Par Siska von SAXENBURG, co-Fondatrice de Profession Bien-Être, Auteur de l’ABC du Spa,
et Sam MARGULIES, Spa designer.

On n’y pense pas toujours mais le vrai secret des spas qui vendent, c’est non seulement leur personnel, mais surtout la façon dont ils ont été agencés. Est-ce que le client a envie d’acheter des produits qu’il ne voit pas, qu’il ne touche pas ou qu’il voit mais qu’il ne peut pas toucher parce qu’ils sont dans une vitrine ?

Siska von Saxenburg

Profession Bien-Être est un site d’informations quotidiennes, animé par des experts venus du monde entier. Tous les matins à 7 h, nous vous donnons les dernières actualités du secteur. Sam Margulies est expert pour toutes les questions de design et d’installations. Il connaît très bien le sujet car il a installé 167 spas dans le monde, en Russie, en Amérique, en Asie, en Inde, en Chine, en Ukraine, en Nouvelle-Zélande. Sa spécialité, ce sont les spas qui rapportent de l’argent !

Sam Margulies

Le design d’un spa vous permet de générer des revenus ou de vous faire tomber. Ça veut dire que vous aurez beau avoir le plus beau spa du monde, si personne ne le sait et si vous ne le gérez pas comme il faut, si vous ne faites pas de ventes, vous ne tiendrez pas deux ans.

L’INVESTISSEMENT DANS UN SPA

Quand on construit un spa, ça coûte de l’argent. Alors, en général, on fait appel à toutes sortes de professionnels pour savoir combien cela va coûter. Le « combien cela va coûter » se calcule sur le prix de la construction au mètre carré. Tout le monde le sait dès le départ. Par contre, ce que l’on connaît moins, c’est le revenu potentiel au mètre carré. C’est le plus gros problème que nous ayons dans notre profession.
Il faut que vous sachiez, dès le départ, quel sera votre revenu potentiel, sinon, vous ne saurez pas si vous investissez votre argent correctement ou si vous êtes voué à la faillite depuis le départ.

Dès le départ, vous devez connaître votre revenu potentiel au mètre carré

Trois investissements

– Il y a la recherche des produits. Vous dépensez quelques milliers d’Euros jusqu’à ce que vous ayez les bons produits dont vous allez vous servir et que vous allez vendre.
– Pour les équipements, vous allez investir quelques dizaines de milliers d’Euros.
– Mais là où vous allez devoir investir le plus, c’est dans la structure, la construction de votre spa. Là, vous allez investir des centaines de milliers, voire des millions d’Euros.
Parmi ces trois investissements, pour lesquels il faut être sûr de ne pas se tromper, il y a la structure parce que c’est ce qui coûte le plus cher ! Un équipement coûte cher, mais si vous vous trompez, vous pouvez le changer. La structure, une fois qu’elle est construite, c’est trop tard !

LA CIRCULATION DANS UN SPA

Dans un spa existant, il faut commencer par redéfinir le principe de trafic naturel, de la circulation organique.
Qu’est-ce que c’est ? C’est la manière de circuler des clients entre le moment où ils entrent et le moment où ils ressortent. C’est la manière de circuler des thérapeutes pour aller d’une salle à une autre, pour aller chercher la cliente dans la salle de relaxation…
Si une cliente, en peignoir, avec un turban sur la tête, pas maquillée, se sent mal à l’aise parce qu’on la fait passer d’un bout à l’autre du corridor, oubliez-la, elle ne reviendra jamais.
Si votre esthéticienne est obligée de faire des kilomètres tous les jours pour aller d’une cabine à une autre, elle ne restera pas.
Il faut analyser le trafic, la circulation des clients, la circulation par rapport aux soins, la circulation opérationnelle, la gestion des trafics.

Exemples de mauvaise circulation

On m’a contacté il y a quelques années, pour un grand spa dans un hôtel à Seattle, aux États-Unis, sur la côte Ouest, et on m’a demandé d’analyser les plans sur 2 500 m2.
J’ai calculé qu’entre le staff et les clients, il pouvait y avoir jusqu’à 230 à 250 personnes dans la structure en même temps à 65 % ou 70 % d’utilisation. Et il n’y avait que quatre toilettes ! Quatre toilettes pour 250 personnes !
Le vestiaire des hommes était tout au fond du spa, ils étaient obligés de passer devant la salle de relaxation des dames !
Comme quoi, si on veut créer une expérience relaxante, agréable, où les clients viennent et ont envie de revenir, il faut penser à tout cela, cela fait partie de la circulation organique dans un spa. Les plans de ce spa avaient été conçus par une firme d’architecture, qui ne connaissait rien du tout au spa.
Autre exemple de ce qu’il ne faut pas faire : un spa de 1 300 m2 avec la réception et comme boutique une petite armoire. Si vous voulez vraiment faire de la vente au détail, il faudrait peut-être avoir plus que deux petits produits qui se battent en duel au fond de la réception. Ça ne marche pas. Dans l’entrée principale, il y avait un escalier qui menait au premier étage avec une porte de sortie séparée, ce qui fait que les clients ne passaient pas par la réception pour payer et bien entendu n’achetaient aucun produit dans la boutique !

Exemple de mauvaise gestion du linge sale

Siska von Saxenburg

Il est bien connu que le linge sale ne doit pas se voir dans un spa. Le client ne doit en avoir aucune idée. C’est comme au théâtre, tout est en apparence, on ne doit rien voir de la réalité du linge sale.

Sam Margulies

Dans ce spa, non seulement on voyait le linge sale passer mais, en plus, cela ajoutait de la circulation dans les corridors réservés aux clients. J’ai donc placé la chute du linge sale juste au-dessus de la laverie et j’ai supprimé la sortie à l’étage. Les clients devaient donc alors passer par la boutique et par la réception check out.

LES REVENUS DANS UN SPA

Il y a deux types d’espaces dans un spa : les espaces qui génèrent des revenus directs et les espaces qui génèrent des revenus indirects, mais tous les espaces doivent générer des revenus.
Oubliez les espaces qui ne génèrent pas du tout de revenus !

La vente de produits

Si la spa praticienne fait bien son travail dans la cabine de soins, elle générera un revenu supplémentaire dans la boutique. Je vous donne un exemple : une spa praticienne vient de faire une vente exceptionnelle dans sa cabine, sa cliente va aller à la réception pour payer et éventuellement prendre un prochain rendez-vous. Si à côté du desk de la réception, il y a un produit d’achat impulsif, un rouge à lèvres par exemple, cela engendrera des ventes supplémentaires. Comme quoi, même si la spa praticienne a bien fait son travail en amont dans la cabine de soins, il y aura encore des ventes à générer dans la boutique à la réception. Il ne faut rien négliger. Certes, un lip gloss de trois euros va vous laisser 57 centimes dans la poche mais si c’est quarante fois par jour, pendant 365 jours, ça finit par faire de l’argent !

Siska von Saxenburg

Je voudrais faire une petite disgression par rapport à la vente directe. J’ai emmené des Français à Hong-Kong, pour découvrir des grands spas. Pierre Moatti, qui était directeur commercial de Carita et Decléor, faisait partie du groupe. C’est un fou de spa et il a fait un soin au Mandarin Oriental. Il est ressorti de son soin avec un paquet à la main. Je n’ai pas imaginé une seconde que lui, qui vivait au milieu des cosmétiques, ait pu s’acheter des produits.
Et pourtant, oui, il avait fait un soin génial et quand il est allé payer, il y avait un plateau sur lequel étaient les produits qui avaient servi à faire son soin. Il avait vécu un tel moment qu’il les a tous achetés pour pouvoir s’en souvenir à la maison. Voila quelqu’un qui a tout les produits qu’il veut et qui en a quand même achetés.

Sam Margulies

Un soin prend une heure en moyenne, tandis que la vente de produits peut prendre 30 secondes ou cinq minutes. Sur une vente de produits, si vous la gérez comme il faut, vous pouvez faire en moyenne une marge de l’ordre de 42 % !
Les ventes au détail devraient représenter environ 30 % minimum de tous vos revenus pour que ce soit équilibré. Donc, 42 % nets pour les ventes de produits et 27 % nets pour 70 % des revenus.
Ça veut dire que sur une marge nettement inférieure, vous devez passer du temps et payer du personnel, et sur une marge nettement plus élevée, c’est beaucoup plus rapide et ça vous coûte beaucoup moins cher. Donc, avez-vous un intérêt effectif à vendre des produits au détail ou pas ? Pour moi la réponse est claire !
Produits de détail, merchandising, valeurs perçues, c’est le plus important ! Quand vous allez chez Tati, les plus gros produits sont en bas, les plus petits sont en haut. Il y a environ 50 produits sur 30 cm2. Plus on met de produits, plus il y en aura qui pourront être achetés ! Dans ce cas, la valeur des produits ne doit pas dépasser 10 au 12 Euros, parce que, quand on entasse les produits, la valeur perçue ne peut pas dépasser 10 à 12 Euros. Chez Cartier, vous avez une vitrine qui fait 4 mètres de long, et il n’y a que deux produits ! Ce sont des produits exclusifs. Vous ne les trouverez nulle part ailleurs. La valeur perçue de chaque produit représente des milliers d’Euros. Où voulez-vous être entre Tati et Cartier ?
Si dans votre boutique, vous entassez les produits pour en mettre le plus possible, la valeur perçue va être basse. Le même produit entassé aura une valeur perçue de 10 Euros. Ce même produit, si vous lui donnez un peu plus d’espace et que vous ne mettez que quatre à six produits, la valeur peut immédiatement monter à 40, 60, 80 ou 120 €.

Plus il y a de produits mis en avant et plus la valeur perçue est basse

Le triple V

Le triple V, visibilité, voix, vérification, de quoi parle-t-t’on ? C’est très simple :
– Visibilité : quand vous vendez un produit, vous allez dire à votre cliente : « Écoutez, ce produit est extraordinaire, regardez-moi je n’ai plus de rides ». Vous avez bien mis en évidence le produit, votre cliente en a envie, elle l’achète.
– Voix : vous avez dit que c’était fantastique, plus de rides grâce à ce produit.
– Vérification : si votre cliente essaye le produit à la maison et qu’au bout de trois semaines elle a toujours des rides, elle ne remettra jamais les pieds dans votre institut, vous lui avez menti. Le triple V est essentiel si vous voulez que vos clients reviennent et achètent, il faut absolument y penser.

Qu’est-ce que vous avez comme support ?

Vous avez le packaging des produits pour lequel les marques investissent des milliers d’Euros dans sa mise en place, pour son design, sa couleur, son odeur, le feeling. Si vous essayez dans votre cabine de vendre une crème et que vous ne proposez pas à votre cliente de voir le packaging, ses couleurs, de la sentir, de la toucher, vous ne la vendrez pas ! Si vous faites tout ça, votre cliente l’achètera ! Les esthéticiennes ne sont pas des vendeuses, ce sont des thérapeutes de la peau. On ne vous demande pas de vendre, mais de faire acheter par votre client !
Vous avez d’autres supports, ceux que la marque vous donne, et que la plupart du temps vous mettez dans un placard : les logos, les posters, les brochures et tout le matériel de marketing.

La spécificité de l’espace

Que faire avec tout ce matériel de marketing ?

Vous avez différents espaces, chacun d’eux a un niveau de marketabilité, ça veut dire que la cabine de soins ou la boutique ont le plus haut niveau de marketabilité. La salle de relaxation a le plus bas. Entre les deux, chaque espace a un niveau de marketabilité, de support de ventes et c’est à vous de définir quel est le niveau de marketabilité que vous désirez et de vous servir des supports existants pour faire de la vente.
Je vous donne un exemple, pour certaines esthéticiennes, la salle de relaxation signifie pas de vente, pas de pression, rien du tout. Elles ont tout faux car, dans la salle de relaxation, le simple fait d’avoir la bonne couleur peut faire monter le niveau de marketabilité et de support que donne l’espace de relaxation. Bien entendu, il faut coupler les supports avec les cinq sens, l’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat et le goût.

La conception du design est l’art et la science d’un spa rentable. Aujourd’hui, nous avons surtout parlé des produits, de la perception, de tout ce qui fait qu’on peut améliorer la vente. Prochainement, nous vous parlerons de la structure d’un spa et de son design.