Par Galya ORTEGA.

Le management dans un spa est un domaine très complexe car il implique en même temps un aspect opérationnel concret, une maîtrise des chiffres, un angle rentabilité dans l’univers compliqué du bien-être. L’aspect humain, émotionnel et ressources énergétiques vient ajouter une composante sans laquelle on ne peut réussir. Et, pour couronner le tout, s’ajoute la relation avec l’hôtel lorsque le spa en fait partie, ceci n’étant pas la moindre difficulté.

Rencontre avec Thalia Toussaint, Directrice du Spa Cinq Mondes Opéra, et Sophie Demaret, Directrice du Sense à l’Hôtel de Crillon.

SOPHIE DEMARET

Sophie Demaret

Sophie Demaret

Depuis 30 ans dans le domaine du Bien-être, au début en tant qu’esthéticienne, puis animatrice et formatrice pour des marques de cosmétiques, Sophie Demaret a été pionnière du spa en France en devenant la spa manager du 32 Montorgueil en 2001. Par la suite, en tant qu’indépendante, elle a conçu des protocoles de soins pour des marques implantées dans les spas, et fait de la formation à travers le monde.

Après une première expérience dans un spa hôtelier avec le spa du Trianon Palace et découvert cet univers, elle est partie ensuite quelques années au Maroc et à l’Ile Maurice, dans de prestigieux établissements. Elle est de retour en France, à Paris, depuis presque deux ans à l’Hôtel de Crillon.

Rompue au management multi-culturel, pour elle, la philosophie d’un spa doit s’inscrire dans la valorisation du savoir-faire et du savoir-être, dans la recherche commune de l’excellence, garantissant l’authenticité du patrimoine humain.

LA RECHERCHE DE L’EXCELLENCE

Pour manager un spa de ce niveau-là dans un des plus prestigieux palaces parisiens avec une marque de cosmétique qui n’est pas anodine, cela nécessite une approche particulière : c’est la recherche de l’excellence, le souci de la qualité, le sens du détail, l’éthique mais aussi la simplicité et l’adversité. Savoir-être et savoir-faire de l’ensemble de l’équipe et de nos partenaires cosmétiques, mais aussi de nos partenaires comme David Lucas, La Barbière de Paris et Devoirdecourt sublimeur de cuir, véritables artisans fondant les bases d’une culture commune d’un certain luxe, au cœur de ces instants particuliers offerts à notre clientèle.

Il est essentiel de vérifier que mon message est bien compris par l’équipe

Savoir être, c’est donner l’exemple, être attentionnée, offrir une réelle écoute, la bienveillance. Les standards sont là pour « encadrer et guider » d’une certaine façon. Se les approprier est essentiel… sans oublier l’empathie qui est une qualité nécessaire.
La clientèle Palace recherche un site privilégié, un service exclusif et sur-mesure, une offre unique. Il est essentiel de bien communiquer avec son équipe, de vérifier que le message soit bien compris.

Une marque inconnue

La marque choisie par l’Hôtel de Crillon est D’Évidence de Beauté, une très jolie marque française, rendant hommage aux femmes. Une marque innovante et inspirante de par ses produits et ses rituels de soins.
Je m’appuie et transmets la philosophie Rosewood, « Sense of place » qui est de valoriser le patrimoine local.
La conservation du patrimoine, la transmission se fait en mettant en avant notre histoire, notre raffinement, notre culture au travers de ses marques rares et précieuses.

L’Hôtel de Crillon

L’Hôtel de Crillon

Une journée de directrice de spa

Je n’ai pas de journée type. Néanmoins, le matin je contrôle les installations (je le refais dans la journée), je vais voir chaque membre de l’équipe, je communique après la réunion matinale les informations importantes mais aussi je les écoute. Je veux savoir comment ils vont. Je passe aussi du temps avec les clients. Je priorise mes mails, les traite, je vois ma « to do list ». Je suis très organisée. J’ai besoin d’avoir plusieurs dossiers à traiter, cela me stimule. Je m’occupe aussi des boutiques et de la location des vitrines de l’hôtel. Je ne m’ennuie pas. Une journée bien remplie mais stimulante !

Le rêve de Sophie Demaret

J’ai fait le tour de ce métier de directrice de spa, que ce soit à l’étranger ou en France.
Si je bouge ce sera pour un poste de corporate, j’allégerai certains standards qui ne sont pas nécessaires dans un spa et assez sclérosants pour les thérapeutes et les réceptionnistes et puis je me préparerai à l’inexorable évolution de ce marché du spa !

La formation idéale

Je ne pense pas qu’il y ait une formation idéale. Je dirais que, selon le cursus, il ne faut jamais cesser d’apprendre, rien n’est acquis, nous pouvons toujours nous améliorer. S’adapter, parler plusieurs langues serait déjà un bon atout, et aussi voyager, voir d’autres méthodes de travail, de management. L’expérience, bonne ou douloureuse, fait avancer quand on arrive à prendre le recul nécessaire. Et bien sûr, aimer son travail. Essentiel.

Écoute, diplomatie et savoir-faire sont les maîtres mots

Le spa du futur ?

J’imagine, comme dans certains films de science-fiction, des machines qui analyseraient notre stress, décoderaient nos manques, nos excès (ça existe déjà !), qui nous proposeraient des compléments alimentaires, des crèmes sur-mesure.
J’imagine des voyages sensoriels via des casques de sensorialité, des capteurs trouvant les senteurs et les sons qui nous inspirent et nous font nous sentir bien pour prolonger l’expérience à la maison. Le spa du futur sera chez soi.
Je crois aussi que nous reviendrons à une certaine authenticité dans les soins, dans les rapports humains, un lien social.

THALIA TOUSSAINT

Thalia Toussaint

Thalia Toussaint

Après un parcours classique avec un Baccalauréat littéraire en poche et deux années en faculté de Droit, Thalia Toussaint a intégré, par passion, une école d’esthétique à Dijon, puis à Paris. Elle a travaillé, pendant sept ans dans presque tous les domaines de l’esthétique, puis de la médecine et de la chirurgie esthétique, ainsi que dans le premier centre pré et post-opératoire de la capitale, annexé à une clinique. Ce parcours éclectique, diversifié et complémentaire lui a permis d’être recrutée en tant que responsable des soins en 2003 au sein du Spa Cinq Mondes à Paris où elle a évolué pour devenir spa manager en 2009. Depuis lors, l’activité du spa n’a cessé de progresser.

Une approche particulière du spa

Manager le « flagship » historique de Cinq Mondes implique une approche particulière. J’ai vu évoluer cette marque française naissante qui m’intriguait de par une conception et une innovation complètes dans tous les domaines : rituels de soins, sémantique, approche et prise en charge du client et du personnel, conception de produits innovants sans pétrochimie, en une marque internationale, leader du spa en France, puis en Europe.

À Paris, nous sommes au cœur de cette histoire, je dois transmettre au quotidien l’ADN de Cinq Mondes à toute nouvelle praticienne et chaque client qui ne nous connaît pas encore. Cela demande une énergie constante et une rigueur stricte au vu du volume de l’équipe et du nombre de clients qui viennent au spa.

Pour la majorité des clients, spa rime avec massages et bien-être. Cinq Mondes est la seule marque de spa qui présente une offre de soins massages du visage dont le ko bi do, technique ancestrale de lifting naturel japonais.

On ne peut être légitime et crédible que par une pratique exemplaire

Il faut apprendre à nos clients hommes et femmes à intégrer Cinq Mondes à leur routine beauté et bien-être chez eux.
De plus, nous sommes un spa urbain de 600 m2, nos clients voyagent régulièrement à travers le monde dans des hôtels avec des spas paradisiaques, que ce soit à la montagne ou à la mer. Il faut donc absolument, à leur retour en milieu urbain, essayer au maximum de prolonger leur expérience du spa avec un univers olfactif, visuel et musical qui les enchante à travers nos rituels.
Nous représentons également le label Spa-A qui nous engage à promouvoir et respecter une charte et 50 critères qualité avec un client mystère régulier : il faut donc s’assurer d’une approche engagée auprès de nos clients.

Une journée de spa manager

Je suis une manager atypique qui pense que ce poste complexe doit être le moins visible au sein du spa. Pour moi, une spa manager doit savoir organiser, anticiper les journées de travail et pouvoir offrir aux praticiennes tous les moyens nécessaires à la qualité de leur travail afin d’optimiser leur journée qui doit se dérouler dans les meilleures conditions possibles.
Je suis ultra présente et prévenante sans les surveiller ni les contrôler car je leur fais confiance, elles sont professionnelles et autonomes. Je suis deux ou trois jours par semaine en administratif, en fonction des besoins et deux ou trois jours par semaine à l’accueil. Mon bureau est placé à un endroit stratégique qui me permet de les voir évoluer dans le spa. Comme je suis très instinctive, quand je les vois arriver, j’ai une idée de leur état d’esprit et je sais si elles vont bien ou non. Si besoin, elles peuvent me parler à leur tour avant de commencer.

Je fais tous les jours le tour complet du spa afin de me rendre compte par moi-même des nécessités, puis je prends le temps d’un thé avec elles dans notre salle commune en discutant dans la bonne humeur. C’est une bonne façon de débuter nos journées qui sont toujours très denses. Après, les clients arrivent, le spa devient silencieux. Je me concentre sur l’organisation ou sur la conception du planning jusqu’à trois mois à l’avance, sur les questionnaires de satisfaction client…
Lorsque je suis à l’accueil, j’harmonise le flux des clients, de nombreux appels téléphoniques tout en écoutant les autres hôtesses. On ne peut être crédible et légitime que par une pratique exemplaire et souriante !

La gestion d’un client difficile dans le spa

Écoute, diplomatie et savoir-faire sont les maitres mots pour gérer au mieux ce genre de client et de situation qui peut dégénérer rapidement.

J’ai appris à distinguer le vrai du faux ou l’exagération. Comme j’ai moi-même pratiqué des soins des années, je suis plus à même de comprendre les clients et les praticiennes. La tâche la plus complexe est d’entendre et de comprendre ce que souhaitent les clients qui sont tous différents. Dans tous les cas, je les fais parler et si besoin abonde dans leur sens ou non. Si je dois m’opposer à eux, je leur explique toujours pourquoi et comment. Il en va de même pour les praticiennes. Beaucoup de clients ne disent rien à leur sortie de soin mais l’indiquent dans leur questionnaire, je leur téléphone car je trouve que la proximité est fondamentale.

Prévenir la fatigue ou le surmenage

La préoccupation autour du bien-être physique et mental de mon équipe m’a été enseignée par Jean-Louis et Nathalie Poiroux, les fondateurs de Cinq Mondes grâce à :
– des formations ultra pointues pour les protocoles quant aux gestuelles de soins, massages ou applications de produits,
– des formations qui vont au-delà des protocoles avec des enseignements sur l’ergonomie au travail, l’anatomie, comment donner de la puissance à son massage, comment respirer…,
– des journées variées au quotidien qui alternent soins d’eau, gommages, massages du corps et soins massages du visage avec un quota de massages par jour.

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