Par Florence KOWALSKI, Spaboosting.

Ayant eu la chance de réaliser une mission professionnelle au Japon, je ne résiste pas à l’envie de partager avec vous mon expérience personnelle du spa au Japon, spécialement celle vécue au Onsen d’Odaiba. Spa managers, spa praticiennes, amateurs de spa… je vous invite à découvrir une autre façon de vivre le spa…

Le suivi des indicateurs commerciaux et opérationnels du spa sont des éléments essentiels pour développer la rentabilité d’un spa… mais ils ne seraient d’aucune utilité sans un élément essentiel, Graal de nombreux hôteliers et propriétaires de spas : l’expérience client. Beaucoup de choses très intéressantes ont été écrites sur ce sujet mais on ne progresse jamais autant qu’en vivant soi-même l’expérience en question, pour ressentir le moment et comprendre ce qui procure une intense satisfaction ou ce qui, au contraire, est particulièrement frustrant et obstacle à une éventuelle fidélisation…

LE SPA À LA JAPONAISE, C’EST QUOI ?

Au Japon, le terme de spa désigne originellement les Onsen ou sources chaudes, particulièrement nombreuses, en raison de la situation volcanique exceptionnelle de ce pays. Le Onsen est donc ancré dans la nature même du Japonais (et de la Japonaise) pour qui l’eau revêt un caractère purificateur séculaire tout en étant devenu un véritable art de vivre à expérimenter en famille dans un contexte parfois déconcertant pour les Européens…

Un Onsen est un ensemble d’installations intérieures et extérieures de différentes températures, construites sur une source d’eau chaude donnée. Particularité : il y a une partie hommes et une partie femmes car on se baigne nu, après avoir pris au préalable une douche (eh oui, on ne se lave pas dans le Onsen…) Ces installations se retrouvent partout dans le pays. Les Japonais y vont au moins une fois par semaine pour se reposer, se ressourcer et, plus « asiatiquement » parlant, pour se purifier… Le Onsen d’Odaiba est à la base un Onsen de cette nature mais la modernité japonaise s’est abattue dessus et, selon moi, il reflète parfaitement la vision séculaire du spa pour le Japonais sous un emballage de modernité à l’image de la société japonaise d’aujourd’hui.

LES PRÉPARATIFS

Il nous faudra une heure de route depuis la gare de Tokyo pour parvenir au pied d’un grand bâtiment sans charme derrière lequel il est impossible d’imaginer ce que je vais trouver derrière… Première étape, comme partout au Japon, se déchausser, ranger ses chaussures dans les casiers dédiés et… faire la queue en attendant l’ouverture des portes. À 11 h, nous pouvons enfin entrer : je reçois un bracelet électronique sur lequel seront chargées toutes les dépenses de la journée. Je choisis mon yukata (peignoir en forme de kimono) de la journée (5 motifs disponibles), le obi associé (également 5 couleurs) et départ pour le vestiaire (décoré d’une magnifique vague d’Hokusai) pour se changer. Nous gardons juste nos sous-vêtements, un kimono et un nœud de obi (il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à sa voisine) pieds nus et juste équipés de nos téléphones portables (qu’on glisse discrètement dans la manche du kimono, spécialement cousue à cet effet (fonctionnel comme tout au Japon !). Ensuite je rejoins ce que je pense être le Onsen… En fait, j’entre dans une immense salle au décorum tout japonais (temples, personnages de manga en statues en carton grandeur nature, espaces où on mange à même le sol, stands de nourriture asiatique, jeux pour les enfants…). Il y a tout un esprit fête foraine qui flotte ici. Particularité : pas de signe distinctif puisque nous sommes tous en kimonos…

Tous les services du vestiaire considérés en France comme luxueux sont ici courants

Cette gigantesque salle distribue trois lieux stratégiques : le Onsen en lui-même, le bassin promenade pour les pieds, et la partie soins visage et soins corps (massages, massages de la lymphe, réflexologie…). La réflexologie plantaire au Japon, j’ai déjà testé et j’ai eu mal, mais j’ai appris que même les Japonais ont mal, il paraît que ça veut dire que quelque chose ne va pas dans notre ki, l’énergie vitale qui circule en nous et c’est bien pour ça que la réflexologie est utile. Le soin visage, j’ai également testé et j’aurai certainement l’occasion d’en re-parler… Je réserve donc un massage d’une heure et 10 mn de massage lymphatique des pieds à 15 h. Mon voyage au pays du spa version Odaiba commence ici…

ÉTAPE 1 : LE ONSEN, ENTRE DÉTENTE ET DISCUSSIONS CONVIVIALES

Le passage par le Onsen est très ritualisé : on se dévêt complètement (c‘est pour cette raison je pense qu’on voit peu d’Occidentaux dans les Onsens, cet aspect culturel est encore très fort), douche rapide obligatoire, puis passage d’un bassin à l’autre, à différentes températures, au gré de ses envies. Un bassin central d’eau froide permet de venir se refroidir de temps en temps car les eaux sont globalement chaudes, voire très chaudes. À l’extérieur, les bassins creusés dans le sol, de formes irrégulières (à l’intérieur tout est carré ou rectangulaire) et la végétation haute donnent l’impression de se retrouver dans un jardin tropical.

Certaines Japonaises se relaxent allongées dans l’eau les yeux fermés, d’autres jouent avec les enfants, certaines discutent entre copines sur un banc au milieu des bassins… On sent vraiment que le rituel du Onsen fait partie du quotidien ou tout du moins de « l’hebdomadaire » des Japonais. L’eau est un élément délassant mais aussi perçu comme purifiant et thérapeutique chez une population amenée à vivre de plus en plus âgée. Peu d’installations, juste deux bains Jacuzzis avec « grosses » ou « petites » bulles, un sauna au sel d’Himalaya et quelques tables de gommage côte à côte, isolées par un simple rideau où des praticiennes s’activent. Nous en profitons deux bonnes heures…

Tout le monde a mal et le dit en riant

Avant le retour aux vestiaires, douches obligatoires dans des petites alcôves partiellement individualisées, shampooing, après-shampooing et savon pour le corps de marque et mis à disposition en grands formats (une évidence au Japon mais je le souligne car ce n’est pas encore le cas en France dans tous les spas (hors spas de luxe ou très haut de gamme). Puis nous retournons nous rhabiller dans un joyeux remue-ménage où chacune s’active pour remettre son kimono avant de continuer sa journée. Bien entendu aucune Japonaise ne sortirait du vestiaire sans avoir pris soin de sa peau et de sa remise en beauté. Des petites coiffeuses individualisées identiques à ce qu’on trouve chez nous dans des spas d’hôtels 5* les attendent avec lotion tonique, crème hydratante, lait corps, cotons-tiges…

Dans un stérilisateur, des brosses à cheveux en plastique sont bien rangées, libre à chacun de se servir, puis de les mettre dans un bac de recyclage pour re-stérilisation et ré-utilisation… Par rapport à la France, on est sur une approche très « démocratique » du spa où les services en vestiaire qui pour nous relèvent du haut de gamme, voire du luxe, sont ici accessibles. Cela peut illustrer l’incompréhension des Japonais à leur venue en France dans nos établissements et leurs attentes en termes de service…

ÉTAPE 2 : LE BAIN DE PIEDS, PARCE QU’IL FAUT SOUFFRIR POUR ALLER MIEUX…

Nous passons sans transition de cette ambiance relaxante à l’ambiance très animée des restaurants d’Odaiba (toujours en kimono !) où, après avoir déjeuné en regardant un spectacle de diabolo et de jonglage (au Japon, le côté suranné challenge parfois le tout technologique), puis nous ressortons pour profiter du bain de pieds dans un grand jardin extérieur au centre duquel a été creusée une travée de 30 cm de profondeur et 1 m 50 de large environ pour 200 m de long en courbes.

Nous mettons nos pieds dans l’eau et comme tous les Japonais, nous suivons ce véritable « chemin de croix » : en effet, sous nos pieds alternent galets grossiers, agréables, et petits galets saillants bien douloureux et bien espacés pour vraiment créer du relief. Tout le monde a mal et le dit en riant… mais tout le monde avance jusqu’au bout… Surprenant ! Mais finalement assez cohérent avec ce que j’ai expérimenté sur la réflexologie plantaire. On accepte donc assez bien la douleur dès lors qu’elle permet d’atteindre un état physique (et donc mental puisque les deux sont intimement liés) meilleur… C’est un enseignement important pour bien comprendre l’état d’esprit des Japonaises à qui les marques françaises ambitionnent de vendre du soin.

J'ai testé le spa Made in Japan

Ensuite, pour ceux que ça tente, séance de fish spa collective, où encore une fois assis serrés autour d’un bassin rempli de « mangeurs de peaux » (les garra rufa), les Japonais s’amusent de leurs sensations tout en persistant jusqu’à la fin de la séance… Là aussi ambiance jardin tropical pour une installation, le « bain de pieds » géant (si je peux l’appeler ainsi), systématiquement associée au spa au Japon.

J’avoue que pour ma part, je suis rapidement sortie du chemin, pas encore prête à endurer cela, je suis encore trop attachée à l’image douillette du spa… (Et là je me dis que je ne suis pas encore prête à devenir japonaise…).

Mais surtout, je me dis que dans notre prise en charge de spa et dans la vision du soin que nous avons, nous offrons une dimension cocooning et individualisée « à la française » (cf. mon expérience massage ci-dessous) qui peut être une belle expérience à découvrir pour cette population habituée au spa mais pas à ce type de prise en charge.

ÉTAPE 3 : LE MASSAGE, UNE EXPÉRIENCE SURPRENANTE

Je me présente à l’entrée de la partie « Soins », identique à ce qu’on trouve chez nous, quelques minutes avant 15 h. À l’heure prévue, je suis prise en charge par une praticienne qui me fait entrer dans une immense salle avec une trentaine de lits bas type lits de camps (je vous rassure, ce sont finalement de vraies tables de massage) où d’autres personnes se font déjà masser. Les masseurs hommes pour les clients hommes, les masseuses femmes pour les clientes femmes. L’espace d’un instant, je me revois à l’arrivée du Marathon du Mont Blanc il y a quelques années, sur le point d’entrer dans la tente où les kinésithérapeutes enchaînent les massages de récupération sur les jambes des coureurs tout juste arrivés… Et je n’exagère pas ! La musique relaxante est couverte par le bruit des animations (un mélange de zumba-claquettes drivé par un Japonais déchaîné…). Ambiance…

Au Japon, pas de prise en charge individualisée

La praticienne me fait asseoir, m’aide à enlever le yukata mais je garde mes sous-vêtements. L’expérience est a priori surprenante compte tenu du contexte de prise en charge mais ensuite, la qualité de la pression (trop forte même pour la plupart des Occidentaux) et notamment la précision des gestes sur les groupes musculaires travaillés font oublier tout le reste.

En tant que Française, j’ai plus l’impression d’être chez un ostéopathe qui enchaînerait une série de mouvements lents mais fluides, qu’au spa, en termes de ressenti d’expérience, mais le résultat est là. Le massage lymphatique des pieds est rythmé et enlevé, j’ai l’impression que ce massage n’en finit jamais, à mon grand bonheur… Et bien sûr, je n’entends plus le Japonais « zumbeur-danseur de claquettes » qui pourtant s’est époumoné pendant une heure… Le réveil est difficile, surtout avec la prise en charge « client » à la japonaise telle qu’on la connaît, dans l’empathie et le sourire.

Mon voyage à Odaiba se termine ainsi : je suis entrée au cœur de la culture japonaise, de sa tradition du spa et de son omniprésence au cœur de la vie des Japonais. Il me semble intéressant de mieux comprendre cette approche du bien-être qui ne passe pas par une prise en charge individualisée et cocooning comme en France mais qui reflète les différences de mentalités dans ce domaine. Avec peut-être quelques astuces pour vous aider à mieux comprendre et donc mieux capter les clientèles japonaises dans vos spas !

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