Le spa au service de la rentabilité des hôtelsCommunication présentée au Village Spa, dans le cadre du 49ème Congrès International d’Esthétique & Spa (avril 2019, Paris), par Fabienne FARNETTI, Spécialisée en hôtellerie de luxe et bien-être, Consultante en exploitation et marketing spa, Luxury Attitude et customer experience, Cécile TROUILLER, Consultante spa, et Galya ORTEGA, Créatrice de soins, Formatrice, Spa Consultante spécialisée dans le positionnement stratégique des spas.

Il est de coutume de dire que les spas d’hôtels ne sont pas rentables, mais qu’ils contribuent à l’image et à la décision d’achat de chambres. C’est exact parfois. Mais l’expérience démontre que l’implantation réfléchie et orientée d’un spa peut largement contribuer à une vraie rentabilité de l’hôtel. Nous observons que les hôteliers changent d’attitude et trouvent des solutions inventives en intégrant des activités spécifiques.

Galya Ortega
Je voudrais que nous abordions ensemble ce sujet passionnant qui est non seulement la rentabilité du spa mais est-ce qu’un spa apporte une vraie rentabilité à l’hôtel ?
Il est habituel de dire que c’est faux. Les hôteliers disent que lorsqu’il y a un spa, les clients réservent plus volontiers. C’est vrai. Mais il est prouvé aussi qu’ils peuvent être dans l’hôtel et ne pas aller au spa pour autant. C’est ce qu’on appelle le syndrome Tour Eiffel. Les Parisiens ont la Tour Eiffel à leur disposition et n’y vont jamais. Si quelqu’un vient de province, il va à Paris, il va systématiquement à la Tour Eiffel. Voilà, c’est comme ça. Nous sommes habitués. Mais il y a moyen de faire autrement.
Pour vous exposer ce sujet, j’ai demandé à deux expertes de partager avec vous leurs expériences.

– Cécile Trouiller a 25 ans d’expérience en management, dont 17 ans chez Pierre & Vacances. Elle a dirigé une équipe de 60 collaborateurs dans tous les domaines, commercial, juridique, financier, etc. C’est une experte des métiers du tourisme, elle a participé à l’ouverture de plusieurs hôtels en France et à l’international. Elle connaît aussi très bien les soins, et maintenant, elle est consultante. Elle aide les spas à s’ouvrir, à acquérir une vitesse de croisière, et ensuite à se poser la question de la rentabilité.

– Fabienne Guillot Farnetti a un parcours un peu différent. Elle est passionnée par le développement des spas. Ce qu’elle aime, c’est voir un spa se créer, surtout s’épanouir et être florissant. Elle est très proche de l’hôtellerie de luxe, des palaces, des Relais & Châteaux, qu’elle connaît très bien, depuis le marketing jusqu’à l’exploitation.
Depuis quelques années, elle s’est spécialisée dans ce qu’on appelle la Luxury Attitude.
Toutes les deux ont vraiment l’expérience de la rentabilité des spas dans un contexte hôtelier.

L’EXEMPLE DU SPA DES SOURCES DU HAUT PLATEAU

Cécile Trouiller
L’histoire que je vais vous raconter est celle d’un spa qui a priori avait assez peu de chances d’être rentable. Mais les propriétaires avaient décidé de le créer pour apporter une plus-value à leur hôtel. Il s’agit du Spa des Sources du Haut Plateau de Saint-Bonnet-le-Froid. Déjà, quand on est localisé à Saint-Bonnet-le-Froid, c’est dur ! C’est à 2 h de Clermont-Ferrand, 1h30 de Lyon, entre 1h30 et 2 h des villes environnantes. Mais ce n’est quand même pas n’importe quel endroit, c’est là où se trouve le restaurant de Jacques Régis Marcon, un restaurant trois étoiles. Et comme il est un peu au bout du monde, les dirigeants ont décidé de créer des hébergements, pour leurs clients qui n’avaient pas envie de reprendre la route après un si excellent dîner.

Galya Ortega
Anne-Sophie Pic à Valence m’avait expliqué que les gens qui ont bien mangé et bien bu restent une nuit mais pas deux.

Cécile Trouiller
C’est la raison pour laquelle ils ont eu assez rapidement envie de créer un spa. La collectivité s’est alors rapprochée d’eux, car ils avaient envie de créer un spa qui permettrait à ce village de moins de 500 habitants, mais aussi aux villages alentour, de profiter d’équipements pour le bien-être et la remise en forme et en particulier d’équipements aquatiques.

Donc, ce projet n’a pas été créé n’importe comment, ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, ce spa a fait l’objet de plus de deux ans d’études. Et ils ont développé un vrai produit global avec bien évidemment un espace sensoriel aquatique magnifique, des salles de soins toutes ouvertes sur la campagne où les sensations dans les soins sont assez exceptionnelles. Ils ont également tout de suite décidé de créer un espace fitness, modulable, qui permet de recevoir à peu près tous types de cours, du fitness à la méditation en passant par la sophrologie et le yoga. Donc, c’est vraiment un projet global, qui a été réalisé par des professionnels.
Si je vous parle de ce spa, c’est parce que, pour moi, c’est une référence. Il est assez proche de la perfection tant dans sa conception que dans son exploitation. Cela fait 4 ans qu’il est ouvert, les hébergements (78 chambres) sont complets trois mois à l’avance, ainsi que la brasserie qui fait trois cents couverts par jour. Je vais vous donner quelques chiffres : le chiffre d’affaires est principalement constitué de packages avec une nuitée et un déjeuner ou un dîner à la brasserie. Plus de 15 000 bons cadeaux ont été vendus sur Internet en 2018 ! Ça représente 22 000 clients ! C’est environ 40 % de la fréquentation. Aujourd’hui, on est à environ 48 000 entrées au spa !

Galya Ortega
C’est fascinant de voir ça. Un hôtel et un restaurant gastronomique qui étaient perdus dans une campagne et qui ne pouvaient avoir aucune rentabilité au niveau hôtelier, deviennent hyper rentables, après avoir créé un spa, un hôtel de catégorie inférieur et une brasserie, qui sont bookés trois mois à l’avance.

Cécile Trouiller
Ce qui est intéressant et ce que m’a fait remarquer la famille Marcon, c’est que le spa rajeunit sa clientèle. Le restaurant trois étoiles attire une clientèle plutôt âgée, et là, aujourd’hui, l’âge moyen de la clientèle est de 35 ans. Ce sont des clients qui viennent pour la première fois pour le spa et qui reviennent ensuite pour le restaurant étoilé. Et tout ceci grâce au spa !
Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui le spa fonctionne ? L’ensemble est cohérent, l’identité du spa est cohérente avec l’ensemble du lieu, avec la famille, avec les gens qui le représentent. Ce n’est pas un spa bling bling, il n’y a pas de marbre. Il y a du bois, de la pierre, un magnifique feu de cheminée. Quand on arrive, ça raconte une histoire cohérente. C’est ce qui fait la réussite principale de ce spa.

L’EXEMPLE DU SPA LOISEAU DES SENS

Galya Ortega
Je voudrais vous parler de Dominique Loiseau qui a créé le Spa Loiseau des Sens, à Saulieu. Elle m’a expliqué que ses hôtels, ses restaurants et son spa représentent une unité. Elle ne vend pas des chambres, elle vend de l’expérience. Ses clients viennent, ils ont une expérience gustative, gastronomique, une expérience des sens avec le spa et une expérience d’hôtellerie de luxe.

Spa Loiseau des Sens

Spa Loiseau des Sens

Il est évident que son spa participe grandement à la rentabilité de ses hôtels. Pourquoi ? Parce que c’est indissociable, c’est son concept. C’est vraiment très intéressant. Ça veut dire qu’on n’est pas toujours obligé d’individualiser les comptes.

Cet hôtelier ne vend pas des chambres mais de l’expérience

L’EXEMPLE DU SPA DE L’HERMITAGE À ÉVIAN

Fabienne Farnetti
Le Resort Évian est relativement important avec au moins une dizaine de restaurants, des salles de conférences et de spectacles, deux hôtels, un centre thermal, et les spas sont d’excellents faire-valoir. Il y a un spa à l’Hôtel Hermitage**** et il y a un spa à l’Hôtel Royal*****. Il y a aussi les Thermes d’Évian. Les dirigeants ont compris à quel point le bien-être était un marché exponentiel et donc ils misent énormément sur leurs spas. Il y a même un responsable de la filière spa au sein du Resort.
Des forfaits all inclusive sont proposés à la clientèle. Ces forfaits all inclusive permettent aux hôteliers de vendre des soins dans le spa. Souvent les clients choisissent plutôt un hôtel avec un spa même s‘ils n’y vont pas. Un hôtel avec un spa, c’est la qualité !

Galya Ortega
Grâce au spa, les hôtels ont gagné 75 % de plus de fréquentation ! Grâce au spa, certains hôtels qui n’étaient ouverts qu’en saison sont ouverts toute l’année. Les clients viennent hors saison parce qu’ils peuvent se relaxer.

Fabienne Farnetti
Avant, on venait dans un hôtel parce qu’il y avait une piscine ou une salle de fitness, maintenant, on vient parce qu’il y a un spa, ça a vraiment changé.

L’EXEMPLE DE LA COQUILLADE VILLAGE

Fabienne Farnetti
Je voudrais vous parler d’un Relais & Châteaux que je connais bien, La Coquillade Village, un hôtel 5 étoiles de 63 chambres, composé de six bâtisses provençales, qui se situe au cœur des vignes dans le Lubéron. Il est ouvert huit mois de l’année. Pendant longtemps, il a fonctionné avec le minimum, c’est-à-dire une piscine, une salle de soins et un sauna. Et en 2009, les propriétaires ont décidé d’investir et de construire un superbe spa de 1 650 m2 très prestigieux, qui complète toutes les activités axées sur l’art de vivre et la nature. Tout tourne autour du spa qui est central.

La première année, l’objectif est d’amortir les pertes

Quand on décide de créer un spa, il ne faut rien lâcher, il n’est pas possible de juste créer un spa comme un autre service qui va fonctionner tout seul, non ! Pour qu’un spa soit rentable, il faut énormément travailler sur le spa. Le spa de La Coquillade Village a apporté une véritable augmentation du taux d’occupation de l’hôtel. Les semaines creuses, «les ailes de saison», c’est-à-dire les mois de mars, avril, septembre et octobre, sont remplies grâce au spa ! C’est formidable. Le chiffre d’affaires augmente tous les ans de 20 % et trois ans après l’ouverture du spa, l’équilibre financier est là ! Évidemment, il ne faut pas rêver, un équilibre financier opérationnel d’exploitation, dès la première année, n’est pas envisageable. Il s’agit juste d’amortir les pertes. En tout cas, trois ans pour un spa de cette dimension-là, c’est une réussite. De nombreux forfaits sont proposés axés nutrition-santé, ce qui est très tendance actuellement, et attirent les clients à La Coquillade Village. Donc, le spa est un véritable succès, et aussi un faire-venir à La Coquillade. Et c’est un hôtel saisonnier, voilà, qui ouvre. Évidemment, les soins sont innovants, ça fait partie des conditions du succès dans n’importe quel secteur d’activité.

La Coquillade

La Coquillade

Galya Ortega
Quel que soit le spa, il doit vraiment être dirigé professionnellement. Vous n’êtes pas obligé de faire un spa immense. Il faut faire un calcul intelligent. Il y a une masse critique :
– si vous créez un spa trop petit, il ne vous rapportera pas d’argent, et même il vous en coûtera, car il y a des frais incompressibles,
– si vous avez un hôtel de luxe et que vous mettez un spa trop cheap, il ne vous rapportera rien, mais vous n’êtes pas obligé de faire un spa immense.

L’EXEMPLE DE PIC À VALENCE

Je vais citer encore un exemple. À une époque j’ai rencontré Anne Sophie Pic et son mari à Valence. Ils avaient une vraie volonté d’offrir un service spa dans leur magnifique hôtel-restaurant étoilé. Mais comme ils ne voulaient pas le gérer et qu’ils n’avaient pas l’espace, ils ont fait du bricolage, un accord avec un institut de beauté dans la même rue où ils envoyaient les clients. J’ai visité leur hôtel et je leur ai donné le conseil de créer un spa in room dans deux belles suites magnifiques (comprenant une chambre et un salon) qui étaient très rarement occupées. D’un côté, il était possible de louer la suite avec un service de massage sur place, et quand la suite n’était pas occupée, elle pouvait servir de mini-spa pour les clients. C’était facile à réaliser. Ce qui les a rebutés, c’est de gérer. Ils voulaient bien faire les choses.
Il ne faut pas croire qu’on peut prendre la réceptionniste de l’hôtel pour conseiller le client et qu’on peut prendre une thérapeute free lance comme ça, non ! Il faut engager des professionnels. Sinon, autant prendre quelqu’un qui va faire du massage en chambre, mais ce n’est pas un spa.