Par Jean-Philippe Nuel, Architecte

Il y a déjà plus d’un an, depuis le développement de la Covid-19 en pandémie, qu’une panoplie de décisions urgentes ont été prises pour contenir, combattre et vaincre l’effet dévastateur du virus. Résultats : confinement, couvre-feu, restriction des voyages – et plus récemment, fermeture des frontières en Europe – quarantaine obligatoire fréquente lors de déplacements internationaux.

Aux États-Unis, New York s’est assoupie. Le dynamisme de la mégalopole américaine, point de rencontre mondial du monde des affaires, de l’art, de la diplomatie et du tourisme, s’est effondré. Les plus chanceux vivent depuis un an à la campagne ou en Floride et les touristes sont logiquement absents.
Plus de 67 millions de visiteurs étaient attendus à New York en 2020. Seuls 23 millions sont venus, une chute vertigineuse de 66 %. L’impact pour l’hôtellerie est spectaculaire. «Un nettoyage complet» titrait le New York Times en septembre 2020. Des hôtels iconiques ont définitivement fermé leurs portes. Des milliers de personnes ont perdu leur emploi. Pour retrouver les chiffres de 2019, nous devrons patienter jusqu’en 2024, estime l’agence de tourisme new yorkaise NYC & Company.
L’hospitalité est une des grandes victimes collatérales et économiques de la Covid-19. Cette baisse de la clientèle s’affirmera au-delà même des conséquences économiques de la situation sanitaire. Les entreprises ont par ailleurs compris qu’elles pouvaient se développer avec moins de déplacements. Elles peuvent transformer beaucoup de rendez-vous qui nécessitent un voyage par une réunion virtuelle en ligne. Les touristes se sentent davantage concernés aujourd’hui par l’impact environnemental des séjours lointains de courte durée. Si le tourisme ne devait pas diminuer, la prise en compte des bilans carbone du transport aérien risque d’en dissuader plus d’un à l’avenir de faire un aller-retour Paris-New York juste pour un week-end. La lutte contre le risque climatique devrait avoir raison à terme de ce tourisme lointain et court.

Seule alternative à cette crise, réinventer, dynamiser et repositionner toute l’industrie hôtelière, en proposant moins de chambres mais davantage de surfaces dédiées à des activités hors hébergement : détente (sport/spa), restauration (restaurants et boutiques), travail (réunion/co-working) et accueil des familles (services appropriés à un séjour familial). Le développement et la création de ces activités se feront en synergie avec le quartier ou la ville de localisation de l’établissement.
L’hôtel deviendra ainsi un espace de vie multi-usages, traditionnels et nouveaux, et pourra proposer des synergies entre tous les éléments de son offre.

LE NOUVEL AGENCEMENT DES HÔTELS

Un nouvel agencement des espaces permettra à l’hôtel d’offrir :

• Des lieux de travail différents d’un bureau à domicile ou d’une salle de réunion dans une tour d’affaires. L’objectif est de créer un environnement propice à la rencontre, à la créativité, à l’isolement et/ou à la présentation. Ces pièces de travail peuvent être réservées à la location ponctuelle. Certaines – des tables connectées dans un couloir ouvert sur un jardin de verdure par exemple – pourraient même être mises à la disposition gracieuse des clients ou sous forme d’abonnement pour les personnes vivant dans le quartier de l’hôtel. Afin d’optimiser le rendement de ces espaces, les salles de réunion pourront même se transformer en club-enfants le week-end, animé par des professionnels pour s’intégrer dans une offre staycation.

• Des services de divertissement plus diversifiés pour accueillir une clientèle de jour, de week-end et les vacanciers de proximité. On y retrouvera bien sûr des espaces de sports, de natation, de yoga, de méditation, des équipements connectés (vélos et tapis de course) et la possibilité de prendre des cours collectifs ou individuels. L’hôtel proposera une liste presqu’infinie de possibilités pour se retrouver entre amis ou s’aérer : une salle de projection privée, un cours de cuisine, faire du vélo et découvrir la ville autrement, une exposition artistique ou des rencontres avec un auteur local. On pourra enfin trouver des commerces originaux en correspondance avec les besoins des clients et des habitants alentour. L’hôtel pourra ainsi créer davantage de vie dans l’établissement et diversifier son attractivité, comme c’est déjà le cas d’une boulangerie dans l’Hôtel à Barcelone ou le Grand Hyatt à Mexico City.

• Des chambres plus personnalisées aussi, plus grandes peut-être, avec un espace plus fonctionnel pour réchauffer et préparer un repas, un bureau plus discret, un mobilier et un décor plus maison et malléable qu’avant. L’objectif est de répondre davantage à la demande des familles et de reconquérir la clientèle séduite par les plateformes communautaires de location telles qu’Airbnb.

• Le premier étage pourrait être relié par un escalier lumineux avec une circulation plus large, éclairée en lumière du jour pour offrir une fonction hybride : des suites composées de chambres famille et des mini-salles de réunion. Le salon de la suite (équipé d’un canapé convertible, d’une table et d’une micro-kitchenette) peut se métamorphoser et devenir soit un espace à vivre pour une famille connectée à une ou deux chambre(s), soit une petite salle de réunion pour 6 à 8 personnes.

Surtout, créer des produits pour chacun :

• Les clients locaux trouveront avec le sport, la natation, du cinéma, des commerces, de la restauration et des espaces de travail, toute une série de produits à consommer ponctuellement ou sous la forme d’abonnements. Rien ne les empêchera de choisir aussi l’hôtel pour une escapade locale, une staycation.

• Les voyageurs rechercheront d’abord un logement dans un cadre différent, proche de celui d’une maison ou d’un appartement mais trouveront au sein de l’hôtel un accès aux services de divertissement, de rencontres professionnelles et de vente qui constitueront un avantage certain sur la location d’un appartement à un particulier.

Ces deux clientèles se croiseront sans cesse. Les sources de revenu de l’hôtel se diversifieront d’autant plus. L’hôtel ne sera plus seulement un lieu pour dormir, travailler, faire un peu de sport, se restaurer et assister à une conférence, mais pourra ainsi devenir une destination personnelle, un club, au cœur de la ville, habitée des locaux et reflet de son environnement. Cette hôtellerie qui s’annonce ne rompt totalement pas avec celle du passé. La Covid-19 accélère juste sa transformation.

A lire également