Par Galya ORTEGA.

« Aider les enfants à prendre soin d’eux dans le respect de la nature », c’est l’engagement de Katell Perrot, fondatrice de TooFruit, la marque de cosmétiques bio pour enfants, très diffusée en spas.

TOUT COMMENÇA DANS LA NATURE

Katell Perrot

Katell Perrot

Katell Perrot a ce goût spontané de la nature depuis son enfance. Il lui est venu de sa Bretagne natale et de la fréquentation de ses grands-parents qui habitaient au milieu de la campagne. Très libre, elle passait son temps avec les animaux et, dans les jardins, elle plantait des légumes, jouait avec les vaches. Le respect de la terre s’est ancré naturellement en elle. Par la suite, elle a fait des études et a débuté sa vie professionnelle mais, quand elle a voulu faire de la cosmétique bio, il y a dix ans, c’était presque un frein socialement, alors que, pour elle, c’était juste l’expression de ses racines.

MARKETING ET GRANDS GROUPES

Côté études, elle a fait une école de commerce, dont elle est sortie en 1996. Pour ne pas peser financièrement sur ses parents, elle s’est présentée chez Andersen Consulting, un gros cabinet conseil américain. Au bout de six mois, elle comprend qu’elle s’est trompée. Entretemps, son mari a repris l’entreprise paternelle, une société de transit import-export. C’était une PME mais, malgré tout, il fallait créer un bureau à Hong Kong. Elle suit son mari en Asie. Elle a son premier enfant.

L’ÉVIDENCE DE LA BEAUTÉ

Cette parenthèse lui offre le temps de la réflexion. L’évidence s’est imposée : elle voulait travailler dans la beauté. Depuis l’enfance, elle était passionnée par les crèmes et les soins, et avait un véritable intérêt pour les formules cosmétiques. Elle comparait, étudiait. Elle prit alors la décision de s’investir dans cette voie. Le groupe L’Oréal à Hong Kong recherchait du personnel et les Françaises étaient plus facilement embauchées. La voilà donc chef de produit pour Lancôme en 2000, à 27 ans. Cinq ans plus tard, de retour en France, elle a rejoint L’Oréal France. Mais l’ambiance n’était pas la même ! La petite famille est restée deux ans en France, puis elle est repartie à Hong Kong. Entretemps, Katell avait eu deux autres enfants. La voilà embauchée par le groupe Richemont (qui détient entre autre Cartier et Piaget), elle fut directrice du marketing de Piaget pour la zone Asie. C’était un autre univers avec un vrai développement du retail. À son arrivée, il y avait 25 boutiques, deux ans plus tard il y en avait 40. Ceci lui a permis de bien comprendre quels étaient les codes de cette cible de consommateurs, comment construire et développer. Au bout de deux ans, il a fallu rentrer en France, elle a été recrutée par le groupe L’Oréal qui lançait Keraskin Esthetics. N’ayant toujours vendu que des cosmétiques, ils n’avaient aucune compétence sur la galénique pour la peau. Katell Perrot avait appris tout cela en Asie ainsi que le développement d’une marque de luxe. Ce fut une spirale de succès, jusqu’en 2010.

LE SPA, L’OUVERTURE À LA BIENVEILLANCE

Voilà le parcours d’une femme avec de vraies valeurs, intuitive, courageuse, et surtout à l’écoute de l’évolution du marché de la beauté et du bien-être. Elle avait assumé de gros postes dans la cosmétique et le luxe, elle connaissait bien l’univers de l’institut. Mais lorsqu’elle a découvert l’univers du spa qui arrivait sur le marché et commençait vraiment à se développer en 2010, elle a pris conscience de certaines choses et a commencé à s’orienter différemment : « Je suis restée dans cet univers du spa et du bien-être car j’ai rencontré des interlocuteurs, spa managers, spa praticiennes qui sont plutôt dans la convivialité, le respect et avec une vraie gentillesse. Il y a une vérité dans cet univers qu’on ne voit pas ailleurs. Cela a été une révélation. Je me suis dit que j’avais enfin trouvé quelque chose où je me sentais bien. Je pouvais enfin avoir des relations transparentes et constructives et avancer professionnellement ».

Il y a une vérité dans l’univers du spa qu’on ne voit pas ailleurs

L’INTUITION DES COSMÉTIQUES POUR ENFANTS

Le développement de projets et d’une carrière est constitué de réflexions, de choix, de rencontres, d’opportunités qu’il faut savoir saisir, de chances aussi. Mais surtout, on a souvent ces petits signes intérieurs, ces intuitions qu’il faut écouter. Katell, à travers cette sensation intérieure, a retrouvé ses racines de Bretonne en contact avec la nature et progressivement sa nouvelle voie s’est ouverte : « J’avais eu cette intuition que dans l’univers du bien-être, on allait pouvoir s’occuper des enfants. L’offre en cosmétique n’existait pas. Il y avait des shampooings, des dentifrices. Mais rien de plus. Sachant que moi j’avais trois enfants qui avaient entre huit et dix ans, cela a été le point de départ. Je me suis projetée et pensant à mes enfants, je me suis dit : je veux leur donner de bonnes habitudes de soin avec des formulations très respectueuses de la peau des enfants qui est plus sèche que celle des adultes, et attentive à l’environnement. C’est tout simple : j’avais une page blanche devant moi. J’ai décidé de formuler en bio ce qui est lié à ce que j’ai vécu dans mon enfance. J’ai créé la première offre dédiée aux enfants. J’ai travaillé sur le projet TooFruit à partir de 2011-2012, et nous l’avons commercialisé à partir de 2014 ».

Katelle Perrot, priorité au bien-être des enfants

POURQUOI DES SOINS SPÉCIFIQUES ENFANTS ?

Katell explique sa démarche de création : « Avec mon associé Stéphane Lafond, le point de départ était la volonté d’avoir un côté scientifique solide. Nous avons réalisé avec l’équipe de dermatologie de Besançon la première étude scientifique sur la peau des enfants. Cette étape a duré 18 mois. La peau des enfants est beaucoup plus sèche et se dessèche plus vite que celle des adultes. Tant que l’enfant est un bébé, sa peau est protégée par le vernis de la naissance mais le film hydrolipidique devient de plus en plus mince jusqu’à l’adolescence où il y a un apport de sébum. Lorsqu’on regarde une peau d’enfant, elle est belle, si bien qu’on aurait tendance à penser qu’ils ont une jolie peau, mais elle est très sèche. La preuve, c’est que les enfants ont des dartres. Ceci est l’assise scientifique sur quoi repose notre crème principale à l’époque qui est la « Crème Gourmande ». Ce qu’on voulait également, c’est que ce ne soit pas une corvée pour les enfants d’aller dans la salle de bains, qu’ils prennent du plaisir. Nous avons cherché et nous sommes arrivés sur les fruits. En plus, cela nous permettait de travailler avec des eaux de fruits et d’apporter un côté ultra-sensoriel à la fois dans le toucher et dans les parfums ».

LE CHOIX DE LA DISTRIBUTION EN SPA ET INSTITUT

« J’ai fait le choix de la commercialisation en instituts et spas parce que lorsque j’ai travaillé pour Keraskin, je me suis rendu compte que les esthéticiennes étaient vraiment des expertes de la peau, elles la connaissent concrètement, elles la touchent et savent que la peau d’un enfant est différente de celle d’un adulte. Nous avons développé des soins cabine de 30 minutes, un soin corps, « Mon soin relax » et un soin visage, « Ma douce frimousse ». La formation explique comment adapter le toucher, les manœuvres à l’enfant. »

LE DÉVELOPPEMENT DE LA MARQUE

Progressivement, tout se mit en place. La date de mise sur le marché des produits se fit en 2013. Katell ne manquait pas d’idées et d’expérience : « Pour la commercialisation, je connaissais l’Asie. Je suis allée au Japon dans une chaîne qui s’appelait « Organic Market » qui est comparable à « Mademoiselle Bio » en France, et nous avons cherché à nous développer dans les spas. Nous n’avions que sept références en lancement. Ce qui nous a lancés, c’est le partenariat avec le Club Med, ce sont eux qui sont venus nous voir. Leur clientèle étrangère avait une demande de soins pour les enfants.

Ce qui nous a lancés, c’est le partenariat avec le Club Med

LES RAISONS DU SUCCÈS

L’un des succès de la marque est que les esthéticiennes osaient présenter nos produits car le positionnement prix est accessible. Les enfants adorent nos formules et la revente est facile car l’esthéticienne ne s’adresse pas à la cliente pour elle-même mais pour un cadeau pour les enfants. On pouvait dédramatiser la vente. Après deux ans de tests, nous sommes devenus partenaires référencés par le Club Med. Année après année, les résultats ont progressé, la marque était très appréciée. Ce fut un beau succès commercial et une victoire côté univers de marque. C’est par ce succès-là que nous avons pu faire notre chemin en esthétique et aussi parce que nous avons participé à tous les Congrès Esthétique & Spa organisés par Les Nouvelles Esthétiques depuis 2015. Nous avions notre place.
Je pense qu’actuellement TooFruit est la marque de référence pour les soins enfants. En plus, on est bio. Nous sommes dans de très beaux spas en France et à l’international : After The Rain, le Molitor à Paris, le Four Seasons à Genève, la Thalasso de Saint-Malo, plus environ cinquante hôtels et spas 4 ou 5 étoiles. La marque est présente dans une dizaine de pays asiatiques ainsi qu’en Europe. La Corée est notre premier marché à l’export. Ils sont très pointus en cosmétique et leurs galéniques sont exceptionnelles. Pour moi c’est très valorisant qu’ils nous apprécient ».

Katelle Perrot, priorité au bien-être des enfants

LA TOOFRUIT ACADÉMIE ET LES ATELIERS

Au-delà des produits et des soins, la marque propose des ateliers : « Nous en avons un qui s’appelle duo-bien-être-parents-enfants. On y apprend à prendre du recul sur la vie avec des techniques d’acupression simples pour se détendre, ou détendre les parents par des mini-massages. Le bien-être doit être une habitude au quotidien. Et une marque de cosmétique peut y participer en donnant des petites choses afin qu’on fasse plus attention pas seulement à la terre, mais aux enfants et au quotidien.
Nous organisons les TooFruit Académie depuis 2014 avec le Club Med, ce sont des ateliers qui regroupent de 6 à 10 enfants, inspirés de « C’est pas sorcier ». Ce sont des ateliers ludiques et éducatifs pour apprendre de façon, par exemple, à utiliser moins d’eau, ou éviter le savon pour laver son visage. C’est l’esprit de TooFruit aussi de donner de bonnes habitudes de respect et de protection de la nature. Dans les spas comme au Molitor, les ateliers se déroulent le mercredi, c’est l’occasion d’avoir une activité différente pour les enfants et cela crée du trafic vers le spa. Au Club Med, ces ateliers ont lieu une fois par semaine. À la place du Kid Club, les parents viennent les chercher dans le spa. Certains parents découvrent le spa, c’est une mécanique qui fonctionne bien !

LE BIEN-ÊTRE FAIT SON VIRAGE GRÂCE AU COVID

Jusqu’à il y a deux ans, beaucoup de gens pensaient que la cosmétique bio c’était des formules pas du tout sensorielles qui ne sentaient pas bon, et qu’avec le bio, on ne pouvait pas se faire plaisir. Je pense qu’actuellement la cosmétique bio n’est même plus un avantage car d’ici cinq ou dix ans ce sera un prérequis, toutes les formules seront bio ! Il faut comprendre que nous devons travailler la peau différemment. La cosmétique conventionnelle n’est plus de mise. Le consommateur va évoluer très vite vers cette idée qu’il faut formuler avec ce que la nature propose et pas avec des synthèses du pétrole. Selon moi, l’année 2020 a fait se retourner le marché. Je ne comprends pas pourquoi les marques pour enfants ne sont pas systématiquement formulées en bio, ce que les parents cherchent, c’est la sécurité !

Dans cinq ou dix ans, ce sera un prérequis, toutes les formules seront bio

LE MENTORING BÉNÉVOLE

Lorsqu’on va bien, on a envie d’aider les jeunes pousses. Je suis bénévole dans l’Association Réseau Entreprendre dans les Hauts de Seine. Je suis spécialisée dans l’accompagnement des jeunes qui lancent leur entreprise. C’est du mentoring, c’est très chronophage mais j’aime beaucoup. C’est compliqué de lancer son entreprise mais si on est bien accompagné, on peut gagner du temps et de l’efficacité. Moi, je me spécialise dans les petites structures parce qu’avec TooFruit, je suis encore une petite marque et je suis encore assez proche d’eux. Ils peuvent me poser des questions toutes simples qu’on ne poserait pas lorsqu’on est en face d’une grosse société existant depuis longtemps. Je partage avec eux ce que j’ai appris pour leur permettre de gagner du temps.

LA MAÎTRISE DE L’ANGLAIS : ESSENTIELLE !

Ce qui m’étonne avec tous ces jeunes qu’on voit arriver sur le marché, c’est à quel point il n’y a pas de maîtrise de l’anglais. Je ne comprends pas… Il y a trop de jeunes pour qui, à 25 ans, parler anglais est un problème. On ne peut même pas imaginer être sur le marché du travail avec un aspect d’exportation étant uniquement francophone ! Lorsque nous participons au Cosmoprof Hong Kong, nous le constatons, on ne peut pas trouver toutes les petites marques qui se sont lancées depuis deux ans à l’export parce que les dirigeants n’osent pas parler en anglais… C’est une opportunité pour les autres ».

Katelle Perrot, priorité au bien-être des enfants

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