellerie de luxe, du spa et de la cosmétique.

Parti de zéro, Ghislain a porté Comfort Zone a plusieurs millions

La belle histoire Clarins

Mais l’histoire continue : un jour, en 2008, il reçoit un appel de Christian Courtin Clarins qui lui a exprimé son souci : partout dans les spas de luxe, on voyait Comfort Zone et jamais Clarins. La division spa du groupe était la chasse gardée de Jacques Courtin, le père. La proposition était que Ghislain reprenne cette division pour la re-dynamiser, pour la construire vraiment. Ghislain revient à Paris, reprend la division spa et ouvre plusieurs spas dans des hôtels de luxe, (Royal Monceau à Paris, Ritz Carlton à Toronto, Spa Miraval…). Ghislain devient le vrai spécialiste des spas. C’est un homme heureux chez Clarins qui est une très belle marque avec des gens qui ont de belles valeurs.

L’aventure Deep Nature

Et ainsi, un jour, il rencontre Julien Patty, directeur de la Société Deep Nature qui gérait plusieurs spas et en particulier le Spa Clarins du Royal Monceau. Julien l’avait challengé plusieurs fois pour qu’il rejoigne Deep Nature. Pourquoi ne pas redémarrer une aventure ? Le voilà qui quitte Clarins et s’associe à Julien Patty pour devenir directeur du développement de Deep Nature.
Ils créent un bureau d’études afin de construire et d’aménager des spas, Ghislain étant à Paris et Julien à Chamonix. Le partenariat a duré 7 ans, jusqu’au moment du rachat et de la fusion entre Deep Nature et le Laboratoire Gilbert.

bbspa, L’ULTIME ETAPE

Actuellement, une nouvelle étape s’offre à Ghislain : « Je viens de quitter par choix Deep Nature. Je suis en train de construire ma prochaine étape avec Régis Bourdon, fondateur de bbspa Group en Italie. J’avais déjà travaillé avec lui à travers Deep Nature. J’ai de nombreux points communs avec Régis. Nous nous sommes retrouvés sur des valeurs d’éthique, de respect, avec l’idée de monter bbspa France, incluant un bureau d’études et d’accompagnement pour les instituts, les spas, les hôtels et de définir le bon programme pour que les gens gagnent de l’argent avec leurs établissements. J’ai toujours eu ce souhait d’entrepreneur et de me rapprocher de l’Italie. J’aime l’Italie, en particulier la région de Bologne où il y a la Wellness Valley, comme il existe aux USA la Silicon Valley. S’y sont implantées toutes les entreprises de cosmétiques, bbspa y est. L’Italie peut parler du spa au reste du monde. Je connais Régis Bourdon car je travaille avec lui depuis quatre ans. Je suis directeur France, mais nous allons nous occuper du monde entier ensemble. Nous pouvons tout faire de A à Z, depuis la conception, le concept, l’architecture, l’accompagnement du projet. Nous pouvons travailler autant pour les grands groupes que pour les indépendants ou les instituts. Et surtout, je connais les erreurs à ne pas faire, de l’accompagnement jusqu’à l’ouverture. Mais nous ne faisons pas la gestion et il ne faut pas se tromper dans le business model car nous sommes à 1 e près ».

Nous définissons les bons programmes pour que les gens gagnent de l’argent

Ghislain Waeyaert

LE RÔLE MAJEUR DU SPA

Devant tous les changements en cours ces deux dernières années, on peut légitimement se poser la question de l’évolution du bien-être. Le modèle classique du spa s’essouffle, il est complexe à rentabiliser, la demande du public évolue. Les contraintes liées au Covid ont vu émerger d’autres approches que les spas vont s’approprier. Ghislain en est conscient : « Cela va continuer à se développer. La vague wellness est en train d’arriver. Les opérateurs cherchent. Nous devons affiner notre business model. Il faut cesser de proposer n’importe quoi. Il faut être réaliste avec la taille, le concept et les marques. Il y a un boulevard devant nous car les systèmes de santé sont défaillants. Nous devons faire du préventif. Et le spa a son rôle à jouer. Le bien-être va être partout et il ne faut pas le cloisonner au spa. La nouvelle génération bouge beaucoup. On va voir ce qu’elle va devenir, elle sera sans doute différente de nous. Les gens vont avoir besoin du toucher, les notions de toucher et de cocooning sont au cœur des attentes. Mais nous sommes au centre du paradoxe : les gens communiquent beaucoup mais ils sont seuls. « Alone together » : seul ensemble ! Les esthéticiennes et spa praticiens vont avoir un vrai rôle à jouer dans l’amélioration du bien-être au quotidien ».

Il ne faut pas se tromper dans le business model du spa, nous sommes à l’euro près

RÉUSSIR UN SPA : RIGUEUR ET LUCIDITÉ

« Pour réfléchir à cette question, il faut d’abord se demander s’il s’agit d’un spa indépendant ou d’un spa d’hôtel. Les coûts et l’organisation ne sont pas les mêmes.
– L’un des secrets de la réussite est la rentabilité. Il ne suffit pas de parvenir à payer tous les coûts, ce n’est pas tout, il faut que le spa gagne de l’argent.
– Ensuite, la qualité de service est primordiale.
– Par ailleurs, il y a trop de spas où le personnel n’est pas formé.
– Parfois, on sent que dans l’équipe, il y a une vraie dynamique, et ça, c’est une source de succès et de qualité.
– Je ne cherche pas systématiquement le soin hypercréatif et original. À la base, j’apprécie d’être bien accueilli, bien traité, de recevoir le bon massage, le bon soin visage, avec un accueil chaleureux, ça, c’est un spa réussi. Je m’y retrouve parfois davantage dans un petit spa avec trois ou quatre cabines que dans de grandes usines très luxe, très haut de gamme mais souvent très froides. »

CONSEIL AUX DÉBUTANTS

« Les esthéticiennes me contactent souvent pour leur projet. Ce sont des jeunes filles qui ont un CAP ou un BTS et qui veulent monter leur spa, elles sont prêtes à emprunter. Je leur conseille de passer en priorité quatre ou cinq ans en cabine et en gestion de spa, d’aller travailler chez les autres, avant de se lancer dans leur propre affaire. Ce métier est un business millimétré qui demande de travailler beaucoup. Il y en a peu qui réussissent. Si elles n’ont pas une vision financière de leur projet, de leur chiffre d’affaires, de la masse salariale, du loyer précis, du coût d’énergie, le spa n’est pas viable. J’insiste pour qu’elles aillent faire d’abord une expérience ailleurs. Le gros souci est représenté par les formations pour les spa managers qui ne sont pas au niveau. Elles ne se rendent pas compte que cela va être compliqué, sans parler que quand on a 25 ans, on va avoir des employées seniors qu’il faut savoir diriger. Il faut comprendre qu’on a besoin de cette patine que donne l’âge. »

LE SENS DE LA VIE ET CE DONT ON EST FIER !

« Quelles que soient les circonstances, j’aime voir et sentir que je suis toujours moi-même. J’ai rencontré des gens exceptionnels, j’ai travaillé pour de très beaux projets de spas, mais j’ai toujours la même vie, les mêmes relations depuis plus de 30 ans. J’étais très heureux d’être directeur export, ce qui m’a donné la possibilité d’aller presque dans tous les pays du monde. Quand on me demandait à 20 ans : “Qu’est-ce que tu veux faire dans la vie ?”, je disais : “Je veux être directeur export”. Je l’ai été, j’ai voyagé, j’ai gagné ma vie, j’espère ne pas avoir fait trop de mal et avoir été assez honnête. Quand je regarde derrière moi, je pense que j’ai été assez respectueux de moi-même et des autres. Le mathématicien Bertrand Russell disait : “La cause fondamentale des problèmes dans le monde moderne est que les stupides sont sûrs de leurs affirmations tandis que les intelligents sont pleins de doute”.
Dans ma vie professionnelle, j’ai eu une expérience très belle, j’étais en Italie, je m’occupais de la marque Stendhal. Je vais à Milan dans une petite parfumerie, j’entre avec le représentant, nous vendions la crème “Recette Merveilleuse”. On me présente une cliente qui devait avoir 75 ans. La dame vient vers moi et dit : “Ah ! c’est vous le monsieur de Stendhal ! J’ai eu une vie assez compliquée, j’ai eu 6 enfants, tant de petits enfants, toute ma vie je n’ai fait que travailler, le seul plaisir que j’ai eu, c’est tous les matins quand je mettais ma crème de Stendhal : Recette Merveilleuse”. Malgré tout mon travail et mes succès, j’ai toujours eu ce doute et cette réflexion intérieure : “Est-ce que ce que je fais est bien ?”. Je me remets beaucoup en question, j’ai peu de certitude. Et avec les mots de cette dame, je me suis dit “Au moins je sers à ça”… »

MA RESSOURCE, C’EST MON MÉTIER !

« Je suis passionné par ce que je fais. Pour moi, mon travail est mon bien-être. Lorsque je veux me ressourcer, je vais découvrir d’autres spas. J’aime rencontrer des gens et j’aime l’expérience du spa. Je n’ai jamais souffert dans le cadre du travail. D’autant plus que j’ai fait de belles rencontres professionnelles. »