Paroles d’experts : le soin spa

Par Galya ORTEGA.

Quelles différences entre un soin institut et un soin spa ?
Comment se préserver en tant que masseur ? Qu’est-ce qu’un bon soin ?
Comment conjuguer soin sur-mesure et protocole de marques ?
Des experts répondent à nos questions et partagent leur point de vue.

Christelle Caron

Christelle Caron

CHRISTELLE CARON

Esthéticienne passionnée, spécialiste de traitements japonais, masseuse experte, praticienne indépendante dans des spas de palaces en Normandie, formatrice, et curieuse de découvrir un peu plus son métier chaque jour.

Vous avez un passé d’esthéticienne, sur quoi repose la différence entre un soin en institut et un soin dans un spa ?

Pour moi, entre un institut traditionnel et un spa 5*, il n’y a aucune différence. Un client, peu importe son budget, a le droit au même traitement et au même respect, comme il doit respecter le/la professionnel/le qui s’occupe de son soin. On met beaucoup de paraître auprès d’une clientèle de palace, ce qui peut se comprendre. Mais je ne donne pas plus de respect à une clientèle riche et luxueuse, que celle qui a recours aux instituts traditionnels. D’ailleurs, beaucoup de clients de spa de luxe vont en instituts traditionnels. Je respecte ma clientèle, peu importe d’où elle vient et de ce qu’elle gagne.

Comment gérez-vous votre énergie en cas de fatigue dans un spa ?

J’ai la chance d’être à mon compte, en partenariat auprès de grands groupes hôteliers de luxe. Dès que je me sens fatiguée ou épuisée, je prend quelques jours de off et vais me ressourcer à la mer. Je prends soin de moi, je vais chez l’esthéticienne ou le coiffeur. J’écoute beaucoup de musique relaxante et médite « à ma façon ». Je mange différemment lorsque je ne travaille pas. Je bois beaucoup surtout quand il fait chaud. Et je dors autant que je peux.

Entre un institut traditionnel et un spa 5*, il n’y a aucune différence

En institut, l’esthéticienne s’appuie beaucoup sur les marques et les produits. En est-il de même dans un spa ?

Je ferai une réponse à la Normande, oui et non. Tous les spas ne travaillent pas avec les cosmétiques. Vive les spas thérapeutiques intégratifs. Je suis ravie de ne plus vendre de cosmétiques. Pour moi, ils ne sont pas tous indispensables. Si on souhaite une jolie peau, un beau teint, se préserver des actions négatives du soleil, des rides, il faut avoir une hygiène de vie et faire de vrais soins de qualité. Certes, le fait de travailler avec des marques cosmétiques permet d’avoir de la valeur ajoutée et également de la vente additionnelle aux soins. On ne chiffre pas de la même façon sa rentabilité.

Quelle est votre plus grande difficulté dans un spa et quelle est votre plus grande satisfaction ?

Ma plus grande difficulté au sein d’un spa est le fait de devoir jouer un rôle.
Je dirai que ce n’est pas une difficulté mais un leitmotiv quotidien, être toujours au top et satisfaire clientèle et partenaires professionnels. C’est une énergie exceptionnelle à déployer. Mais tellement gratifiant quand on réussit. Et tellement décevant quand le résultat escompté n’est pas au rendez-vous. L’idéal serait d’être acceptés comme nous sommes : homme, femme, mince, rond, etc. Aujourd’hui encore, le monde du spa est trop dans l’apparence.
Ma plus grande satisfaction est la joie de travailler dans une activité qui me passionne. J’aime les soins, le contact avec la clientèle et apporter tout ce que je peux en matière de bien-être et d’écoute auprès des clients qui me confient leur corps. J’apprends tous les jours de ceux que je côtoie à tenter d’être meilleure pour moi et mon entourage professionnel et personnel.

Anaïs Ortega

Anaïs Ortega

ANAÏS ORTEGA

Praticienne de soins depuis plus de 20 ans, créatrice de protocoles originaux corps et visage, formatrice, spa manager.

Vous avez une expérience multiple dans le spa : praticienne, formatrice et manager. À quelle place mettez-vous le soin ?

Je mets le soin au même niveau que le service. Ce qui compte, à mon sens, c’est l’expérience du client. Comment il va se sentir au moment du soin et après. Sans le service, le résultat de l’expérience sera moins probant, même avec un excellent massage.
Le soin du spa est une synthèse entre la technique (ou le protocole) + la prise en charge + le service. Le client vient pour un soin et va revenir pour la prise en charge et la qualité du soin. Bien sûr, ce qui attire le client lorsqu’il regarde la carte c’est le soin, et l’infrastructure (par exemple : y a-t-il une piscine ou un hammam ?). Puis, il va revenir pour le service et le soin si ceux-ci l’ont convaincu.

À quoi reconnaissez-vous un soin réussi ?

D’un point de vue technique, le retour du client est essentiel. Est ce qu’il a aimé, est ce qu’il a envie de le refaire, de le conseiller à son entourage ?
Il y a aussi la capacité de la praticienne à s’approprier le soin et à pouvoir le personnaliser pour son client afin de répondre à ses attentes. Le soin peut être magnifique sur le papier, mais si l’intention de la praticienne n’y est pas, que reste-t-il ? C’est donc la praticienne qui fera que le soin est réussi ou pas.

Un soin réussi ne se limite pas à ce qu’il se passe en cabine

Mais un soin fait partie d’une carte de soins : un soin réussi ce n’est pas seulement le soin reçu dans la cabine, c’est également la puissance de communication du soin, comment il est positionné dans le menu, comment la marque peut le mettre en relief. C’est tout un ensemble. Il y a des soins qui sont peu consommés mais qui sont emblématiques d’un spa et participent à sa notoriété. Un exemple : les soins signature. On observe que ces soins sont nécessaires car ils différencient un spa de la concurrence et renforcent son identité. Et pourtant ce ne sont pas forcément les soins les plus demandés par la clientèle !

Que pensez-vous du besoin de sur-mesure dans un soin de spa ? Comment se débrouille-t-on avec les protocoles des marques qui sont parfois très précis ?

Le « sur-mesure » est essentiel. L’être humain veut se sentir unique et, à juste titre, il est unique ! Le soin sur-mesure semble donc naturellement s’imposer.
Nous avons deux manières de répondre à cette demande : le total sur-mesure. À ce moment là, tout repose sur le/la praticien(ne), sur son expertises, son expérience, son écoute du client et sa réponse.
Et puis nous avons les protocoles marques personnalisables. Les protocoles sont des partitions, des chorégraphies, et c’est à la praticienne de les interpréter, de leur donner corps et vie. Elle va y mettre sa personnalité et son énergie, et elle va pouvoir insister sur une ou plusieurs techniques en particulier afin de répondre aux besoins. D’ailleurs de plus en plus de marques permettent cela : elles donnent une phase d’expression de la praticienne (afin de ne pas la réduire à une machine) et de personnalisation du soin.

Voyez-vous le soin en évolution d’ici quelques années dans le spa ?

À l’origine des spas, les praticiens qui venaient des écoles de massages étaient libres et maitrisaient souvent des connaissances énergétiques. Puis, il y a eu les esthéticiennes. Donc les protocoles étaient très fermés et contrôlés par les marques. Puis, nous sommes arrivés à une troisième étape où nous avons une alliance des deux : connaissance énergétique et respect d’un protocole. Actuellement, les esthéticiennes se tournent de plus en plus vers l’énergétique et sont à la recherche de marques ou de concepts qui vont dans ce sens-là.
À un moment donné, les responsables recherchaient des personnes polyvalentes. C’est moins le cas maintenant. La recherche va vers l’excellence. Le client étant lui-même plus cultivé et ayant plus d’expérience, il est demandeur d’un soin d’exception qui se différencie des autres. Et lorsqu’il en parle, ce n’est pas le protocole qui en est le sujet mais bien la praticienne. Encore aujourd’hui, j’entends beaucoup de clients en cabine qui se plaignent des praticiennes qui restent superficielles dans leur pratique. Il est donc urgent de répondre à la demande client et cela dépend des écoles, mais également des praticiennes !

David Rousvoal

David Rousvoal

DAVID ROUSVOAL

Massothérapeute, passionné par l’énergie dans les soins, praticien de soins dans des spas en thalasso, cabinet indépendant et palace en Normandie

Quel type d’énergie particulière demande un soin dans un spa ?

Celle du cœur. Avec les années, j’ai surtout senti que cela devenait naturel, puisque faire ce que j’aime m’ouvrait une dimension où tout est facile et se fait naturellement. C’est aussi l’atmosphère sereine du spa qui va ouvrir les sens du client.

Nous évoluons dans un lieu où tout a été pensé pour se ressourcer. Bien que nous ayons un timing à respecter, je veux que le temps se fige pour repousser sa contrainte et servir au mieux pour que le soin soit optimal. Je pense que chacun a ses petites astuces pour rendre les choses plus légères et agréables.

Quand je vois mes collègues, chacune met sa personnalité pour donner un moment d’exception. Le lien c’est le cœur. Sans cela, rien ne fonctionne pour moi. J’ai pu voir parfois que certains praticiens/nes souhaitent plaire ou répondre vraiment à la demande dans un souci d’être à la hauteur… c’est aussi une étape à dépasser, car plaire n’est pas le travail, mais donner avec son cœur, c’est cette énergie qui nous inspire pour accroître notre écoute et nourrir notre confiance en soi

En tant qu’homme, avez-vous une manière particulière d’aborder la clientèle des spas ?

J’utilise l’approche de la rondeur et la tonalité vocale. La bienveillance d’un homme est rassurante pour la clientèle féminine comme masculine. Parfois cela ne suffit pas, je le sais, nous ne pouvons aller à contre-courant des choix qu’ils font. Je suis les conseils de ma directrice pour passer plus de temps à l’accueil. C’est une première prise de contact qui peut tout changer. Aller au devant demande du tact, les hommes dans les spas seront toujours appréciés avec une qualité féminine : celle de rester ouverts, même si en face ça se ferme. Ce n’est pas notre histoire qui se joue lorsque nous sommes témoins d’une aversion des hommes, il y a souvent une raison qui leur est propre.
La qualité masculine qui peut être appréciée, c’est celle de protecteur. Alors là, c’est souvent une aura qui émane des hommes naturellement. Les femmes y sont sensibles, parce que nous prenons en charge leurs tensions pour les transformer avec une efficacité qui nous est propre. J’ai une personnalité qui au premier abord semble plus douce, alors qu’en fait, je suis terriblement accroché à ma puissance. Une fois, en fin de massage, une collègue m’a dit que j’en faisais trop et que je me fatiguais trop. J’ai considéré sa remarque comme bienveillante et j’y ai fait attention. Mais parfois, en tant qu’homme, nous ressentons que nous pouvons muscler un massage plus qu’un autre, car c’est souvent ce que l’on nous demande. C’est un cliché bien évidemment, beaucoup de praticiennes ont une sacrée poigne.
Mais cependant, le toucher d’un homme reste différent, ses mouvements aussi, même si le massage est plus doux, il y a un tigre qui ronronne sous le capot ! C’est une qualité que d’allier force et douceur et ça se perfectionne.

Quelles sont les caractéristiques fondamentales d’un soin dans un spa ?

Tout d’abord, présenter « l’écrin ». Chaque spa a son histoire, sa spécificité. C’est primordial de la raconter à son client sur le chemin. Votre client sera rassuré que vous aimiez pratiquer ici, c’est le lieu qui va porter votre soin. L’atmosphère sensorielle de sa cabine doit être impeccable, rien ne doit dépasser, le client est la perle qui va évoluer dans cette coquille aménagée pour son confort. Je ne suis pas un fan du cocooning et de l’ostentatoire, mais le confort c’est la base. Le thème du soin donne la direction que le client a choisie, c’est important de le détailler pour expliquer ses bienfaits. Il doit donc avoir une structure simple et solide dans un espace temps défini et suffisant pour ne pas laisser le client sur sa faim. Le praticien est l’acteur qui joue le rôle et instrumentalise le scénario. Chaque produit doit être magnifié et expliqué avec passion sans s’étaler, mais juste en donnant ENVIE (pour cela le praticien doit être en accord avec la marque).

La bienveillance d’un homme est rassurante aussi bien pour les hommes que pour les femmes

La technique c’est le cœur du savoir-faire : avant de commencer mon protocole, je me présente par mon toucher. De nombreux praticiens, qui entament la mécanique de leur protocole, m’effraient. Toucher est une barrière à franchir avec respect. On frappe avant d’entrer, non ? On n’est pas chez soi. C’est la qualité de ce simple acte de courtoisie qui va tout changer et tisser le lien sensoriel avec le client. Que ça soit un soin du visage ou un massage du corps, il faut poser ses mains avec bienveillance et conscience (ça prend 1 à 2 minutes). Et surtout, identifier les zones de tensions, sans cela, on peut raconter que le soin est personnalisé mais il ne l’est pas du tout. Votre toucher peut prendre toute sa dimension dans la technique, même si vous êtes assisté par une technologie. Il faut aussi surveiller les changements de température corporelle, car le métabolisme va changer durant le soin. Et toujours s’assurer au départ du soin de la température ambiante et de celle de la table de soin, et que la musique et la luminosité soient maîtrisées. Développer son empathie peut devenir une routine mais aussi un indicateur en veille permanente.

Que pensez-vous de la formation pour ce type de soin ?

Permanente. Un praticien expérimenté ou un spa manager doit veiller à tester chaque praticien/ne d’une équipe, pour homogénéiser la structure ou le squelette de chaque soin. Attention à ne pas être rigide, car chaque praticien va intégrer le soin avec sa personnalité et son énergie. Mais la base est la base. Former son équipe en continu assurera toujours une qualité irréprochable. Faire échanger l’équipe à recevoir les soins entre eux peut aussi enrichir chacun et veiller à son bien-être (le cordonnier doit être bien chaussé). Il y a aussi des formations très intéressantes pour la posturale du praticien et celle du client (je suis heureux de m’être inscrit à la formation de Deep Flow). S’économiser et se détendre, assurer une fluidité et une expertise qui se ressentiront. Pour perfectionner un soin dans une équipe, je pense que valider le soin du praticien ne suffit pas, je suis d’avis de le re-tester six mois après car rien n’est jamais acquis… tout peut évoluer encore.

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