Valeur ajoutée et difficultés

Par Galya ORTEGA.

Les équipes de praticiens dans les spas sont majoritairement constituées de femmes. Souvent il y a des hommes. Tout d’abord parce que la législation nous y invite, parce que les hôtels le souhaitent et parce que très souvent les hommes sont excellents en massage. Cependant, cette situation est très complexe à gérer.

QUALIFICATION ET QUALITÉS MASCULINES

Dans les écoles de spa et dans les formations de massage bien-être, les hommes représentent 40 % des élèves. Ils sont déterminés à faire ce métier qu’ils abordent avec passion. Ils sont impliqués, cherchent les subtilités du soin en profondeur et souvent ce sont des praticiens d’exception au moins tout autant que les praticiennes féminines. Compte tenu de la législation, certains veulent avoir au moins un CAP d’Esthétique en plus et ils deviennent esthéticiens.
Ils ont la réputation d’être plus puissants que les femmes. C’est souvent vrai mais pas toujours.
Certains praticiens peuvent être fluets sans avoir une force physique exceptionnelle. Mais une chose est certaine en termes énergétiques, l’homme a une énergie Yang quelle que soit sa carrure et cela se sent dans un massage de spa. Il apporte quelque chose de différent : une affirmation du geste, une vitalité, une netteté comme « tranchante » même s’il est très doux. Il n’y a dans cette analyse aucun jugement de valeur, il s’agit juste d’un positionnement énergétique dont on a besoin dans les spas où on trouve souvent les massages venus d’Asie avec des composantes holistiques, polarisées ou d’énergie. Laurent Desvilles, Directeur des études à l’École Internationale du Spa, nous explique : « On pourrait supposer que les hommes sont cantonnés à des massages plus physiologiques comme les Suédois, les sportifs ou les deep tissue à cause de l’imaginaire de la force physique, ce qui est un peu vrai. Mais certains hommes peuvent être aussi enveloppants et maternants qu’une femme ».
Donc, sans aucun doute, un homme peut être très qualifié pour un massage spa et utiliser ses qualités personnelles et intrinsèques masculines.

RÉALITÉS TERRAIN DANS UN SPA

Le quotidien dans un spa est tout autre. Les standards qualité internationaux du spa préconisent de prévenir les clients du genre du praticien en leur donnant le choix. Et nous constatons souvent un refus net lorsqu’il s’agit d’un praticien masculin quelle que soit l’origine culturelle du client. Cela concerne les Français, les Méditerranéens, les Américains, les Asiatiques, les Musulmans. Certains hommes refusent d’être touchés par un homme, ou bien certaines femmes ou encore des hommes qui excluent qu’un homme touche sa femme. Le pourcentage de refus se situe entre 10 et 20 % globalement. Si le client n’a pas été prévenu à la réservation du choix possible, il arrive très souvent qu’il décline au moment d’entrer en cabine et, s’il n’y a pas de solution de remplacement, cela devient un problème.

L’homme a une énergie Yang quelle que soit sa carrure, et cela se sent dans un massage de spa

Et pourtant, dans la plupart des spas hôteliers, l’équipe est métissée masculin/féminin, par choix de la direction. Colette Audebert, responsable du Chi Spa au Shangri La, précise : « S’il y avait plus d’hommes esthéticiens j’en aurais nettement plus dans mon équipe. Et même la parité 50-50 me semblerait très bien. Un homme est très équilibrant pour une équipe ».
Souvent, pourtant, le praticien verra son planning libre à 50 %. S’il est salarié il devra rentabiliser son poste en prenant une responsabilité complémentaire et s’il est free lance, il aura du mal à gagner sa vie à moins de jouer sur plusieurs établissements en même temps.

Les praticiens masculins en spaSOLUTIONS ET STRATÉGIES

Souvent les réceptionnistes, dans la crainte du blocage éventuel avec le client, ne maîtrisent pas leur langage et anticipent sur le refus, laissant transparaître leur inquiétude. J’ai entendu parfois l’hôtesse dire « Je suis désolée, nous n’avons que des thérapeutes hommes » ou « C’est un praticien, cela vous gène ? ». C’est raté ! Le client ressent que cela peut être gênant. Une fois sur deux, il y a refus.
David Rousvoal, qui a une longue carrière de praticien dans des spas hôteliers ou thalassos, nous dit : « Lorsque je suis à l’accueil et que j’ai ce refus d’emblée, je discute avec le client afin de le convaincre de faire l’essai. Il suffit qu’il dise oui, ensuite il revient et demande à ce que ce soit moi ». Ce sont des a priori qui n’existent plus après l’expérience. De la part des hommes, il y a le tabou de l’homosexualité. Ils craignent d’être manipulés dans leur sensibilité par un homme ou bien ils craignent de sentir en eux-mêmes une pulsion qu’ils réprouvent intellectuellement. Pourtant, nous dit David Rousvoal : « Ces hommes vont sans problème chez un kiné, mais dès qu’ils doivent lâcher prise et ne plus avoir le contrôle, ils ne veulent pas se confronter à un homme. Avec une femme ce n’est pas pareil, ils acceptent d’être maternés car ils sont dans une autre vibration, une autre relation. Ce sont des personnes qui ne lâchent jamais avec un homme ! ».
Lorsqu’un homme refuse un praticien masculin pour sa femme, c’est tout simple : c’est de la jalousie et de la possessivité : « Aucun homme ne touchera ma femme pour la détendre ou lui donner du plaisir ».
Enfin, pour les femmes, la question est plus complexe. Il peut y avoir la crainte, comme pour l’homme, de la sensibilité érotique, il peut y avoir de la timidité tout simplement, une composante culturelle ou religieuse, et enfin il peut y avoir dans l’histoire intime et personnelle de la femme une mémoire traumatisante qui est respectable.

Les a priori sur les praticiens hommes n’existent plus après l’expérience

Jac Veyser, qui a été praticien en thalasso et en spa pendant des années et qui à présent travaille dans son propre cabinet, nous explique sa perception des réticences féminines : « J’ai constaté que les femmes sont souvent considérées comme des objets par les hommes, se retrouvent dans une situation qu’elle perçoivent comme analogue avec un thérapeute masculin. Donc elles fuient. De plus, elles prennent du plaisir à recevoir un massage, ce qui est normal, mais elles ont de la difficulté à assumer cela avec un homme.
Tous ces éléments nous permettent de comprendre les refus et de trouver les solutions pour amener les clients à recevoir un soin qui leur fait vraiment du bien. Comment faire de ce handicap un atout ? C’est possible !
Je reste persuadée qu’un praticien masculin est une grande valeur ajoutée dans un spa et que ses soins peuvent être équivalents sinon supérieurs à ceux des praticiennes. Reste à donner à chacun ce qui lui convient. »
Colette Audebert nous précise : « Mes praticiens masculins sont très demandés par les gens qui font du sport car ils maîtrisent les massages sportifs. Lorsqu’ils conviennent à un client c’est une fidélisation garantie ; et même lorsque le praticien nous quitte, le client le suit ! ».
C’est à ce stade que les réceptionnistes peuvent avoir un rôle déterminant en allant à la quête du besoin et de l’état du client. Cela tourne autour de 3 ou 4 questions :
« Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? Avez-vous besoin de douceur ou de fermeté ? Avez vous déjà reçu un soin avec un praticien masculin ? Nous avons un praticien très expérimenté que tout le monde nous réclame, il a un style de massage que personne de l’équipe ne sait pratiquer. Aimeriez-vous essayer avec lui ? ». Mais pour cela il faut avoir du temps… ce qui souvent manque à l’accueil du spa.

LES HOMMES DANS UNE ÉQUIPE DE FEMMES

En d’autres termes « un coq dans une basse cour ». De nombreux directeurs constatent que cela équilibre et que les femmes se comportent mieux lorsqu’il y a un homme pour compenser trop d’émotionnel ou de rivalités féminines. Encore faut-il que le ou les hommes participent à tout : fassent le ménage ou rangent le linge comme leurs collègues, qu’ils soient à l’écoute et ne jouent pas les machos ou les enfants gâtés. Mais en général cela se passe bien.

L’AVENIR DES SPA PRATICIENS

Cette profession évolue beaucoup. La situation est concrètement celle que nous avons évoquée : des refus des clients directement au spa avec les conséquences et la frustration qui en découlent. Les mentalités progressent mais la situation est ainsi pour le moment.
Du coup, nous observons la transformation des métiers de spa praticiens dans deux voies : la formation et la pratique en cabinet privé.
Ce sont en général des formateurs très charismatiques. Ils peuvent avoir un côté un peu « gourou » dont ils jouent. C’est une bonne transformation de leur côté masculin protecteur qui dispense le savoir. Connaissant bien le métier, ayant eu une expérience terrain et ayant été intégrés à une équipe de femme, ils deviennent d’excellents directeurs de formation et ils managent les formatrices avec art.

Quant au fait d’avoir leur cabinet indépendant en ayant une clientèle privée, c’est en général un grand succès. Dans ce cas, c’est le client qui choisit de venir, donc il sait que c’est un homme qui fait les soins. Il n’a donc plus de refus. Il peut alors déployer tout son art du soin. Jac Veyser nous explique : « En tant qu’indépendant, j’ai beaucoup de satisfactions car je travaille vraiment avec tous mes moyens. En particulier je travaille en lien avec une psychothérapeute qui m’envoie ses patientes en souffrance psychologique et corporelle. Le fait pour ces femmes de recevoir un toucher bienveillant et clair de la part d’un homme est en soi une étape de guérison. Dans ce cas, être un homme est un plus ».

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