Le Slow Made

Le luxe du temps a bien été compris par l’industrie du luxe, justement, via le « Slow Made » ou fait main et artisanat de grande qualité prennent un temps incompréhensible (et sont parfois synonymes de rareté ou d’exclusivité). De nouvelles offres ont fleuri autour du temps : à l’Anticafé (3 lieux parisiens), chacun paye au temps passé et non selon ses consommations (boissons et collations sont à disposition) ! Jeep a implémenté une fonction « To Get Lost » sur ses GPS, affirmant que perdre du temps, c’est regagner un bout de sa liberté.
Que pourrait signifier le « Slow Made » dans les spas et thalassothérapies ? Pourrait-on inventer des slow massages qui valoriseraient les dons de certains praticiens, sur des rituels spécifiques ? Qui liquifierait toute notion de temps et d’espace pour le client ? Qui créerait un flow inédit dans lequel praticien et receveur seraient en symbiose ? Deep Nature a habilement travaillé en ce sens, via son modelage « Immersion » lancé fin 2015.

LA SLOW ECONOMY

Le slow, c’est aussi la Slow Economy via le local, devenu mode de réassurance sur les plans de la traçabilité, du sain, du soutien aux artisans et aux producteurs. Le mouvement manger local (et son terme inventé « locavore »), né à San Francisco en 2005, s’est lui aussi mondialement répandu dans les pays vivant dans l’abondance et aux citoyens en quête de sens. Slow Food a accru sa visibilité depuis lors. La redécouverte du temps des saisons, d’une autre forme de production et de consommation a été mise en avant. Les Amap sont sorties de leur confidentialité et ont inspiré de jeunes entrepreneurs comme La Ruche qui dit oui. « Enrich not Exploit », les citoyens attendant plus de biodiversité de la part des entreprises, impliquant un changement de paradigme en matière de fabrication, d’approvisionnement éthique et local. Selon le dernier Baromètre de Biodiversité 2017 de l’UEBT (Union for Ethical Bio Trade)
79 % des personnes interrogées pensent que les entreprises ont une obligation morale d’assurer un impact positif sur la biodiversité – en sourcing et dans le respect des personnes (échantillonnage France, Allemagne, UK, USA, Brésil issu de 16 000 consommateurs interrogés dans le monde).
Toute la chaîne de valeur doit être revue afin de travailler davantage en économie circulaire. Les Spas Six Senses et le centre de thalassothérapie de Carnac (1er centre certifié bio) ont été des fers de lance du domaine. L’Association Spa-A a mis en place un formidable programme accompagnant les spas pour les aider à acquérir une gestion écologique et vertueuse, génératrice de baisse de coûts et de contentement pour tous (les investissements de départ peuvent être amortis en moins de 3 ans).

LA SLOW COSMÉTIQUE

En cosmétique, la revendication du local s’est aussi imposée. La marque américaine Tata Harper a par exemple contribué à faire monter le bio vers un statut plus « noble », en tout cas plus glamour (avec ses produits made in Vermont), tout comme la tendance des produits et ingrédients issus de la ferme (Farm Cosmetics – Farm to Spa et Farm to table, cf. Farmhouse Fresh Goods). L’association Slow Cosmétique a vu le jour en 2012 en Belgique. Elle milite pour une cosmétique plus censée, avec des formules propres et un marketing sain et raisonnable.

Le slow massage pour valoriser les dons de certains praticiens

Il serait opportun de capitaliser sur ces principes en instituant des rituels allongés de « slow beauty », de former davantage les consommateurs au respect du cycle de renouvellement cellulaire de la peau (i.e, 28 jours), de laisser régulièrement sa peau respirer la nuit sans n’y apposer aucune crème, etc. Assez révolutionnaire et à contre-courant des nombreux produits cosmétiques pour la nuit, certes. Tout est question d’usage, de respect et de modération.

Le futur du mouvement slow

Pour conclure, le mouvement slow présente le bénéfice de rappeler aux hommes qu’ils n’existent pas que dans le faire, l’agir, mais aussi dans l’être et la présence au monde. Prendre son temps, contempler, s’isoler, se recentrer, méditer sont devenus des moments indispensables car salvateurs pour contre-balancer la pression subie et redonner du sens à sa vie. Ainsi que connecter avec la joie : « Il ne peut y avoir de joie profonde dans l’agitation » (Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et écrivain, « La puissance de la joie « ). Une élocution qui participe à la « sobriété heureuse » décrite par le sage Pierre Rabhi depuis de nombreuses années.
Pour que les industries du spa et de la thalassothérapie continuent à être des pourvoyeurs de Slow Moment & Slow Vacation, elles ont à considérer ce besoin de décélération à tous les niveaux. En participant à éduquer leurs clients aux bénéfices de s’octroyer des pauses quotidiennes –sans culpabiliser- via des rituels, des programmes et un coaching ad-hoc. En instituant des programmes allégés où les temps de vide ont une place. Et surtout en considérant son personnel dans une politique RSE, en lui accordant des vrais temps de formations et de cadencement de travail (temps entre les massages, nombre de soins par jour, accueil, etc.), pour éviter que les stress induits ne rejaillissent directement sur leurs clients.

Pascale Brousse, Trend Sourcing.
E-mail : pbrousse@trendsourcing.com

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