Par Florence KOWALSKI, SpaBoosting, Yogn’Vibes.

Vous avez mené un recrutement dans les règles de l’art, avec une annonce correctement rédigée, publiée sur les bons supports, des entretiens de recrutement structurés a minima, vous avez fait votre contrôle de référence. Votre candidat(e) a accepté le poste avec beaucoup d’intérêt… pour finalement vous dire qu’il/elle ne donnait pas suite…

Le sujet du recrutement en spa est de plus en plus compliqué. Nous sommes tous d’accord pour dire que trouver des spa praticiennes fiables, ponctuelles, investies, allant au bout de leur mission… n’est pas chose simple ! Et c’est vrai qu’on peut parfois s’arracher les cheveux. Mais peut-être oublions nous parfois d’aborder lors de la phase de recrutement certains sujets pourtant décisifs, soit par inadvertance, soit parce que ce sont des sujets sur lesquels en tant que spa manager nous n’avons pas de latitude suffisante vis-à-vis de notre direction, soit parce que selon notre éducation, nous n’avons pas encore positionné ce point/cette info à sa juste place dans notre process de recrutement… Je vous propose un focus sur les trois sujets qui, s’ils ne sont pas abordés, peuvent faire échouer votre recrutement.

SUJET N°1 – LES MODALITÉS ET L’ORGANISATION DES CONGÉS

Ces fameux « jours off » dont tout le monde nous parle… L’ancienne école (dont j’ai fait partie au début de ma carrière…) dirait que non, ce genre de sujet ne s’aborde pas en entretien parce que quand on cherche un travail, on doit montrer qu’on est motivé, que ce qui nous intéresse, c’est la nature du travail, le type de prestations… Certains recruteurs ont parfois encore tendance à se dire que la candidate qui pose la question du nombre et de la fréquence des jours de congé n’est pas la personne qu’il leur faut car elle ne s’intéresse pas à ce qui fait l’enjeu du poste. Ils évacuent rapidement ce CV… et à mon sens prennent le risque de passer auprès d’une véritable pépite.

Avant, on « était » son travail

Pourquoi ? Parce qu’au-delà du fait que les congés sont un droit inscrit dans le Code du Travail, on sait désormais « qu’on ne vit pas pour travailler, on travaille pour vivre ». C’est avec la génération qui a eu 20 ans dans les années 90 que s’est affirmée cette certitude. Avant, le travail était l’activité principale, la vie personnelle tournait autour de ça, on « était » sa position sociale, on « était » ce qu’on gagnait. Il était courant que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper des enfants pour que les hommes puissent pleinement se consacrer à leur travail. Bref, travailler beaucoup était un signe extérieur de réussite personnelle et professionnelle. Évidemment, la « jeune génération », celle qui a entre 20 ans et 25 ans aujourd’hui en spa pensera que j’évoque ainsi le « temps des dinosaures » mais ce n’est pas si vieux puisque chez certains recruteurs on entend encore certaines phrases, certaines questions, qui relèvent de cette période. Et c’est là qu’est le problème…

Les jours de congé doivent être respectés scrupuleusement

Le repos physique

En effet, force est de constater qu’au-delà de l’évolution des mentalités, on sait que le repos, physique mais également mental, est indispensable au bon fonctionnement du corps humain. Sur le plan physique, il permet au corps de stopper des sollicitations mécaniques répétitives pendant quelques heures. Cet arrêt est un premier bénéfice mais si en plus la collaboratrice met ce temps à profit pour faire des activités qui solliciteront ses muscles de façon complémentaire en faisant, par exemple, des activités avec étirements (yoga, stretching, footing avec étirements doux de fin de séance…), ce repos revêt un deuxième bénéfice puisque les muscles en profitent pour « récupérer ».

Le repos mental

Le métier des spa praticiennes consiste à satisfaire des demandes de clients qui comptent sur elles pour leur faire vivre un moment « hors du temps ». Parfois, ils arrivent avec leur mauvaise humeur et leurs énergies négatives. C’est rester enfermée dans 9/10m² parfois 4 heures d’affilée avec quelques minutes de pause entre les soins, juste le temps de refaire une cabine. C’est, comme en cuisine : terminer une grosse journée par un ménage de fond en comble en allant bien souvent au-delà des horaires prévus. C’est accueillir et traiter chaque client avec le sourire toute la journée. Et après 3 ou 4 mois de saison, même pour la plus motivée des praticiennes, cela peut peser sur le mental.

C’est le métier qui est comme ça !

Alors bien sûr, cela fait partie du métier, ce sont des contraintes avec lesquelles on ne peut pas négocier. Mais c’est aussi pour toutes ces raisons que les jours de congé doivent être respectés de la façon la plus scrupuleuse possible. C’est un engagement que le management prend envers ses collaborateurs et qui, à mon sens, doit être respecté aussi loyalement que celui de la spa thérapeute d’être à l’heure pour commencer le matin et de réaliser des soins de qualité.

Pourquoi rappeler ces évidences ?

Justement parce que ce ne sont pas des évidences. Si c’en était, nous n’aurions pas encore des managers d’hôtels qui suppriment ou déplacent des jours off en dernière minute au prétexte qu’on est en saison, que le client est roi, qu’il faut « prendre tout ce qu’on peut quand on peut ». En soi, j’adore cette phrase. Je suis chef d’entreprise, et si un prospect me sollicite je reviendrai vers lui dans les plus brefs délais sauf que c’est MON entreprise, et que ça concerne MON emploi du temps. Je n’envisagerais pas un instant de faire cela avec les personnes avec lesquelles je travaille. Elles font bien leur travail dans l’emploi du temps qui est le leur. Oui, quand nos praticiennes en poste sont au complet et qu’on a des demandes supplémentaires, bien sûr que dans l’absolu on aimerait pouvoir appeler une spa thérapeute en congé en lui demandant si ça ne la dérange pas de rester… Mais c’est prendre un risque de démotivation, de blessure, de mauvaise ambiance…

Concrètement, que fait-on ?

Déjà, on fait un planning a minima à la saison, pour que vos collaborateurs sachent quels seront les jours de congé afin qu’ils puissent s’organiser sur des choses aussi élémentaires, par exemple, que des rendez-vous médicaux ou des événements familiaux. Dans un spa urbain, il est normalement assez simple de caler des jours de congé fixes également, sachant que les deux jours consécutifs présentent un vrai bénéfice en termes de récupération (et je me réjouis de voir que cette pratique commence à faire des émules même en spas saisonniers ! ).

Quid du samedi et/ou dimanche ?

Sur les postes en saison, la notion de week-end n’a pas vraiment de sens, ni d’importance car tout le monde vit au même rythme, avec des ouvertures 7 jours sur 7 dans la quasi-totalité des établissements. En spa urbain, c’est différent car vos thérapeutes ont forcément tout ou partie de leurs familles ou amis qui auront un travail aux horaires plus conventionnels, avec des jours travaillés de lundi à vendredi. L’idéal est de faire un calendrier spécifique des plannings pour attribuer un dimanche par mois à chaque thérapeute, de bien la prévenir en avance pour lui permettre de s’organiser… et de ne surtout pas lui supprimer ce dimanche en dernière minute sous prétexte qu’il vous manque quelqu’un. Sur le court terme, vous encaisseriez peut-être le chiffre d’affaires de quelques heures de soins supplémentaires mais sur le moyen terme, vous risquez de perdre en motivation des équipes avec un véritable effet « boule de neige ».

SUJET N°2 – LA RÉMUNÉRATION : SALAIRE ET AVANTAGES

Quand je dois recruter pour mon équipe ou pour quelqu’un d’autre, je ne commence pas sans connaître parfaitement les conditions du poste pour avoir tous les éléments en main. Et pour être honnête, notamment sur des postes saisonniers, ce sont des informations que je donne en général en premier. Les salaires ont longtemps été très bas en spa, inversement proportionnels à la pénibilité du travail. Il suffit de suivre les forums professionnels sur les réseaux sociaux pour se rendre compte que ce rapport déséquilibré salaire/pénibilité est l’une des premières causes de changement de métier ou, a minima, de « fuite » de l’univers du spa.

Les trois sujets à aborder impérativement en entretien de recrutement

Revaloriser les salaires n’est plus une option

Dans le contexte annuel de pénurie, revaloriser les salaires n’est plus une option. Les établissements pour qui le spa présente de vrais enjeux financiers ou dirigés par des spa managers capables d’influer sur le montant des salaires ont déjà acté ce point et rendu plus attractifs leurs postes. Ceux qui, par contre, sont dirigés et « verrouillés » par des professionnels de l’hébergement et de la restauration sans aucune connaissance des métiers du spa, et qui continuent de proposer « après effort » des salaires de 1900 € / 1950 € bruts pour des postes de spa manager, ont pour la plupart passé l’hiver sans personne à ce poste… Étonnant non ?

Proposer 1950 € brut à une spa manager est une utopie !

Concrètement que fait-on ?

Aborder le niveau du salaire de façon claire, en précisant bien le brut et le nombre d’heures reste donc un élément clé de l’entretien. Toute incompréhension ou explication insuffisante sur ce point conduirait directement à ces « désistements » de dernière minute, au moment de la découverte du contrat de travail (donc de la vraie dernière minute bien compliquée à gérer sur le terrain…).

Le logement et les repas

Si le poste est logé, précisez bien si c’est à titre gratuit ou si une somme sera retirée de la paie chaque mois, même si cette somme est symbolique. Idem pour la prise en charge des repas en précisant également si les repas sont également inclus sur les jours off. Encore une fois, ce n’est pas tant la somme qui importe que le fait de ne pas le découvrir à réception du premier bulletin de paie.

Les rémunérations complémentaires

Enfin, si certaines rémunérations complémentaires (pourcentages sur les ventes, sur les soins) sont également prévues, pensez à bien expliquer les modalités de paiement : fin de contrat, fin de mois, fin de mois + 30 jours… Cela vous évitera de fastidieuses discussions avec vos équipes à l’arrivée du premier bulletin de salaire. Et surtout cela montrera l’importance que vous accordez à ce sujet et, de fait, la considération pour vos équipes (parce que si vous vous êtes intéressé à ce point en amont, c’est que cela compte pour vous…).

SUJET N°3 – LA MARQUE ET LES PROTOCOLES DE SOINS

Si le métier de spa praticienne peut sembler être à l’identique partout, à savoir prodiguer des soins, remettre les lieux en état chaque fois que nécessaire, assurer la prise de rendez-vous… selon plus ou moins de polyvalence, il y a un aspect du métier qui revêt désormais de plus en plus d’importance dans la décision d’accepter ou non un poste et sur lequel vous ne devez pas faire l’impasse lors de l’entretien de recrutement : les marques de soins et les éventuels protocoles de soins. La diversité des marques de cosmétiques sur le marché d’une part, et l’apparition de valeurs fortes autour du bio et de la clean beauty d’autre part, fait qu’aujourd’hui la marque avec laquelle on travaille est un critère non négociable pour de plus en plus de spa praticiennes. Nombre d’entre elles ne veulent plus travailler avec des marques qu’elles considèrent comme efficaces mais pas assez naturelles. En d’autres termes, les équipes ont besoin d’être à l’aise avec les principes actifs, la philosophie et la vision de la marque, pour utiliser ses produits.

La marque de soins est devenue un vrai critère pour les spa praticiennes

Pour les spas, si vos spa thérapeutes n’apprécient pas la marque, il sera compliqué de proposer les produits à la vente. Par contre, compte tenu de la pénurie de collaboratrices spa à ce jour, cela signifie qu’il faut vraiment réussir à convaincre les meilleurs éléments du bien-fondé du choix de votre marque pour leur donner envie de travailler avec vous. Passer ce point sous silence en se disant que ça n’a pas d’impact sur la décision d’accepter un poste ou pas serait, à mon sens, une véritable erreur.

Parlez des protocoles, maintenant !

Une autre erreur serait également de ne pas aborder la question des protocoles de soins dès cette étape. En effet, certaines spa praticiennes aiment recevoir des formations complètes avec des protocoles de soins précis à dérouler de façon stricte. À l’opposé, certaines, en général les plus expérimentées, ont déjà engrangé un certain nombre de formations lors d’expériences passées et ont besoin de pouvoir dérouler leurs propres protocoles, certes dans le respect de la demande clients mais sans avoir à se préoccuper des instructions de la marque. Je constate de plus en plus que cette « soif » de prendre de la liberté par rapport à des protocoles trop chartés s’affirme de plus en plus et, pour cette raison, ce point doit être abordé de façon pro-active lors de l’entretien d’embauche.

Concrètement que fait-on ?

Dans la présentation que vous ferez de la marque, soyez vendeur : expliquez pourquoi cette marque a été choisie, pourquoi elle est conforme à l’ADN de l’hôtel, du spa, quels sont ses bénéfices, pourquoi vos clients l’apprécient… C’est ce discours de vente qui « donnera le ton » de votre vision de la marque et de l’idée que vos futures recrues s’en feront au moment de travailler avec. Et elles auront tous les éléments pour décider d’accepter ou non votre proposition en connaissance de cause.

Soyez clair !

La démarche doit être la même pour les soins protocolés. Soyez bien clair sur ce que la marque attend des soins et sur la latitude offerte dans les soins. Si une praticienne, qui a l’habitude d’être autonome, doit, du jour au lendemain, « ingurgiter » cinq protocoles de massages de 50 minutes, elle risque de perdre une bonne dose de motivation à masser, et d’amour de son métier. Que vous ne puissiez pas négocier sur ce point en raison de vos engagements avec votre marque de soins, cela s’entend.

Par contre, il est essentiel que vos futures collaboratrices aient également cette information. Comme pour la marque, c’est aussi bien pour vous que pour les praticiennes car, l’un comme l’autre, vous n’y trouveriez pas votre compte. Par contre, encore une fois, en abordant ces points dès l’entretien de recrutement, vous gagnerez, de part et d’autre, un temps très précieux !

A lire également