Conférence menée par Galya Ortega,
avec Claire Merlin, Esthéticienne, Gérante du Spa Bio’ty Zen, Herblay,
Christelle Caron, Consultante Spa, Formatrice, et Anne Robert-Bonnay, Responsable de formation esthétique, IFPM,
au Village Spa, dans le cadre du 50ème Congrès International Esthétique & Spa (Octobre 2021, Paris).

Le personnel du spa, du recrutement à la formationLes employeurs cherchent désespérément du personnel. De l’autre côté, beaucoup de postulants sont, disent-ils, en recherche active. Et pourtant, les rencontres ne fonctionnent pas. Quant à la formation, elle doit évoluer si vite que les acteurs ont du mal à suivre…

LES JEUNES ET LE RECRUTEMENT : ÉTAT DES LIEUX

Anne Robert-Bonnay

L’IFPM est un CFA situé dans le centre-ville de Nanterre.

Nous existons depuis 30 ans et formons environ 560 apprentis par an dont 280 esthéticiennes et esthéticiens et 280 coiffeurs et coiffeuses. Nos formations sont toutes diplômantes, du CAP au BTS, avec beaucoup de demandes chaque année pour l’esthétique. Les métiers de l’esthétique sont en tension et nous avons énormément de demandes aussi de la part de nos entreprises partenaires. La qualité du recrutement est importante car il faut réussir à faire matcher les entreprises et les jeunes. De ce fait, de nombreuses entreprises nous appellent pour nous demander de l’aide dans leur recrutement. Parallèlement à cela, beaucoup de jeunes recherchent un poste et tout l’enjeu est de se faire rencontrer tous les protagonistes de la formation.

Les difficultés entre l’entreprise et la jeune salariée

Des fautes sont commises des deux côtés : beaucoup de jeunes sont très volontaires, très motivées et arrivent parfois dans une entreprise où elles sont immédiatement démotivées. On ne leur parle pas bien, on ne leur présente pas l’équipe, on ne leur donne pas de fiche de mission, on ne les évalue pas, on ne leur fait pas de démonstrations des soins effectués, on ne les présente pas aux clients, elles ne réalisent que des tâches inintéressantes (même si en entreprise, chaque mission est importante) … Il est essentiel que les spa managers se rendent compte qu’il faut séduire ces jeunes, beaucoup sont motivées. Il faut leur donner envie d’être avec vous, d’être formées par vous et surtout de rester avec vous. Ce métier est merveilleux et très exigeant, donnons l’exemple ! À l’IFPM, nous avons l’habitude de dire aux formatrices que le but n’est pas qu’elles se fassent aimer, mais de faire adhérer les étudiantes à la structure.

Comment faire adhérer la salariée à l’entreprise ?

C’est le rôle du chef d’entreprise, de la spa manager, de faire adhérer la salariée ou l’apprentie à la structure. En face de vous, vous avez les jeunes générations Y et Z pour lesquelles tout va vite, elles n’ont pas les mêmes codes. C’est à vous de vous adapter. C’est à vous de leur proposer des choses différentes et de répondre à leurs attentes en imposant vos codes, la vision de votre entreprise, en exigeant sérieux et professionnalisme. Mais vous allez devoir les faire adhérer et travailler un peu différemment. Pour cela, vous devez être formé en management, c’est indispensable. Vous ne pouvez pas passer à côté. Organisez des réunions toutes les semaines ou tous les mois, faites des comptes-rendus de réunions, faites des entretiens et des fiches de mission. Valorisez lorsque le travail est bien fait, dites ce que vous attendez, donnez des missions variées… Écoutez ! Il faut absolument que les managers s’y mettent, être formé est nécessaire.

LE RECRUTEMENT DES JEUNES, UN ATOUT

Claire Merlin

J’ai ouvert il y a dix ans un centre de 130 m². Après quatre agrandissements, aujourd’hui, il fait 630 m². Nous avons évolué au fur et à mesure des années et nous sommes aujourd’hui une quinzaine à travailler. À l’ouverture en 2011, j’ai recruté mes deux premières apprenties. L’une d’entre elles fait toujours partie de l’équipe, après plus de dix ans. Depuis, nous avons formé une vingtaine d’apprenties, certaines restent un an et d’autres les six ans de leur apprentissage avec embauche en CDI. Avec le Covid, comme beaucoup d’entreprises, nous avons vécu des départs suite à des changements de vie, de métier, de région, etc… Cela a rendu les choses plus compliquées, notamment au niveau du recrutement.

Comment recruter ?

Quand j’entreprends un recrutement, je passe d’abord par les réseaux sociaux. Ensuite, je fais appel à toutes les écoles des alentours. C’est là où sont formées les esthéticiennes de demain. Cela permet de recruter des élèves qui ont de bonnes bases, que l’on peut former à notre image et à nos protocoles de soins et, par la suite, leur proposer un contrat à temps plein. Actuellement, j’emploie sept élèves en alternance. Lorsque je suis en recherche, j’en parle à mes commerciaux, mes gérantes consœurs, mes anciennes collègues et même à mes anciennes employées. Il y a également l’option pôle emploi à ne pas oublier.

L’accueil des nouvelles recrues

À ce jour, lorsqu’on accueille de nouvelles recrues, nous essayons de consacrer la première journée à leur intégration. Nous leur faisons visiter les lieux, leur donnons un livret d’accueil et une tenue professionnelle. Tout au long de cette première journée, les nouvelles recrues nous suivent en cabine, on leur explique le fonctionnement du spa, ainsi que le concept de l’entreprise. Nous les formons aux protocoles de soins classiques, nous faisons venir des modèles spécifiquement pour qu’elles puissent s’entraîner. Lorsqu’elles sont à l’aise et que nous validons le protocole, nous pouvons leur prendre leurs premiers rendez-vous avec des clients. Une fois ces bases acquises, nous les formons sur d’autres prestations. Et ainsi de suite, avec des soins plus spécifiques ou utilisant de la technologie. Nous sommes une grande équipe, nous avons une large carte de soins. Cela permet de demander aux nouvelles recrues ce qu’elles aiment faire, pour pouvoir les perfectionner dans leurs domaines de prédilection. Cela les motive, leur permet d’être valorisées en tant que membre à part entière dans leur travail et les aide à prodiguer de meilleurs soins avec passion.

LA FORMATION ADAPTÉE AU PROFESSIONNEL

Christelle Caron

Quand des spas me contactent, je fais un pré requis à la formation. Pourquoi le spa veut-il former son équipe à ce massage ? Je veux savoir si le soin que l’on me demande est judicieux pour la rentabilité du spa. Ensuite, je vois au niveau des qualités professionnelles des personnes que je vais former si elles sont diplômées ou pas, quels sont leur engagement au niveau du spa, du métier, si c’est une passion… Ce pré requis permet simplement d’être dans le bon positionnement pour la formation, de calibrer la personnalisation à la formation, de percevoir les atouts de chaque stagiaire, de les aider à la compréhension du soin, d’avoir les bons outils pendant l’enseignement et également de continuer à les accompagner après la formation s’il y a lieu.
Une manager avait inscrit une praticienne qui faisait depuis quinze ans de la prothésie ongulaire, pour une formation kobido ! La prothésiste est arrivée en formation avec des ongles de trois centimètres qu’elle a refusé de limer ! Cela m’a donc appris à me renseigner avant de dispenser une formation. Si un spa me contacte pour une formation de soin énergétique comme le chi nei tsang, un massage où l’on travaille les organes dans leur respiration émotionnelle pour amener un état de bien être particulier, si la personne n’a aucune notion de la transmission d’énergie, cela va être très difficile. Je ne vois pas l’intérêt de faire une formation qui ne va pas plaire ! Avant chaque formation, j’établis un pré requis à la formation pour savoir si cela correspond ou pas.
Chaque formation est accompagnée, pour n’importe quel type de soin, d’un atout supplémentaire sur l’ergonomie, la compréhension du soin, et du corps ou du visage. Nous, formateurs, avons le devoir dans chaque formation, de personnaliser nos enseignements, revoir les bases en fait partie. Nous sommes également une bulle d’oxygène dans le quotidien de nos partenaires. Le fait d’être à l’écoute et d’accompagner de manière sûre et pertinente nos établissements demandeurs amène la concrétisation d’autres projets pour chacun des acteurs en présence.

Nous, formateurs, avons devoir de personnaliser nos enseignements

FAIRE DE LA FORMATION UNE PRIORITÉ

Claire Merlin

La formation dans mon spa est une priorité et cela dès le recrutement. Lors des entretiens, c’est l’un des points clé que je mets en avant. Certaines praticiennes veulent changer d’entreprise pour l’une de ces raisons. Je leur explique qu’elles seront formées en interne, et qu’elles auront aussi des formations marques en externe ou sur site. Quand j’accueille de nouvelles collaboratrices, elles ne vont pas directement en cabine tant que nos protocoles ne sont pas validés. On leur demande dans quelle prestation elles se sentent le plus à l’aise. On revoit ensemble tous les protocoles que l’on va adapter à nos marques et nos soins. Ensuite, une fois que toutes les formations ont été revues, on commence à se perfectionner sur d’autres soins. Nous les formons sur des soins qu’elles ont envie de faire, mais aussi sur ceux où nous avons besoin de praticiennes supplémentaires.

Le personnel du spa, du recrutement à la formation

Cela fait dix ans que ma structure est ouverte et, en moyenne tous les deux ans, je fais des formations de remises à niveau pour nos soins technologies et marques. Nous avons profité des confinements pour remettre à jour nos protocoles de soins. Les clients ont vu la différence et ont été ravis de ce renouveau. Nous avions partagé sur les réseaux, pendant les confinements, les différentes formations faites, ce qui leur a donné envie de découvrir les nouveaux soins. Il est vrai qu’à chaque perfectionnement, les clients habitués apprécient ce renouveau. Pour moi, la formation est la clé de réussite d’un spa, par la motivation de nos équipes et par le perfectionnement apporté régulièrement à nos soins pour fidéliser nos clients.

La formation est la clé de la réussite d’un spa

NE RIEN LÂCHER SUR LA FORMATION !

Anne Robert-Bonnay

À l’IFPM, nous faisons des formations diplômantes, elles sont évidemment indispensables et nécessaires. Mais notre responsabilité ne s’arrête pas là. Nous devons aussi former nos apprenants sur le savoir-être. Il ne faut rien lâcher, il ne faut pas céder aux injonctions de l’époque. L’exigence de la clientèle est de plus en plus forte, nous travaillons dans des palaces, des spas urbains ou des instituts très haut de gamme. D’ailleurs, peu importe l’entreprise, chaque client, chaque collègue, chaque salarié doit être traité avec respect.

Enseigner les codes de base

Il faut revenir sur le b.a.ba du métier, c’est-à-dire les exigences de base : savoir dire bonjour, savoir accueillir une cliente, lui tenir la porte, lui ouvrir la porte et la laisser passer devant vous. Aujourd’hui, certains jeunes ne savent pas faire… ou pire sont contre ces pratiques qu’ils trouvent d’un autre temps. Il faut de la patience et de l’exigence pour les faire adhérer. Il faut que nous résistions dans nos centres de formation, que nous donnions les codes et que chaque formateur ait la même exigence.

Ne rien lâcher sur le comportement, l’attitude, la bienveillance et le respect !

À l’IFPM, chaque futur (e) apprenti (e) est vu (e) en entretien individuel, les objectifs des formations sont posés ainsi que l’exigence de notre structure et du secteur professionnel. Il n’y a pas à discuter. Mais rien n’est acquis sans qu’il y ait argumentation. Il faut tout expliquer : pourquoi il faut tenir la porte à une cliente et pourquoi il est important de remercier et d’être courtois(e) avec tous. Pour une évolution de qualité, il faut avoir acquis les bases en formation. C’est grâce à la formation que nous aurons des professionnelles qui s’épanouissent pleinement et qui auront de multiples compétences. Il va falloir aussi s’adapter aux nouvelles générations, il faut essayer de les comprendre, de discuter avec elles, de garder son calme pour que tout le monde se comprenne, il en va de notre responsabilité d’adulte.

L’ARGENT MAIS PAS SEULEMENT POUR MOTIVER SON ÉQUIPE

Christelle Caron

L‘argent est important, bien payer les spa praticiennes, c’est le nerf de la guerre. Mais il n’y a pas que l’argent. Le bien-être est extrêmement important. J’ai eu Galya Ortega comme directrice de spa, elle avait allégé mon planning car elle voulait que je puisse me ressourcer, je n’ai vu ça dans aucun autre spa dans lesquels j’ai travaillé. Quand vous avez un directeur de spa qui a conscience de l’énergie de son équipe, ça fait la différence. Il faut vendre, rentabiliser, mettre en place des primes sur objectif, des jeux, c’est la carotte. Mais au bout d’un moment, si la motivation de l’humain n’est pas bonne, ce n’est pas la peine, la spa praticienne va arrêter d’avancer. Alors l’argent c’est une chose, mais le bien-être est essentiel.
Certains spas offrent des formations et motivent leur équipe en faisant des week-ends aventure, des week-ends massage… Que vous soyez un petit ou un gros spa, si vous voulez prendre soin de votre clientèle, vous devez savoir prendre soin de vos équipes. Car si vous ne prenez pas soin de vos équipes, effectivement, le turn-over va être important. On parle de notre métier autour de la bienveillance. Je discute avec de nombreux spa managers, spa praticiens. Certains établissements mettent vraiment en avant leur équipe, les épaulent, les valorisent, les forment, leur apportent le nécessaire à une évolution de leur être et de leur métier, ils les considèrent comme des êtres humains, et non pas comme un simple numéro qui aide à la rentabilité de l’établissement. Ces personnes ont en fait réellement compris comment le management de l’humain, notamment en France, est à prendre avec une forte valeur ajoutée.

L’ÉVOLUTION DES FINANCEMENTS

Il y a une législation en vigueur sur la nomenclature des formations : Qualiopi. Si les écoles et centres de formations n’ont pas Qualiopi, ils ne peuvent pas vous faire bénéficier, dans le cadre de vos formations professionnelles, des financements d’État, FAFCEA, AGEFICE, OPCO, etc. C’est une charte qualité administrative, ce n’est en rien une charte de qualité professionnelle.
Sur les financements, cela évolue tous les ans. En 2022, le montant FAFCEA est de 400 € pour 2 jours de formation de 16h.
Au niveau des OPCO, qui est le financement des formations des salariés d’entreprise ou chefs d’entreprise, salariés de leur entreprise, jusqu’au 31 mars 2021, nous avions un financement à hauteur de 40 € de l’heure, qui est descendu à 25 € et en octobre 2021, il n’y avait plus de budget. Cela signifie que si vous n’aviez pas fait vos demandes de prise en charge avant juillet 2021, vous n’auriez pas eu d’aide au financement à la formation. En 2022, le montant est de 25 € de l’heure en présentiel avec un budget max par entreprise de moins de 3 salariés de 1050 € HT. Vous pouvez retrouver ces informations utiles sur les sites Internet respectifs des financeurs.
Il faut construire votre projet de formation en fin d’année et contacter vos centres de formation à partir de décembre/janvier pour demander vos financements de formation au moment où vous demandez vos contrats et devis en formation. De cette façon, vous êtes certain d’avoir vos budgets. Il faut en prendre votre parti, si vous ne financez pas vos formations pour la rentabilité de vos entreprises, vous ne pourrez pas évoluer. Les financements d’aide public aux formations professionnelles, c’est de l’aide, ils ne sont pas là pour vous payer intégralement les formations. Quand vous regardez votre taux de cotisation, notamment pour les personnes qui cotisent via le FAFCEA, même si ce n’est pas le FAFCEA qui finance vos formations, le taux doit être de 0,003 % sur vos cotisations de charges URSSAF. Vous avez entre 200 et 250 € l’année de cotisation pour vos formations professionnelles. Si on reprend les critères de base, au 1er janvier, vous avez le droit à 1250 € d’aide au financement de formation, 50 heures en présentiel à hauteur de 25 € de l’heure. Si votre centre de formations vous dit qu’il facture les formations professionnelles 900 à 1500 € parce que cela les vaut et que c’est une personne experte qui les dispense, et que le FAFCEA derrière vous donne que 400 €, c’est toujours ça de gagné.
L’opération « Mallette du dirigeant » est suspendue en 2022 pour les ressortants d’AGEFICE, c’est-à dire les dirigeants d’entreprises et/ou leurs conjoints collaborateurs ou associés. L’impact de la crise sanitaire a engendré de nombreux reports de versement à la Contribution à la Formation Professionnelle (CFP) avec pour conséquence une sévère diminution de ressource financière de l’AGEFICE. Dans le même temps, des modifications d’affiliation des dirigeants sont en cours au niveau de l’URSSAF (récolteur des fonds à la formation professionnelle) et complexifient considérablement l’identification des publics concernés par l’aide AGEFICE, ce qui implique également une remise en question complète des priorités de financement des formations.

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