Pourquoi ce n’est pas le moment d’abandonner !

Par Florence KOWALSKI, Spaboosting, Yog’nVibes.

L’année qui vient de s’écouler a été particulièrement difficile pour la grande famille des spa praticiennes. Et pourtant, en dépit de l’actualité, il y a de vraies raisons d’espérer un renouveau pour la profession dans les prochains mois.

Depuis plusieurs années déjà, choisir de travailler en spa comme praticienne en massage bien-être, c’était s’assurer une certaine sécurité de l’emploi. Sur un marché en forte demande de soins et de bien-être, et dans un secteur où le turn-over est fort en raison de la pénibilité du travail notamment, les candidates pouvaient se montrer exigeantes et avaient souvent le luxe du choix. Pour certaines, le seul fait de devoir travailler « avec une marque qu’elles n’aiment pas » justifiait un refus de poste. De plus, nombreuses sont celles qui refusaient (et qui, pour certaines d’entre elles, refusent encore…) de travailler les samedis toute la journée, même si c’est a priori le jour où les clients sont les plus disponibles…

À l’approche des saisons, à la mer en été ou dans les stations de ski en hiver, il n’était pas rare que certains postes ne soient pas pourvus toute la saison, tandis qu’en parallèle certains postes étaient pourvus avec des praticiennes recrutées « par défaut », insuffisamment qualifiées ou dont la rigueur laissait parfois à désirer, juste parce que ces postes étaient à pourvoir et que personne d’autre ne se présentait.

Quant à recruter des free-lances de qualité pour pallier les pics de fréquentation, c’était régulièrement mission impossible. Les clientèles de chalets ou de villas de prestige déjà équipés d’un spa et d’une cabine de soins mais sans praticienne salariée en permanence étaient très demandeuses en direct de professionnelles indépendantes.
Dans ce contexte, fidéliser les équipes était relativement compliqué sauf politique salariale ou conditions d’hébergement (pour les postes en saison) exceptionnelles.

LES SPA PRATICIENNES S’INTERROGENT

Néanmoins, la situation sanitaire que nous connaissons depuis plus d’un an a changé les règles du jeu. Moins sollicitées en raison de la baisse du nombre de postes ouverts et de la baisse d’activité en général, pas sûres de faire un métier de bien-être « indispensable » dans la société actuelle depuis que leur activité a été qualifiée de « non essentielle », pas toujours éligible aux mesures d’aide économique pour les aider à « passer le cap », de nombreuses praticiennes se posent des questions sur le sens de ce métier et leur souhait (ou non) de continuer.

POUR LES SAISONNIÈRES : UN ÉTÉ EN DEMI-TEINTE ET UN HIVER DÉSESPÉRÉMENT « BLANC »…

Dans le monde du spa, de nombreuses spa praticiennes commencent leur carrière en spa saisonnier, en bord de mer l’été ou à la montagne l’hiver. Le rythme est souvent très intense car la saison ne dure que quelques mois, voire quelques semaines, et demande aux équipes d’être rapidement opérationnelles. Les formations de marque sont parfois dispensées de façon « accélérée » et l’investissement personnel demandé pour prendre le poste en mains en peu de temps est important. En contrepartie, ces premières expériences sont très bénéfiques. Elles permettent ensuite à ces jeunes filles d’intégrer un établissement ouvert à l’année ou de continuer à enchaîner les saisons, selon un rythme saison hiver/fin de saison hiver, et candidatures pour la saison d’été/quelques semaines de vacances (ou pas) en intersaison/saison été/fin de saison été, et candidatures pour la saison hiver/quelques semaines de vacances/saison hiver, et ainsi de suite. Il n’existe pas de chiffre officiel permettant de mesurer la proportion de spa praticiennes saisonnières régulières par rapport au reste de la profession mais nous savons que ce pourcentage est important.

Un terrible traumatisme

Pour cette population, la saison hiver 2019-2020 a été relativement « violente » puisque le samedi 14 mars 2020 au soir, elles ont reçu un SMS de leur directeur d’établissement leur annonçant que l’hôtel fermait le lendemain à midi, qu’elles devaient, comme tous les autres salariés, vider leur appartement, préparer leurs inventaires de fin de saison et ranger l’ensemble du spa sous 24 à 48h. Un moment forcément difficile à vivre humainement car l’environnement saisonnier est propice à la création de liens et certaines spa praticiennes, même parmi les habituées de la saison, parlent de ce qu’elles ont perçu comme « presque un traumatisme »…

Puis se sont installées de longues semaines d’attente sans pouvoir voyager et sans savoir ce qui se passerait l’été. Les incertitudes sur l’évolution du virus n’ayant pas permis aux hôtels de bord de mer de se projeter, certains postes n’ont pas été ouverts par prudence, certains ont été ouverts très tardivement et pour de plus courtes périodes. De plus, le turn-over sur ces postes, habituellement assez fort (peu de spa praticiennes reviennent une année sur l’autre là où elles étaient en poste) a, cet été, été plus faible, beaucoup de praticiennes ayant préféré sécuriser leur poste existant plutôt que de partir à la découverte de nouveaux horizons. Ainsi, de nombreuses praticiennes, notamment parmi les plus jeunes dans la profession, n’ont pas travaillé cet été. Deuxième coup dur.

Puis, il y a eu la rentrée et les recrutements encourageants pour l’hiver pour finalement apprendre que les remontées mécaniques n’ouvriraient ni fin novembre, ni avant les vacances de Noël, ni début janvier, ni pour les vacances de février… Troisième coup dur.
Aujourd’hui, certaines praticiennes n’ont pas travaillé depuis un an. Pour certaines n’ayant pas été mises en chômage partiel, la fin de droits au chômage rend leur situation financière compliquée. Le calme de l’activité ne leur permet pas toujours de rebondir en faisant du free-lance « en attendant ». Mais surtout, moralement, beaucoup doutent d’un possible retour à une situation normale a minima, c’est-à-dire une situation où elles auront de nouveau le droit de faire une saison complète et la plus insouciante possible…

POUR LES SALARIÉES EN SPA URBAIN : ENNUI, CHÔMAGE PARTIEL…

Pour les praticiennes de bien-être en poste dans des spas urbains, le malaise est tout autre. Souvent en CDI ou CDD, elles ont certes eu la chance de bénéficier du chômage partiel lors des deux périodes de confinement et d’être ainsi relativement sécurisées. Après une reprise sur l’été et la rentrée 2020 que beaucoup qualifient de plutôt bonne, le deuxième confinement, avec la fermeture des saunas, hammams et piscines, leur a porté un coup fatal. La seule réouverture des cabines de soins n’a pas suffi à faire revenir la clientèle qui préfère demander une prolongation de ses bons cadeaux pour pouvoir venir bénéficier de l’espace bien-être dans sa totalité. Compréhensible certes mais compliqué à gérer car pendant que les rendez-vous se reportent sans cesse dans l’espoir d’une ouverture complète, les équipes sont de nouveau, pour un grand nombre d’entre elles, remises au chômage partiel. Les managers essaient de les faire tourner autant que possible pour éviter que ne s’installe une inertie qui sera forcément fatale lors de la reprise. Mais même quand elles sont en poste, nombreuses sont celles qui reconnaissent s’ennuyer ou tourner en rond. Les formations sont à jour, les révisions de soins également, le peu de monde en soin allège le travail en réception…

La mauvaise humeur des clients

Et quand elles vont (enfin !) en soin, certaines d’entre elles font face à des clients parfois aigris par la situation qui déversent sans scrupule leur mal-être, voire leurs craintes ou leur colère sur la personne qui les prend en charge. L’une d’elles raconte : « Chez nous, le masque est obligatoire, les clients peuvent ne pas le mettre en massage lorsqu’ils sont sur le ventre avec la tête dans le trou facial. Lorsqu’ils se retournent, nous leur demandons de le remettre car même si nous ne massons plus le visage à proprement parler, nous voulons continuer à travailler les tempes et le cuir chevelu car cela apporte beaucoup de détente surtout en ce moment. Bien sûr, nous l’annonçons au client en entrée de cabine sachant que l’information est systématiquement donnée par téléphone lors de la prise de rendez-vous. Il y a quelques semaines, lors de son installation, une cliente m’a dit de façon offensée « Mais j’ai besoin de détente et comment voulez-vous que je me détende avec le masque sur le visage ? ». Je me suis permis de lui répondre « Mais Madame, pour ma part je masse toute la journée non-stop avec le masque et je m’adapte… ». Et la cliente m’a répondu « Oui mais c’est votre travail ! »… Je n’ai même pas su quoi répondre… ». Une autre spa praticienne explique qu’une cliente l’a appelée un matin pour un rendez-vous « urgent » (une épilation !) pour le soir même. Une partie de l’équipe étant au chômage partiel, les disponibilités de dernière minute sont plus rares. Elle a donc proposé un rendez-vous à sa cliente pour le lendemain soir. Ce à quoi la cliente lui a répondu « Je ne comprends pas, vous me dîtes qu’une partie de l’équipe est sans travail et quand on veut vous faire travailler, il n’y a pas de dispo… ».

Les clients aigris déversent sans scrupule leur mal-être

DES SOINS GÂCHÉS

En cette période inédite, nous sommes tous confrontés à ce que j’appelle des « failles » personnelles, des doutes, des craintes, des peurs… dont nous ignorions parfois l’existence dans notre vie d’avant, emportés par notre quotidien « tourbillonnant »… Aujourd’hui, et après un an de privations et de restrictions, la vie ne tourbillonne plus et toutes ces failles ont eu le temps de remonter et de « passer » de l’inconscient au conscient. Elles se traduisent par des réactions parfois inhabituelles chez des personnes que nous pensions au contraire bien connaître. De nombreuses professions en contact avec le public vivent cela mais dans le monde du spa, le phénomène est amplifié car les clients viennent chez nous chercher du bien-être et ont parfois des attentes très fortes par rapport à ce moment pour eux que la simple contrariété du port du masque ou d’un créneau indisponible viennent « gâcher » (dans leur esprit en tout cas…).
Malheureusement, les spa praticiennes sont souvent jeunes, elles-mêmes déjà soumises aux contraintes du confinement et pas forcément en mesure de gérer de tels états d’âme. De quoi, pour bon nombre d’entre elles, se poser des questions sur la pertinence de leur choix professionnel et peut-être la nécessité d’en changer.

POURQUOI CE N’EST SURTOUT PAS LE MOMENT DE RENDRE SA BLOUSE DE SPA PRATICIENNE…

Même si à l’heure où je rédige ces lignes, l’avenir peut sembler encore sombre, il y a au contraire fort à parier que de belles perspectives attendent les praticiennes de bien-être, à condition de s’adapter à la situation et à la demande.
La progression de la vaccination devrait, dans les prochaines semaines, alléger la pression sur l’occupation des lits hospitaliers, principale cause à l’origine des restrictions d’activités diverses et de circulation en France et depuis/vers l’étranger.
Les premières expériences semblent montrer que la stratégie fonctionne à l’étranger et le calendrier des vaccinations en France laisse penser que nous pourrions avoir un été « presque » normal, avec une « vraie » demande de vacances, de « vraies » envies de partir et de profiter de soi. Les saisons été seront certainement plus courtes (beaucoup commencent normalement en avril, ce qui ne sera peut-être pas le cas partout cette année), mais dès que ces restrictions commenceront à être levées, les hôteliers accélèreront les recrutements car ils savent que les clients auront besoin, plus que jamais, de ces prestations en bien-être. Donc rien que pour cette échéance calendaire, ne prenez pas de décision trop hâtive si ce métier est vraiment votre passion !

Dès que ce sera possible, plus que jamais, les clients auront besoin de bien-être

PROFITEZ-EN POUR VOUS PERFECTIONNER

Il y a une autre raison de ne pas abandonner ce métier pour, au contraire, l’enrichir en fonction de vos centres d’intérêt : nous savons désormais que le coût « psychologique » du Covid sera élevé, comme brièvement évoqué plus haut. Pour les spas, c’est le moment de jouer la carte du « vrai » bien-être holistique, c’est-à-dire le bien-être physique, mental et émotionnel avec une offre plus globale qui donnera envie au client de revenir parce qu’il s’y sentira bien et y trouvera un précieux mieux-être. Et pour les spa praticiennes, c’est le moment ou jamais d’ajouter des compétences à votre champ d’activité : soins énergétiques, yoga, Pilates, hypnose, tai-chi… Vous avez toutes des passions révélées ou non, qui vous animent et qui vous ont amenées dans ce métier du mieux-être de l’autre.

N’ayez plus peur de vous y confronter, mettez à profit ce temps disponible pour vous former ou simplement réfléchir à ce que vous avez envie de faire, posez-vous des objectifs et mettez une date de début en face. Je crois de moins en moins au métier de spa praticienne, voire de spa manager, sans une envie profonde de faire du bien aux autres, de quelque façon que ce soit, car ça reste le moteur de ces métiers. Et c’est pour vous l’opportunité de vous réinventer, de diversifier votre activité, d’atténuer un peu la pénibilité objective du massage pour mieux vous y retrouver personnellement… Alors, gardez bien votre blouse de spa praticienne à portée de main car je suis certaine qu’elle vous resservira très rapidement. Et je suis sûre que vous aurez un immense plaisir à la revêtir à nouveau !

#onnelacherien

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